Dopage dans l'athlétisme : "des allégations, aucune preuve"

L'enquête révélée par le "Sunday Times" et la chaîne ARD/WDR concerne la période 2001-2012. Mark ROLSTON/AFP
L'enquête révélée par le "Sunday Times" et la chaîne ARD/WDR concerne la période 2001-2012. © Mark ROLSTON/AFP
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avec Julien Froment et agences , modifié à
POLÉMIQUE - Le président de la Fédération internationale d'athlétisme, Lamine Diack, a défendu sa discipline, lundi.

Au lendemain des révélations du quotidien britannique The Sunday Times et de la chaîne allemande ARD/WRD, laissant supposer un dopage à grande échelle dans l'athlétisme mondial, le président de la Fédération internationale (IAAF), le Sénégalais Lamine Diack, a défendu son sport lundi. "Il y a des allégations qui sont faites, aucune preuve", a-t-il réagi en marge de la session du comité international olympique (CIO), à Kuala Lumpur, en Malaisie. "Nous voulons les étudier avec sérieux parce que dire que, dans l'athlétisme, entre 2001 et 2012, nous n'avons pas fait un travail sérieux, c'est risible."

Les deux médias britannique et allemand ont eu accès à un document confidentiel de l'IAAF, qui détaille les 12.359 tests sanguins effectués sur plus de 5.000 athlètes pendant 11 années : après décryptage des données auprès d'experts, The Sunday Times et ARD en sont venus à la conclusion que 800 athlètes et 146 médaillés des épreuves d'endurance - du 800 m au marathon - aux Jeux olympiques et aux championnats du monde entre 2001 et 2012 présentent des profils sanguins "anormaux". Sur les 146 médaillés aux profils suspects, figurent des Kényans mais surtout des Russes (80 sur 146).

Depuis dimanche, les appels à l'ouverture d'un enquête approfondie et indépendante se multiplient. Mis sur le gril, le président Lamine Diack reste zen. "Tranquillement, je laisse le bureau (de l'IAAF) étudier cela. Nous répondrons à toutes ces allégations et je crois que l'IAAF a toujours fait la preuve qu'elle était absolument consciente qu'elle ne pouvait pas se permettre qu'il y ait des doutes sur les performances accomplies par ses athlètes", a insisté Lamine Diack, dont le fils, Papa Massata, fait l'objet d'une enquête pour corruption visant également le président de la fédération... russe.

"Une minorité de pays sont aux normes." La présence de nombreux athlètes russes parmi ces profils suspects ne surprend pas le président de la Fédération français d'athlétisme, Bernard Amsallem. "Ça ne m'étonne pas puisque, depuis quelques années, on a de plus en plus d'athlètes russes qui sont suspendus par leur propre fédération", relève-t-il au micro d'Europe 1. "On savait que ces pays étaient en décalage par rapport à ce qui peut se passer dans d'autres pays européens. Mais, d'une manière générale, quand on regarde l'ensemble des pays qui participent à l'athlétisme, sur 215 pays, très franchement, il y a une minorité de pays qui sont aux normes, avec un laboratoire agréé, avec une agence indépendante. Il y en a très peu donc il y a beaucoup de boulot à faire dans ce domaine-là."

"Des valeurs assez extrêmes." Quel sens donner à ce chiffre de 146 médaillés et 800 athlètes aux paramètres anormaux ? "Parfois, il ne s'agit pas de dopage, mais de problèmes de santé, il ne faut pas faire d'amalgame", insiste Bernard Amsallem. Robin Parisotto, expert australien du dopage, est du même avis que le dirigeant français. "Il y a eu 800 résultats anormaux ou suspects mais tous ne traduisent pas réellement un dopage", considère-t-il. "Mais il y a des valeurs qui sont (...) assez extrêmes et même en prenant en considération des facteurs perturbateurs comme la période à laquelle ont été réalisés ces tests ou l'altitude, il n'y a vraiment pas à contester ce que nous disent ces données."

Saura-t-on un jour quels athlètes et quelles épreuves sont concernées ? "Je n'ai pas d'informations sur des allégations précises, quels athlètes, quelles compétitions sont concernées", a commenté le président du CIO, Thomas Bach, qui a expliqué s'être entretenu avec le directeur général de l'Agence mondiale antidopage (Ama), Craig Reedie. Il a assuré que le CIO pratiquerait la "tolérance zéro" si des résultats enregistrés lors des JO étaient mis en cause. Cette polémique, qui ébranle l'institution IAAF, intervient à deux semaines et demie de l'élection de son nouveau président, qui précédera les championnats du monde de Pékin. En poste depuis 1999, Lamine Diack, 82 ans, va rendre son tablier. Deux anciens athlètes, le perchiste ukrainien Sergey Bubka et le demi-fondeur britannique Sebastian Coe, sont candidats à sa succession. Et savent déjà qu'elle ne sera pas de tout repos.