Hinault: "Si l'AMA faisait son boulot..."

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Propos recueillis par Régis AUMONT , modifié à
Lassé d'entendre parler du cas Contador, lequel sera le grand favori du Tour de France qui s'élance samedi de Vendée, Bernard Hinault ne mâche pas ses mots envers les grandes instances internationales, notamment l'Agence mondiale antidopage (AMA) qu'il accuse de ne pas traiter équitablement tous les sportifs. Le Breton, dernier Français à remporter le Tour, en 1985, s'attend pour le reste à une 98e édition très dure, et espère que les Tricolores ne se tromperont pas d'objectifs.

Lassé d'entendre parler du cas Contador, lequel sera le grand favori du Tour de France qui s'élance samedi de Vendée, Bernard Hinault ne mâche pas ses mots envers les grandes instances internationales, notamment l'Agence mondiale antidopage (AMA) qu'il accuse de ne pas traiter équitablement tous les sportifs. Le Breton, dernier Français à remporter le Tour, en 1985, s'attend pour le reste à une 98e édition très dure, et espère que les Tricolores ne se tromperont pas d'objectifs. Que vous inspire le parcours de ce Tour de France 2011 ? Il est beau. Il y a tout ce qu'il faut pour faire la course. C'est comme dans un restaurant, c'est un menu à la carte. Après ce sont les coureurs qui font ce qu'ils veulent. Ils choisissent dedans. S'ils décident de faire une très belle course ils le peuvent, s'ils décident de la saccager ils le peuvent aussi. Toutes les étapes sont belles à faire. Il y en a des dures, avec deux arrivées au sommet dans les Pyrénées, celle qui arrivera au Galibier dans les Alpes avec le lendemain une petite étape très courte mais très rapide qui arrivera à l'Alpe d'Huez. Et un contre-la-montre final assez exceptionnel. Depuis 32 ans que je suis dans le Tour, je ne pense pas avoir vu un parcours aussi difficile et aussi technique. Que peut-on attendre de la première semaine ? Des coureurs français qui auront envie de se battre et de gagner des étapes. Parce que je crois qu'ils n'ont pas trop de solutions. On sait qu'on ne peut pas gagner le maillot blanc, ni le maillot vert, celui de la montagne à l'occasion on peut le faire. Le maillot jaune on ne peut pas. Il faut aller chercher les victoires là où on le peut, et ce sera cette année dans la toute première partie. Y-a-t-il un coureur français que vous verriez se révéler ? Il faut qu'on attende. Les anciens sont toujours là. On peut compter sur Voeckler, sur Chavanel, sur Casar. La vieille garde est encore là et je pense que c'est encore eux qui feront la loi parmi les Français. Il y aura sans doute encore un petit trou après ceux-là, c'est chez nos juniors que l'on pourra peut-être trouver un futur grand. Et pour le classement général ? Non, il n'y en a aucun. En France il n'y a pas de coureur qui peut viser le général. A quoi sert de dire « je vais faire dans les dix premiers ». Un an après plus personne ne le sait. Alors que si on gagne une étape c'est marqué à vie dans tous les livres. On remarque les trois premiers du général et ensuite on ne retient plus. Autant gagner des étapes, faire comme l'an dernier quand ils en ont gagné six. Ça marque plus que de finir 13e ou 14e et de finir premier Français, ça n'a pas de sens. "Quand Contador dit qu'il a pu être contaminé par de la viande c'est très possible" Concernant Alberto Contador, avait-il sa place sur le Tour ? Il n'est pas condamné. Il faut arrêter un petit peu tout ça. C'est aussi les instances internationales qui ne font peut-être pas leur boulot. Depuis le mois d'août dernier ça traîne en longueur. Que ce soit de la part de l'UCI ou de l'AMA. Mais est-ce qu'ils sont très clairs ? Si l'AMA faisait son boulot... Si elle faisait faire à tous les sportifs les mêmes contrôles qu'aux cyclistes elle pourrait l'ouvrir (sic). C'est peut-être pour ça d'ailleurs qu'ils n'ont pas envie de jouer avec le cas Contador. Quand Gasquet est positif à la cocaïne il est blanchi après ! Mais faut arrêter. Qu'est-ce qu'elle a fait l'AMA là ? Quand Contador dit qu'il a pu être contaminé par de la viande c'est très possible. Si on contrôlait tout un groupe de personnes, il se pourrait que la moitié des gens soit positif. Avec toutes les cochonneries que l'on mange. Je ne crois pas à sa thèse plus qu'à autre chose mais je dis que c'est très possible. J'ai été paysan, et quand j'ai vu comment ils nourrissent les bêtes aux Etats-Unis, je peux vous assurer que quelqu'un qui en mange est positif. Avez-vous la crainte qu'une fois le Tour terminé Contador soit suspendu ? Tant qu'ils n'auront pas pris cette décision c'est du 50-50. On verra bien. Pensez-vous que Contador puisse réaliser le doublé Giro-Tour ? Bien sûr. Ce Giro était extrêmement dur par sa topographie mais je ne pense pas qu'il ait vraiment « tapé dedans ». Il l'a fait une journée, lors de l'étape de l'Etna et à partir du moment où il avait creusé l'écart il s'est contenté de gérer. Les autres n'ont pas pu le pousser dans ses derniers retranchements. Ne vous semble-t-il pas un cran au-dessus de tout le monde ? Il ne faut pas partir au départ en croyant qu'on a déjà gagné. Après c'est l'attitude des autres coureurs qui feront qu'il peut être mis en difficulté. S'ils l'attaquent, s'ils le malmènent... Les frères Schleck auront-ils la possibilité de l'attaquer chacun leur tour ? "Le Tour, c'est le sommet de ce qui peut être fait dans le vélo" Au-delà des frères Schleck, voyez-vous une troisième force capable de jouer sa carte ? Il y a un coureur que l'on a beaucoup vu sur le Dauphiné qui s'appelle Pieter Weening (lequel n'était pas présent sur le Dauphiné, mais sur le Giro où il a porté le maillot rose durant cinq jours, à moins qu'il ne voulait parler de Bradley Wiggins, vainqueur du Dauphiné, ndlr). On ne sait pas ce qu'il vaut sur le Tour. Là il est arrivé avec quatre kilos de moins. C'est important. Il n'y a jamais vraiment eu de confrontations entre lui et le duo Contador/Schleck. On ne sait donc pas trop où il se situe. Si jamais il se retrouve dans une grande échappée, qui va aller le chercher ? Il y a peut-être un bon jeu de course à faire. De risquer le tout pour le tout. C'est le jeu. Qu'est-ce que le Tour de France représente encore pour vous aujourd'hui ? C'est le sommet de ce qui peut être fait dans le vélo. A tous les niveaux, de l'organisation, de la presse... C'est assez impressionnant de pouvoir déplacer 4800 personnes tous les jours, et que tout marche tous les jours sans le moindre incident. On a à faire à des professionnels à tous les niveaux. Quel plaisir en tirez-vous ? A côtoyer des gens, à côtoyer les coureurs, à voir qu'il y a un peu de course même si de temps en temps je suis un peu déçu. Mais ça fait partie de l'évolution du cyclisme. Ce n'est pas du tout la même manière de courir que celle que j'ai connue. Que regrettez-vous ? Que ce soit parfois trop contrôlé même si le fait de retirer les oreillettes aux coureurs, logiquement en 2012, va sans doute changer les choses. Ça pourrait bien nous aider.