Des ombres à la lumière

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SYLVAIN LABBE , modifié à
Réduit depuis deux ans, et l'arrivée à sa tête de Marc Lièvremont, à vivre de coups d'éclats sans lendemain, le XV de France a donné corps et crédibilité à sa jeune histoire, ainsi qu'à ses ambitions par la conquête d'un 9e Grand Chelem. Symboles de cet épanouissement, les soldats d'un paquet d'avants, grand artisan de la victoire sur l'Angleterre et véritable locomotive pour tout un groupe à un an et demi de la Coupe du monde.

Réduit depuis deux ans, et l'arrivée à sa tête de Marc Lièvremont, à vivre de coups d'éclats sans lendemain, le XV de France a donné corps et crédibilité à sa jeune histoire, ainsi qu'à ses ambitions par la conquête d'un 9e Grand Chelem. Symboles de cet épanouissement, les soldats d'un paquet d'avants, grand artisan de la victoire sur l'Angleterre et véritable locomotive pour tout un groupe à un an et demi de la Coupe du monde. Il y a d'abord la fraîcheur toute juvénile d'un Mathieu Bastareaud qui, après avoir grandi un peu trop vite, face à l'histoire, fait enfin ses 21 ans, et vous lâche, prenant à peine conscience de la portée de l'évènement, dans un sourire émerveillé: "Il y a la joie avant tout parce que c'est énorme. C'est comme à la télé en 2002, sauf que tu es dans la télé ! Il n'y a pas de mots..." Suffisamment en revanche pour mesurer le chemin parcouru: "Forcément tu y penses et je me dis que je suis revenu de loin. Rien n'est effacé, en tout cas, moi, je n'ai pas oublié certaines personnes, certaines déclarations et je pense à eux aujourd'hui." Bastareaud par lequel tout a commencé il y a près de deux mois à Murrayfield, où les deux essais du Parisien lancèrent la campagne des Bleus sous les meilleurs auspices. Bastareaud, une progression en accéléré et une rédemption, au sein de cette équipe de France, elle aussi enfin capable cet hiver de se faire pardonner deux ans de tâtonnements pour monter sur le toit de l'Europe et succéder aux Irlandais d'O'Driscoll. La France, qui gagne cinq matches de rang, écarte enfin sa bête noire, ou plutôt blanche, cette Angleterre enfin écartée avec le seul souci du résultat, si cher à son capitaine, Thierry Dusautoir. Les Bleus campés surtout sur un pack de fer, même si, comme ne manque pas de faire remarquer Emile Ntamack, dix des treize essais tricolores dans ce Tournoi sont l'oeuvre de ses trois-quarts. "On a la chance de réagir en équipe", concède néanmoins l'adjoint de Lièvremont, comme pour mieux rendre hommage à ces "gros" et à son compère du staff, Didier Retière, en charge de ces avants tout feu tout flamme. Bonnaire: "Ce sont eux qui font le travail de merde (sic)" Ces hommes de l'ombre, héritiers d'une culture plus à démontrer en France, mais qui en un Tournoi ont fait basculer la face de la compétition en même temps que le visage de cette équipe de France. Ce "pack monstrueux", comme n'hésita pas à le qualifier son capitaine Thierry Dusautoir, pourtant avare de ses compliments, prend sa pleine part de lumière, rampe de lancement idéale des intentions tricolores, derrière laquelle un Imanol Harinordoquy, au sommet de son art, où la jeune charnière, Morgan Parra en tête, s'épanouissent pleinement. Guerriers discrets, peu habitués aux projecteurs et à la reconnaissance médiatique, les Domingo, Mas, Servat, Nallet, Pierre et autre Bonnaire jaillissent sur le devant de la scène. "Ce sont de plus en plus les avants qui sont mis en avant et c'est tant mieux parce que ce sont eux qui font le travail de merde (sic)", lâche Bonnaire, trop modeste pour s'envoyer des fleurs, au soir d'un Grand Chelem qu'il goûte toutefois pleinement, six ans après une première expérience vécue sur le strapontin des remplaçants. "Par rapport à 2004, je me sens à ma place..." A la pointe de ce combat, dans lequel les Bleus n'ont pas trouvé d'égal dans ce Tournoi, jusqu'à cette ultime bataille gagnée au couteau face au XV de la Rose. "La principale qualité, dont on a su faire preuve sur ce match, c'est la combativité" confirme un autre homme de peu de mots. William Servat fut des cinq levées gagnantes. Indispensable. "C'est un match de rugby, c'est du combat et à partir du moment, où on répond présent sur ce domaine-là ça facilite tout de même grandement le reste." Le reste, c'est une ligne de trois-quarts, qui si elle n'est pas encore à la hauteur, sait ce qu'elle doit déjà au huit de devant. "Ils leur ont fait mal... C'est important d'être une équipe complète", n'oublie pas de mentionner Yannick Jauzion. Nicolas Mas, désigné samedi meilleur joueur du "crunch". Il faut le voir pour le croire. "Ils se sont trompés... (rires), plaisante le pilier droit, avant de partager les honneurs. Non, c'est une grande joie, je le dédie aux douze joueurs qui ont participé devant, il n'y a pas que moi, mais c'est bien pour les avants." Servat: "On sent que quelque chose de fort existe entre nous" Vedettes d'un soir et ce n'est que justice puisque comme le dit encore Bonnaire: "Le rugby, c'était comme ça il y a 20 ans et ça le sera encore dans 20 ans. Le rugby démarre d'abord devant.": Servat, enfin, plein de pudeur dans la victoire, trouve les mots justes pour décrire la genèse d'un triomphe à la fois simple et si délicat à faire naître. "Aujourd'hui, je ne vais pas dire: « Un groupe est né », parce que ce sont des grandes phrases, qui sortent de nulle part. Mais en tout cas un groupe existe. A Marcoussis, j'ai l'impression que le temps passe bien... On a déjà bien vécu, mais aujourd'hui, j'ai plutôt l'impression qu'on est content de vivre ensemble, qu'on partage des moments et on sent que quelque chose de fort existe entre nous. Et c'est, je crois, au rugby, ce qui compte le plus." Ou quand les "gros" joignent la parole aux actes...