Eliès: "Joyon ou Coville"

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Europe1 Sport , modifié à
Comme lors de la Route du Rhum 2006 et du Vendée Globe 2008-09, Yann Eliès nous accompagnera tout au long de la neuvième édition de la Route du Rhum. Routeur avec le "sorcier" de la météo Jean-Yves Bernot de plusieurs skippers, notamment de Francis Joyon, le "miraculé des mers du Sud", victime de graves blessures sur le dernier Vendée Globe, nous livre ses analyses météo et évoque les différents aspects de la transat en solitaire préférée des Français.

Comme lors de la Route du Rhum 2006 et du Vendée Globe 2008-09, Yann Eliès nous accompagnera tout au long de la neuvième édition de la Route du Rhum. Routeur avec le "sorcier" de la météo Jean-Yves Bernot de plusieurs skippers, notamment de Francis Joyon, le "miraculé des mers du Sud", victime de graves blessures sur le dernier Vendée Globe, nous livre ses analyses météo et évoque les différents aspects de la transat en solitaire préférée des Français. LA DERNIERE NUIT : "Pressé de se retrouver seul" "La dernière nuit avant le départ d'une grande course, c'est un peu la fin du marathon médiatique et des innombrables sollicitations de la semaine. On sent qu'on touche au but, il y a une sorte de soulagement d'en finir, d'autant qu'en général, on sort assez fatigué de cette semaine car toutes ces contraintes sont éreintantes. On est assez pressé de se retrouver seul en mer avec son bateau, même si on sait qu'une partie très difficile s'apprête à débuter. On essaie de passer les derniers instants en famille." LE DEPART DIMANCHE : "Une mistoufle difficile à traverser" "Il y a un peu plus de vent que prévu au moment du départ, une quinzaine de noeuds de sud-est, ça rendra le départ plus sympa à suivre pour les spectateurs, même s'il pleuvra sans doute. Les premiers bateaux devraient être à la bouée de Fréhel en un peu moins d'une heure après un grand bord bâbord amure. Ensuite, les bateaux vont s'éloigner rapidement vers Bréhat au portant vent arrière, ce qui signifie qu'ils vont devoir tirer des bords, ils aborderont en fin d'après-midi une zone de transition en Manche avec un vent qui passera de sud-est à nord-ouest, ce sera une «mistoufle» difficile à traverser, où des écarts peuvent déjà se créer, je pense notamment à la classe Ultime. Gitana 11, plus réactif dans le vent léger, devrait ainsi être favorisé par rapport à Groupama 3, d'autant qu'il y aura sans doute pas mal de manoeuvres à effectuer. En revanche, après Ouessant, les bateaux tireront un grand bord de portant dans une vingtaine de noeuds vers le Cap Finisterre (pointe nord-ouest de l'Espagne), ce qui devrait permettre à Groupama de combler son retard." LA SUITE : "Un cyclone aux Antilles" "On regarde attentivement en ce moment une dépression qui ressemble un peu à un cyclone en formation à 10-11 jours au nord des Antilles, pile au moment où les 60 pieds Imoca et les Multi 50 devraient arriver. Cela ne concerne a priori pas les Ultimes qui seront déjà arrivés. Mais pour les autres, ça pourrait poser problème, car ce cyclone va complètement casser les alizés, ça rendra le chemin encore plus difficile et ça influera sans doute sur les choix de route au moment de traverser l'Atlantique. Pour l'instant, la route optimale implique une route Nord, mais dans ce cas, il faudra composer avec ce phénomène encore difficile à appréhender à 10-11 jours, il faudra sans doute trouver un compromis entre cette route optimale et une route plus sage, une route du bon sens. Le choix de la route devra être fait une fois passé Ouessant, dans la journée du 1er novembre. A priori, les Ultimes vont plonger plein sud pour aller chercher une route au portant, pour le reste de la flotte, cette solution va se refermer et ils devront suivre une route plus proche de la route directe, mais au près dans du vent, ce qui impliquera pas mal de virements de bord. Ce seront des conditions difficiles, inconfortables, humides, fatigantes, les bateaux vont taper, mais stratégiquement, ça rendra la course d'autant plus intéressante." MES PRONOSTICS : "Joyon-Coville en Ultime, Riou-Guillemot en Imoca, Troussel-Stamm en Class 40, Escoffier en Multi50" "Dans la classe Ultime, c'est un peu l'inconnu puisqu'on n'a jamais eu de confrontation entre les bateaux, c'est un peu le grand écart entre Groupama 3, qui a un potentiel énorme mais à propos duquel on s'interroge sur les capacités de Franck Cammas à le mener, et Gitana 11 qui est extrêmement pointu et réactif, plus proche de l'utilisation idéale qu'on peut se faire d'un multicoque en solitaire, mais qui est extrêmement volage et nécessite une vigilance de tous les instants. Entre les deux, il y a Francis Joyon et Thomas Coville qui ont des bateaux spécialement conçus pour le solitaire, ils les connaissent sur le bout des doigts, pour moi, ce sont les favoris. En Imoca, je vois bien PRB (Vincent Riou) et Safran (Marc Guillemot), les skippers ont eu le temps de valider les innovations technologiques sur leur bateau, ils font corps avec leur machine. Michel Desjoyeaux ? On ne connaît pas le potentiel de son bateau, j'ai peur qu'il soit un peu jeune en termes de mise au point. Après, vu les conditions, avec sans doute pas mal de près et des options tactiques à prendre, les petites différences entre les bateaux risquent d'être nivelées, un bateau comme Brit Air (Armel Le Cléac'h) a toutes ses chances, la classe est très homogène et ça peut aussi se jouer sur la casse. En Class 40, je vois bien Bernard Stamm et Nicolas Troussel. Bernard parce que c'est un ami, Nicolas parce que j'aimerais bien qu'à travers lui la classe Figaro soit récompensée. Je n'oublie pas Thomas Ruyant qui a une très bonne machine, a montré qu'il était là en obtenant des très bons résultats cette année et n'a pas gagné la Mini (Transat 650 l'an dernier) par hasard. Enfin sur les Multi 50, le plateau est certes plus important que d'habitude, mais ça se joue a priori entre trois bateaux, Crêpes Whaou ! (Franck-Yves Escoffier), Prince de Bretagne (Lionel Lemonchois) et Actual (Yves Le Blévec). Pour peu qu'il y ait de la casse, ça peut se transformer en duel, voire en cavalier seul. Mon favori reste Franck-Yves Escoffier qui a la machine la plus performante, tandis que Lionel Lemonchois est pour moi l'inconnu: on connaît son potentiel, c'est le meilleur skipper des trois, le dernier vainqueur en multicoque Orma, mais on ne connaît pas le potentiel du bateau qui a eu une phase de mise au point un peu mouvementée." MA ROUTE DU RHUM: "24 heures sur 24" "Je fais partie de l'équipe de routage de Jean-Yves Bernot, nous sommes trois chez lui, à Châtelaillon-Plage, près de La Rochelle, il y a Jean-Yves, un Hollandais qui a été navigateur sur la Volvo Ocean Race et nous apporte une approche différente de travailler, avec notamment un autre logiciel. Pendant la course, nous allons router Francis Joyon, et deux Multi 50, ceux de Franck-Yves Escoffier et de Loïc Féquet (Maître Jacques). Pour nous aussi, le départ est une sorte de délivrance, car avant, on travaille pour l'ensemble des skippers, on est un peu sur tous les fronts, donc assez pressé de ne plus se retrouver qu'avec nos quelques skippers. Pendant la course, on va s'enfermer, on ne va pas voir grand-chose d'autre que notre ordinateur devant lequel on va passer 98% de notre temps. On est en veille 24 heures sur 24, on va se relayer pour répondre en temps réel aux appels ou aux mails des skippers avec lesquels on travaille, on sera plus proche d'eux que leur famille !"