"Franck nous a bluffés"

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Europe1 Sport , modifié à
Comme lors de la Route du Rhum 2006 et du Vendée Globe 2008-09, Yann Eliès nous accompagnera tout au long de la neuvième édition de la Route du Rhum. Routeur avec le "sorcier" de la météo Jean-Yves Bernot de plusieurs skippers, notamment de Francis Joyon, le "miraculé des mers du Sud", victime de graves blessures sur le dernier Vendée Globe, nous livre ses analyses météo et évoque les différents aspects de la transat en solitaire préférée des Français.

Comme lors de la Route du Rhum 2006 et du Vendée Globe 2008-09, Yann Eliès nous accompagnera tout au long de la neuvième édition de la Route du Rhum. Routeur avec le "sorcier" de la météo Jean-Yves Bernot de plusieurs skippers, notamment de Francis Joyon, le "miraculé des mers du Sud", victime de graves blessures sur le dernier Vendée Globe, nous livre ses analyses météo et évoque les différents aspects de la transat en solitaire préférée des Français. Ultime : "Groupama, une machine de guerre pour aller chercher les 57 jours de Joyon" "On connaît désormais le podium de cette Route du Rhum avec Franck Cammas devant Francis Joyon et Thomas Coville. Pour moi, la vraie surprise, c'est la victoire de Franck, car je ne le pensais pas capable de mener son bateau aussi vite tout seul. Je savais qu'il était capable de tout, mais franchement, il nous a bluffés, je pense que lui-même a été surpris, parce qu'il avait des doutes avant le départ. Ce qui a joué à mon avis, c'est la maîtrise parfaite qu'il avait de Groupama 3 en équipage, ça lui a donné la confiance nécessaire pour le pousser à des vitesses qu'il connaissait déjà en équipage. A aucun moment, il n'a donné l'impression de se sentir en danger, même à 45 noeuds dans des grains, même s'il ne faisait pas le fier. Je pense qu'il a vécu avec soulagement le passage du 60 pieds, beaucoup plus volage, à ce bateau plus sécurisant, même si physiquement c'est très éprouvant. En tout cas, son bateau avait déjà une bonne cote avant cette Route du Rhum en vue de The Race ou d'autres projets en équipage, il a maintenant une vraie cote en solo. Franck a prouvé qu'en s'organisant bien, qu'en étant rigoureux, Groupama 3 était une machine de guerre pour aller chercher le record des 57 jours de Francis Joyon autour du monde en solo. D'ailleurs, ce qui me frappe sur cette Route du Rhum, c'est la différence d'approche, de professionnalisme, qu'on a pu constater entre Franck et Francis, le bilan ? C'est la méthode de Franck qui est l'avenir, Francis a selon moi plus sa place sur les records. Je suis un peu déçu en ce sens pour Thomas Coville, qui fait preuve du même degré de préparation que Franck, mais n'a pas été récompensé, Francis en vieux briscard a réussi à lui chiper la deuxième place. Mais je pense que Francis peut remercier Jean-Yves Bernot, le vieux gourou de Châtelaillon-Plage (où sont basés les bureaux du routeur de Francis Joyon, au côté duquel Yann Eliès travaille pendant cette Route du Rhum) qui lui a servi cette deuxième place sur un plateau. Je ne veux rien enlever au mérite de Francis qui a bien mené sa barque, mais j'espère qu'il a bien remercié Jean-Yves. Je l'ai vu fonctionner de l'intérieur, je peux vous dire que sur la fin, il a effectué un très gros travail d'analyse des fichiers météo, des images satellites et des grains, qui a permis à Francis de passer Thomas. J'ai d'ailleurs été surpris que Franck n'ait pas plus remercié au moment de sa victoire ses routeurs (Charles Caudrelier et Jean-Luc Nélias), parce qu'ils ont joué un rôle déterminant dans la réussite de Franck. Sur ces multicoques, les skippers n'ont pas le temps de tracer leur route de manière optimale, d'où l'importance du travail à terre." Multi 50 : "Lemonchois, LA belle histoire de ce Rhum ?" "Qui va gagner en Multi 50 depuis que Franck-Yves Escoffier et Yves Le Blévec sont hors-course suite à leurs avaries ? Je vous avoue que j'aimerais bien que ce soit Lionel Lemonchois, ce serait LA belle histoire de cette Route du Rhum de le voir s'imposer pour la deuxième fois de suite. Certes, ce n'est pas dans la catégorie reine, mais la manière dont il est revenu dans la course laisse rêveur. Il était tout proche de l'abandon (à cause d'un problème de grand-voile qui l'avait contraint à faire demi-tour vers l'Espagne en début de course), il a réussi à solutionner l'avarie à la force de ses bras, au propre comme au figuré, en montant dans son mât en pleine mer. Là, même s'il dit qu'il cherche avant tout à préserver le matériel, je suis sûr qu'il donne tout pour revenir sur le leader, Lalou Roucayrol, et je suis quasiment persuadé qu'il va y arriver. Même si ça s'annonce difficile car Lalou Roucayrol est plutôt bien positionné par rapport à l'arrivée." Imoca : "La course la plus passionnante" "On assiste en ce moment à une bagarre entre le tenant de cette Route du Rhum, Bilou (Roland Jourdain), et celui qui est en passe selon moi de décrocher le titre de marin de l'année, Armel Le Cléac'h. Pour moi, sportivement, la course des Imoca est clairement la plus passionnante, elle ne fait pas la une des journaux, mais il y a une vraie valeur sportive, avec une super bagarre, des gars qui tiennent de grosses moyennes et encore pas mal d'incertitudes. J'aurais un petit faible pour Bilou parce qu'il mène la flotte depuis un bout de temps, mais ce n'est pas encore fait pour lui. Les premiers sont attendus samedi soir ou dimanche, comme Franck et Thomas, ils vont terminer au près avec peu de vent de sud, un alizé qui n'est plus là, des zigzags dans l'arc antillais, le risque de casse reste important car ils vont continuer à avoir des conditions de mer difficiles. Tout pourrait bien se jouer sur le tour de la Guadeloupe qui avait failli coûter la victoire à Bilou il y a quatre ans. Là, on voit qu'il est en train d'effectuer un recalage stratégique devant Armel, c'est bien joué car a priori, à conditions égales, son bateau est plus rapide que Brit Air. En tout cas, l'un des enseignements de cette course en Imoca, c'est que les anciens bateaux vont aussi vite que les nouveaux, c'est super intéressant. Ça veut dire que les règles de jauge imposées par la classe pour limiter les coûts et accroître la sécurité sont en train de faire leurs preuves. La classe arrive à ce qu'elle voulait faire, il y a très peu d'abandons, et l'intérêt sportif est intact. Ça va continuer à renforcer la classe Imoca et c'est super intéressant en vue du prochain Vendée Globe, car ça veut dire qu'il n'y a pas forcément besoin de construire un nouveau bateau pour aller plus vite. Contrairement à l'Orma en son temps (classe des multicoques de 60 pieds qui n'existe plus), l'Imoca est en passe de prendre le bon virage." Class 40 : "Le grand éventail" "La flotte de la Class 40, c'est un grand éventail, il y en a partout ! Si on veut établir un parallèle avec un terrain de foot, il y en a de l'aile droite à l'aile gauche, chacun tape dans son ballon et va peu à peu se recentrer vers le but, les positions sont prises, mais personne ne connaît l'issue du match. Pour les accros de la course, ça va rester passionnant jusqu'au bout avec les deux favoris aux deux extrêmes, Thomas Ruyant et Nicolas Troussel, j'espère que la victoire reviendra à l'un d'entre eux parce qu'ils ont vraiment été au top depuis le départ."