Défense... d'en rire

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SYLVAIN LABBE, envoyé spécial , modifié à
Si tout n'est pas à jeter et si les motifs d'espoir existent dans la prestation du XV de France offerte samedi, à l'Eden Park, face aux All Blacks (37-17), les seuls errements de la défense tricolore, si grossiers et surtout tellement récurrents, suffisent à expliquer la faillite des Bleus face à une telle opposition. Le problème est entier, le mal identifié, mais on semble chez les Français à court de solutions.

Si tout n'est pas à jeter et si les motifs d'espoir existent dans la prestation du XV de France offerte samedi, à l'Eden Park, face aux All Blacks (37-17), les seuls errements de la défense tricolore, si grossiers et surtout tellement récurrents, suffisent à expliquer la faillite des Bleus face à une telle opposition. Le problème est entier, le mal identifié, mais on semble chez les Français à court de solutions. Une équipe de France benjamins a eu la chance unique de fouler la pelouse de l'Eden Park samedi soir. On plaisante, mais le problème, c'est que ces benjamins, comme les a désignés leur sélectionneur Marc Lièvremont à l'issue du match, s'appellent Picamoles, Papé, Traille, Ducalcon, Parra... et qu'il s'agissait tout bonnement du XV de France opposé à vingt-deux All Blacks, avides de revanche, qui, il faut bien l'avouer, donnaient à certains instants de ce choc l'impression d'évoluer face à de jeunes Espoirs. "Des fautes de benjamins", comme le constatait samedi, à chaud, plus frustré que jamais le sélectionneur tricolore devant le spectacle de son équipe, capable de mettre sous l'éteignoir son adversaire durant les dix premières minutes, mais qui dans la foulée va livrer le match clés en mains à Richie McCaw et ses coéquipiers , coupable de grossières, si grossières erreurs défensives. "Chacun fait la sienne, à chaque fois, on les a payées cash", relevait encore Lièvremont dimanche matin, sans avoir eu besoin de visionner une nouvelle fois la rencontre. "On ne peut pas lâcher un match comme ça au niveau du score, sur des fautes de défense aussi simples. [...] C'est l'apprentissage du haut niveau, et on a des joueurs de haut niveau. Il n'y a pas un joueur qui passe totalement à côté de son match. A l'image d'un Pascal Papé, qui fait plutôt un bon match et qui termine parmi les meilleurs plaqueurs, la première faute de défense, le premier des crochets, c'est pour lui. Il y a eu plus d'une vingtaine de plaquages manqués, c'est pas possible..." Lièvremont: "Des choses qu'on travaille en permanence..." Le constat est d'autant plus amer que les Bleus sont conscients d'avoir su rivaliser sur bien des secteurs : "Offensivement et défensivement, ils ont senti qu'ils pouvaient faire mal à cette équipe. Ils se sont sentis forts aussi physiquement, on a tenu le coup, tenu le rythme. Il y aurait eu une autre frustration, un autre accablement de ma part, si on avait explosé sur des séquences longues, des temps de jeu énormes. Mais là, non... Il y a cette immense frustration, qui nous fait dire qu'on « pète » (sic) trop, on lâche trop vite... Et cette question : quand ? Quand va-ton va-t-on rectifier ces erreurs qui nous font passer à côté du match. Il y en a eu contre le Japon et contre le Canada, qui ont eu moins d'incidence compte tenu de la qualité de ces deux équipes. Contre les meilleurs..." La phrase reste en suspend... Les matches passent et les mêmes maux demeurent. Alors qu'un certain frémissement offensif est perceptible, illustré par ces échappées de Parra, Mermoz ou Médard, capables de déchirer le rideau black, les Bleus restent capables du pire. "Des choses qu'on travaille en permanence, se lamente Lièvremont, impuissant. Je ne me l'explique pas. Le même essai en fond de touche sur quatre matches... Ce n'est pas possible. Ce n'est pas comme si on ne l'avait pas travaillé toute la semaine." Ses joueurs, à l'heure d'apporter des explications, plutôt que de se flageller, auront préféré adopté le positivisme qu'a choisi de leur offrir en retour leur coach. "On a pris des essais casquettes, mais on a fait des erreurs facilement rectifiables", juge Aurélien Rougerie sur le thème du « C'est trop gros pour être vrai. » Sauf que le problème n'a rien de nouveau. C'est vrai qu'on leur a fait pas mal de cadeaux, constate encore Fabien Barcella. Ce soir (samedi), on a un peu joué au Papa Noël. Contre les Blacks, les erreurs comme ça, ça se paie cash, alors qu'en championnat, ça peut passer." Qu'il est loin le Top 14... Comme il semble aussi lointain le Grand Chelem 2010, construit sur une défense de fer, que Julien Bonnaire croit bon de convoquer: "On est déçus et frustrés. On a mis beaucoup d'investissement, mais on a fait des fautes bêtes et on s'est fait punir. On a donné le bâton pour se faire battre", constate le Clermontois. "Il faut retrouver la défense qui nous a permis de faire le Grand Chelem." Un héritage que Lièvremont balaie d'un revers de main, estimant que "ce Grand Chelem appartient déjà au passé" et qu'il ne répond plus aux exigences du rugby actuel. Sans doute l'un des Tricolores les plus frustrés, Louis Picamoles, sorti à la pause sans sommation (voir par ailleurs), avait lui le mérite d'essayer d'apporter un début de réponse: "On a laissé trop d'espaces et ils savent parfaitement jouer les intervalles. Il y a deux cas où je suis concerné directement. Il faut que je regarde ça à la vidéo. C'est un problème de technique individuelle, mais aussi de communication." Alors que faire ? Il n'y a pas de secret: "Il va falloir qu'on travaille un peu plus longtemps sur ce match. On va remontrer, continuer à remontrer, rabâcher..." Et Lièvremont d'énoncer à voix haute une partie de son message formulé à ses joueurs: "Les gars, on ne peut pas continuer à faire autant de cadeaux, quoi..." Finira-t-il par être entendu ?