Gabart: "J'ai une chance énorme"

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Propos recueillis par AXEL CAPRON , modifié à
Deuxième de la Transat Jacques-Vabre en 2009 au côté de Kito de Pavant sur Groupe Bel, François Gabart vole cette année de ses propres ailes, lui qui est le skipper d'un nouveau Macif, mis à l'eau en août. Si le Vendée Globe 2011-12 reste la priorité, le champion de France de course au large en solitaire 2010, associé à Sébastien Col, se considère comme un outsider sur cette Jacques-Vabre 2011 très ouverte...

Deuxième de la Transat Jacques-Vabre en 2009 au côté de Kito de Pavant sur Groupe Bel, François Gabart vole cette année de ses propres ailes, lui qui est le skipper d'un nouveau Macif, mis à l'eau en août. Si le Vendée Globe 2011-12 reste la priorité, le champion de France de course au large en solitaire 2010, associé à Sébastien Col, se considère comme un outsider sur cette Jacques-Vabre 2011 très ouverte... Comment s'est passée la prise en mains de votre bateau, mis à l'eau l'été dernier ? Super, on a pas mal navigué depuis la mise à l'eau. En sortie de chantier, on a toujours pas mal de bricoles à faire, ce qui fait qu'on peut rarement être à 100%, mais on a plutôt bien réussi notre coup, j'en suis assez content, car il y avait pas mal de choses à apprendre. En revanche, je n'ai pas énormément navigué avec Seb, parce qu'il était pas mal pris sur d'autres projet, en TP 52 ou Wally, mais les peu de nav qu'on a faites ont été assez efficaces. Et lors des premières confrontations avec les autres bateaux, on a été plutôt dans le match. Le bateau répond-il au cahier des charges que vous vous étiez fixé ? Complètement ! On est dans ce qu'on attendait, on a bien respecté le cahier des charges qui était déjà de construire le bateau dans un délai assez court, on avait une pression temporelle pas négligeable parce qu'il fallait être au départ de la Jacques-Vabre. Et on est contents des choix qu'on a faits, le bateau nous a rarement surpris, ou quand on l'était, c'était plutôt dans le bon sens. Si on met à côté Banque Populaire, l'ancien Foncia de Michel Desjoyeaux dans les moules duquel votre bateau a été construit, et Macif, quelles sont les principales différences ? Il faut jouer au jeu des sept différences... Il n'y a rien d'énorme, mais ce qui va être visible tout de suite, c'est la forme du pont: on est un peu plus haut sur Macif juste devant le mât. On a gagné en solidité en faisant ça, en ergonomie aussi car on a gagné de la place dans la soute à voiles, ça permet de rentrer et de sortir les voiles plus facilement, le but aussi était de surélever la trappe de soute à voile pour avoir moins de rentrée d'eau. Les autres différences ? Dans la structure générale, il y a des différences d'échantillonnage et de répartition en termes de construction de coque, il y a les dérives, qui sont différentes dans leur position, leur orientation et leur profil. Pour le reste, ce sont des détails d'ergonomie, d'accastillage, de positionnement de poulies, de winches, de siège de barre, de barre... Le fait d'avoir eu un test en grandeur nature sur Foncia m'a été utile (il a participé à la Barcelona World Race avec Michel Desjoyeaux, ndlr), j'ai ensuite essayé d'adapter le plus possible le bateau à ma pratique, à ma façon de naviguer. En termes de performances, comme on connaissait bien Foncia, on espère avoir fait mieux dans plein de petits domaines, mais la différence se fera plus sur la façon de mener le bateau. "Trop tôt pour être favori" Plutôt que de choisir un skipper d'expérience pour vous accompagner sur la Jacques-Vabre, vous avez fait appel à Sébastien Col, surtout connu pour le match-racing. Histoire de montrer que c'est désormais vous le patron du projet ? Ce n'est pas complètement faux, il y a un peu de ça. Mais il y a d'autres raisons: déjà, je m'entends très bien avec Sébastien. La première fois qu'on s'est rencontrés, c'était sur la Transat Jacques-Vabre il y a quatre ans, j'étais routeur de Groupe Bel, lui co-skipper de Kito. On a ensuite navigué ensemble à plusieurs reprises sur le Tour de France à la voile, le feeling est tout de suite bien passé. J'apprécie beaucoup le personnage, sa façon de naviguer et de gérer les projets. Et on voulait quelqu'un avec une expérience différente. J'ai la chance dans le projet Macif d'être avec Michel Desjoyeaux (maître d'oeuvre du projet avc son écurie Mer Agitée, ndlr), qui est derrière nous depuis le début et le restera encore, même après le Vendée Globe, donc j'ai déjà une équipe avec une grosse expérience de la course au large et du Vendée Globe. Par contre, on n'avait pas cette expérience différente, Coupe de l'America et match-racing, Sébastien a plein de choses à nous apporter dans ces domaines-là. Ce sont quand même des exercices très différents, non ? Le match-racing, oui, c'est différent, mais il y a aussi la Coupe de l'America: Sébastien connaît très bien le maniement des gros bateaux, très lourds, il connaît bien le développement de ce type de machine, il sait ce que c'est de mettre au point un bateau. Il avait d'ailleurs déjà fait ça il y a quatre ans avec Groupe Bel et Kito. Et il connaît la compétition de haut niveau, en match-race et sur la Coupe, c'est aussi ce que je recherchais. Cette Jacques-Vabre est votre première course au large sur Macif, aurez-vous envie de tout de suite marquer le coup vis-à-vis de la concurrence ? L'objectif premier est bien évidemment de finir, après, si on peut jouer les premières places, on ne se privera pas, donc on essaiera. Mais le bateau a été mis à l'eau il y a très peu de temps, on a beaucoup à apprendre dessus, le grand objectif, c'est le Vendée Globe. On est dans une logique de découverte et de développement, si on arrive au Costa Rica en ayant appris beaucoup de choses, on sera ravis, même si on est derrière. Donc je ne me considère vraiment pas comme un favori, mais comme un outsider. Car même si le bateau est super-performant, ça reste un bateau très récent, c'est trop tôt pour être favori. Et nous aussi, Sébastien et moi, on a une toute petite expérience de l'Imoca par rapport à d'autres. "Pas le droit de ne pas en profiter" Quel est le rôle exact de Michel Desjoyeaux auprès de vous ? Il accompagne le projet, toute l'équipe est salariée de Mer Agitée. Moi, il me suit d'un point de vue technico-sportif: dès qu'on a des décisions importantes à prendre à terre d'un point de vue technique, je suis le premier à solliciter son avis, c'est une des personnes les plus talentueuses dans ce domaine. Pareil sur la préparation sportive, il est là pour nous aider, avec toute l'équipe de Mer Agitée. Par exemple sur un départ de Transat Jacques-Vabre, c'est intéressant de savoir comment ils préparaient la course en termes de logistique, d'avitaillement, de matériel embarqué, cette expérience nous intéresse. Vous allez disputer votre deuxième Jacques-Vabre, quel souvenir gardez-vous de l'édition 2009, terminée à la deuxième place avec Kito de Pavant ? Quand j'y repense, ça me fait sourire, car je n'en garde que des bons souvenirs. Certes, on avait eu des conditions difficiles et exigeantes, mais j'espère revivre les mêmes sensations. Après la Jacques-Vabre, il y a une transat retour en solitaire, est-ce aussi un objectif important ? Oui, plus que jamais ! C'est important en vue de la préparation pour le Vendée. Déjà pour se qualifier, car le bateau et le skipper ne sont pas qualifiés, ensuite parce que ce sera ma première course en solitaire en Imoca, vraisemblablement la seule avant le départ du Vendée. Donc oui, j'y pense déjà, j'ai vu la saison 2011 comme deux transats, une aller en double, une retour en solo, je prépare les deux courses avec le même sérieux et la même intensité. Justement, quel sera votre programme en 2012 ? On va naviguer au maximum. Malheureusement, il n'y a pas de Transat anglaise, donc pas de course en solitaire, mais il y a quand même un programme assez riche, une Istanbul Europa Race qui dure presque deux mois tout compris, on fera ensuite tout pour s'entraîner. Tout est allé très vite pour vous ces dernières années, avez-vous toujours l'impression de vivre un rêve éveillé ? Oui, complètement ! C'est un rêve que je vis à fond, j'y pense tout le temps, j'ai une chance énorme de pouvoir faire ça, je n'ai pas le droit de ne pas en profiter, de passer à côté.