Groupama 3 s'offre le record

© Y.Zedda/Groupama
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AXEL CAPRON , modifié à
VOILE -

L'équipage de Franck Cammas a signé un nouveau temps référence sur le Jules-Verne.

VOILE - L'équipage de Franck Cammas a signé un nouveau temps référence sur le Jules-Verne."Les 45 jours sont envisageables". Ainsi parlait en octobre dernier Franck Cammas au moment de lancer officiellement sa nouvelle campagne sur le Jules-Verne, deux ans après une première tentative avortée à mi-parcours. L'Aixois aura finalement été un poil trop optimiste, puisque c'est dans le temps final de 48 jours 7 heures 35 minutes et 52 secondes qu'il boucle triomphalement son premier tour du monde, devenant, après le pionnier Bruno Peyron (1993, 2002 et 2005), le regretté Peter Blake (1994) et «l'Amiral» Olivier de Kersauson (1997, 2004), le quatrième détenteur du Trophée Jules-Verne (*). A seulement 37 ans, le skipper de Groupama 3, au palmarès déjà bien fourni (Québec-Saint-Malo 2000, Jacques-Vabre 2001-2003-2007, six titres de champion Orma), réussit à décrocher une récompense dont il avait fait son grand objectif sportif, après avoir presque tout gagné en 60 pieds sur ses deux premiers Groupama. Mais si cette issue était prévisible, dans la mesure où les progrès technologiques en matière de construction navale mais également d'analyse météo la rendaient quasi inéluctable, tout n'a pas été facile pour un skipper jusque-là peu habitué à ce que la réussite sportive lui résiste. Avant de boucler haut la main sa circumanvigation, son trimaran, mis à l'eau en juin 2006 sur des plans du cabinet VPLP, à qui l'on devra plus tard l'impressionnant USA 17, récent vainqueur de la Coupe de l'America, aura en effet connu son lot de fortunes de mer avant d'entrer dans la légende du Jules-Verne. Car si elle a très vite fait la preuve d'une vélocité à toutes les allures, décrochant ses premiers records sur des distances plus ou moins courtes, de la Route de la Découverte à Miami-New York en passant par le record des 24 heures et celui de l'Atlantique Nord (ces deux derniers battus depuis par Banque Populaire V), cette extrapolation en 105 pieds (31,50 mètres) du 60 pieds (18,28 mètres) Groupama 2, alors sans égal sur le circuit Orma, connaît aussi ses premiers déboires à l'occasion des débuts de Franck Cammas sur le Jules-Verne. La troisième tentative fut la bonne Le 18 février 2008, alors qu'il est dans les temps du record d'Orange 2 (50 jours 16 heures 20 minutes et 4 secondes depuis le 16 mars 2005), Groupama 3 chavire sous la Nouvelle-Zélande suite à une casse structurelle sur le flotteur bâbord. "Grande frustration" pour le skipper qui a cependant à peine le temps de récupérer son bateau en piteux état qu'il pense déjà à repartir. Commence dès lors un gros chantier pour remettre le trimaran sur pied et le renforcer afin de réduire au maximum l'effet de l'impact des vagues sur la structure en carbone, avant de relancer une campagne d'entraînements destinée à redonner confiance à un équipage que certains quittent alors (Proffit, Audigane, Dekker, Parlier), remplacés par des «petits nouveaux», embarqués en vue du Jules-Verne 2009-10 (Coville, Honey, Jeanjean, Lemonchois). Début novembre 2009, tout ce petit monde est prêt pour repartir et Franck Cammas ne tarde pas à donner le signal du départ, Groupama 3 grillant la politesse à Banque Populaire V (40 mètres), alors que tout le monde rêve d'un duel de géants autour du monde. Mais l'aventure se termine au bout de 11 jours, la faute à une avarie au niveau de la jonction entre le bras de liaison arrière et le flotteur bâbord. Beaucoup auraient alors remis ça à plus tard, pas Franck Cammas. Un chantier de consolidation plus tard, le trimaran navigue début janvier avant de se remettre en stand-by, avec une dead-line fixée au 5 février par le skipper. Ne voyant rien venir, Franck Cammas décide finalement de larguer les amarres le 31 janvier, à la faveur d'une fenêtre météo que son routeur à terre, Sylvain Mondon qualifiera "à triple risque". Il en faut plus pour décourager les dix expérimentés marins qui avalent l'Atlantique Nord à vive allure (record en 5 jours 15h23'), limitent la casse dans l'Atlantique Sud (à peine dix heures de retard), s'offrent un boulevard en fin d'Indien (record de l'Indien en 6 jours 22h34'), font le dos rond dans le Pacifique Sud, restent stoïques malgré "les milles qui défilent dans le mauvais sens" après le Cap Horn, pour terminer en boulet de canon après l'équateur, franchi avec une bonne journée de retard sur Orange 2. Cammas: "C'était assez éprouvant moralement et physiquement" A l'arrivée, c'est avec 2 jours 8 heures et 45 minutes d'avance sur Orange 2, à la vitesse moyenne de 18,76 noeuds, que Groupama 3 a franchi samedi la ligne fictive de son tour du monde entre Ouessant et le Cap Lizard, au terme d'un tour du monde qui aura été loin d'être facile. Un vrai challenge sportif qu'a su relever sans barguigner la "dream team" de Groupama 3, composée à la fois de fidèles (Jeanjean, Caraës, Le Peutrec, Le Mignon, Ravussin) et de "grognards" du large (Lemonchois, Coville, Le Goff), capables de tirer le maximum d'un bateau exigeant car très réactif. Un bon bateau, un équipage performant et dur au mal, un skipper capable de prendre les bonnes décisions et de tirer la quintessence des moyens humains et métériels mis à sa disposition, un routage presque parfait, assuré conjointement par le navigateur à bord, l'Américain Stan Honey, et à terre par Sylvain Mondon, de Météo France, voilà la recette d'un Jules-Verne réussi pour un Franck Cammas. (*) L'Américain Steve Fossett a détenu le record du tour du monde en 2004 en 58 jours 9h45'32", mais hors Jules-Verne, puisqu'il n'avait pas voulu verser les frais d'inscription