Coville, c'est fini

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AXEL CAPRON , modifié à
Pour la troisième fois, Thomas Coville ne battra pas le record du tour du monde en solitaire de Francis Joyon. Parvenu dans l'Atlantique Sud à refaire son retard sur le détenteur du record, passant même devant à un moment, le skipper de Sodebo, handicapé par une avarie de flotteur tribord, n'a pas été servi par la météo, obligé à un grand tour de l'anticyclone des Açores qui a eu raison de sa ténacité.

Pour la troisième fois, Thomas Coville ne battra pas le record du tour du monde en solitaire de Francis Joyon. Parvenu dans l'Atlantique Sud à refaire son retard sur le détenteur du record, passant même devant à un moment, le skipper de Sodebo, handicapé par une avarie de flotteur tribord, n'a pas été servi par la météo, obligé à un grand tour de l'anticyclone des Açores qui a eu raison de sa ténacité. Thomas Coville ou le Graal inaccessible ? Pour la troisième fois, le skipper de Sodebo doit en effet s'avouer vaincu: il ne battra pas le record du tour du monde en solitaire derrière lequel il court depuis maintenant cinq ans et le lancement de la construction de son maxi-trimaran, mis à l'eau en juin 2007. La première tentative s'était soldée par un abandon sous l'Afrique du Sud le 6 janvier 2008, pour cause de crash-box arrachée (déjà !) après deux semaines de mer, le Breton laissant alors Francis Joyon filer vers le nouveau record (57 jours 13 heures 34 minutes et 6 secondes). La seconde par un retard final d'un peu plus de deux jours (59 jours 20 heures 47 minutes et 43 secondes, à 19,6 noeuds de moyenne, arrivée le 17 janvier 2009), la troisième, pas encore achevée puisque Thomas Coville attaquait ce jeudi midi son 55e jour de mer, se terminera de la même façon, avec une circumnavigation bouclée, mais pas de record à la clé, Sodebo n'étant même pas sûr de faire mieux qu'il y a deux ans. Passé au Cap Horn avec 660 milles de retard sur le tableau de marche d'IDEC, le skipper, qui aura passé la quasi-totalité de son tour du monde en solitaire à courir derrière Francis Joyon, aura connu des hauts et des bas lors de la remontée de l'Atlantique. D'abord des bas, avec, deux jours après avoir frôlé le mythique rocher, un léger choc avec un globicéphale qui eut pour conséquence d'abîmer la crash-box (pare-chocs) de son flotteur tribord, d'où une perte de performance bâbord amure (vent venant de la gauche, avec le flotteur touché dans l'eau) qu'il estimait à 10-15%; ensuite des hauts le 14 mars, avec, pour quasiment la première fois depuis le départ, une avance sur Joyon (qui culminera à un peu moins de 250 milles) à la faveur d'un début de remontée bien mené; des très bas enfin, avec une situation météo défavorable le long du Brésil, au passage de l'équateur et, pour finir, dans l'Atlantique Nord, qui auront eu raison de sa ténacité. Et maintenant ? Jeudi matin, son site refaisait déjà "le film du tour du monde", concluant, à propos de la dernière portion du parcours: "C'est fini." Une grosse désillusion pour un Thomas Coville, une de plus lors de cette saison 2010-11 après celle vécue sur la dernière Route du Rhum qu'il termina au troisième rang derrière Franck Cammas et... Francis Joyon, après avoir notamment enduré une avarie de drisse de grand-voile. Avant le départ de cette Route du Rhum, le skipper nous confiait, à propos du défi qu'il se lançait en enchaînant transat et tour du monde en solitaire: "Le tour du monde avec Groupama 3 (il faisait partie de l'équipage qui a remporté le Trophée Jules-Verne, ndlr) m'a mis des watts terribles, ça m'a fait un bien fou d'y aller en «vacances». Du coup, je me dis que c'est faisable, on a fait évoluer le bateau qui est potentiellement capable de faire mieux, même dans des conditions défavorables." Et l'intéressé de donner une des clés de son personnage: "Et c'est dans mon caractère: je n'ai pas de talent particulier, mais je suis pugnace. Ce que j'ai gravi aujourd'hui, je l'ai fait à chaque fois en m'y reprenant à plusieurs fois. Je suis plutôt un laborieux, mais je me fais plaisir en travaillant, d'ailleurs, même le mot travail me gêne. Est-ce que ce sera forcément le record ? Je n'en sais rien, mais c'est ça qui est magique dans ces épopées, tu ne sais pas toujours ce que tu vas chercher, il y a un vrai plaisir à ne pas savoir avant." Il sait désormais que cette troisième tentative s'achèvera la semaine prochaine comme les précédentes, par un échec au regard de l'objectif fixé, remettra-t-il le couvert une quatrième fois ? Pas sûr tant ce record en multicoque, le plus éprouvant qui soit aujourd'hui (avec celui du tour du monde «à l'envers», très peu tenté), use physiquement et nerveusement (Ellen MacArthur n'a quasiment plus navigué en compétition après l'avoir battu en 2005) ceux qui s'y sont attaqués. Avec le soutien indéfectible de son partenaire, Sodebo, Thomas Coville rebondira certainement, où ? Entre Volvo Ocean Race (la place de Sébastien Josse, parti de chez Groupama, est restée vacante...), Vendée Globe, ouvertement évoqué par l'intéressé avant le Rhum, MOD 70, ou projets de courses en solitaire en multi, les objectifs ne manquent pas, même si l'intéressé devra avant tout digérer ce tour du monde au goût d'inachevé...