Chabal prié de la fermer...

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AXEL CAPRON , modifié à
Peut-on librement critiquer l'arbitrage dans le rugby français ? La question mérite d'être posée suite à «l'affaire Chabal» qui a valu à l'international français une mise à pied de la part de son club, le Racing-Métro. Mercredi, Jacky Lorenzetti, patron du club francilien, a fait part de son intention de tirer les leçons de "filtrer la communication" des joueurs, tandis que Chabal devrait cesser la chronique qu'il tenait dans le Journal du dimanche.

Peut-on librement critiquer l'arbitrage dans le rugby français ? La question mérite d'être posée suite à «l'affaire Chabal» qui a valu à l'international français une mise à pied de la part de son club, le Racing-Métro. Mercredi, Jacky Lorenzetti, patron du club francilien, a fait part de son intention de tirer les leçons de "filtrer la communication" des joueurs, tandis que Chabal devrait cesser la chronique qu'il tenait dans le Journal du dimanche. Le rugby français serait-il une zone de non-droit dans laquelle toute liberté d'expression est proscrite ? Ce qu'il convient aujourd'hui d'appeler «l'affaire Chabal» semble en tout cas assez symptomatique du fonctionnement en vase clos d'un sport dont les représentants, souvent les mêmes depuis de longues années, n'acceptent pas forcément les remises en question. Il s'en est fallu de quelques déclarations - que certains jugeront au mieux maladroites, au pire inexactes -, de l'international tricolore dans le Journal du dimanche daté du 24 avril, destinées à promouvoir la sortie de son autobiographie Ma petite étoile, pour que la machine s'emballe, entraînant cris d'orfraie des personnes mises en causes et «auto-sanction» décidée par le club du joueur. Dérangé lors de son week-end de pêche en Corse, le président du Racing Métro, Jacky Lorenzetti, a très vite pris la disposition de mettre à pied Sébastien Chabal sans que l'on comprenne vraiment pourquoi: pour le protéger ou le sanctionner ? Plutôt pour éviter les foudres arbitrales dans la dernière ligne droite de la saison, à en croire le discours tenu mercredi par l'intéressé: "A partir du moment où j'ai eu connaissance des faits et la certitude que Sébastien ne s'était pas fait piéger dans l'entretien, on n'avait plus qu'à peser le préjudice que ça pouvait causer au club. Et préjudice il y a, puisque vous savez qu'on a des relations, on ne va pas dire tendues, mais particulières avec le corps arbitral. Il y a des matches qui arrivent, en notre âme et conscience avec Pierre, on a décidé de suspendre Sébastien jusqu'au 11 mai." En clair, le Racing, d'ores et déjà assuré de disputer la phase finale du Top 14, craint que les déclarations de Chabal n'entraînent une hostilité du corps arbitral, d'où la décision d'attendre la réunion de la commission de discipline de la Ligue nationale de rugby, le 12 mai, pour éventuellement permettre au joueur, qui saura le 11 s'il fait partie du voyage en Nouvelle-Zélande avec les Bleus, de renouer avec la compétition. Une pratique paradoxale pour un club qui se targue de défendre la liberté d'expression: "On a au Racing un grand respect des hommes et des joueurs, il y a l'homme joueur et l'homme en dehors du rugby. Et l'homme en dehors du rugby, on souhaite lui laisser la plus grande liberté possible", commentait ainsi mercredi le patron du Racing, qui ajoutait cependant: "Après, il y a les joueurs et Sébastien Chabal qui est un problème à part. Si c'était un autre joueur, ça serait passé inaperçu. Comme c'est Sébastien Chabal, ça a du retentissement." Ce que Pierre Berbizier explique à sa façon: "Dans l'ère moderne de la communication, tout le monde veut du buzz, c'est un problème lié aussi à la personnalité de Sébastien Chabal." Plus de «tweets» ni de chronique ? Un «buzz» entretenu par le joueur lui-même, adepte des réseaux sociaux et notamment d'une communication via Twitter qui lui permet de passer par-dessus les médias traditionnels, qu'il ne porte en général guère dans son coeur, hormis le Journal du dimanche, qui était parvenu à établir une relation de confiance avec lui en lui offrant une tribune régulière, sans contrat ni contrepartie financière à la clé. Malheureusement pour l'hebdomadaire, cela ne devrait pas durer, comme nous l'a confié jeudi son rédacteur en chef, Guillaume Rebière: "Le conseiller de Sébastien Chabal nous a appelé hier en nous disant qu'il voulait cesser la chronique. On n'a encore reçu aucune notification claire et officielle, mais on peut considérer que ça va se faire. Nous le regrettons car en aucun cas, nous ne l'avons souhaité, nous étions ravis de notre collaboration et tout à fait disposés à continuer." Même chose en ce qui concerne Twitter: Sébastien Chabal sera sans doute prié de mettre le holà à ses «tweets», au moins sur les sujets sensibles. C'est le sens du discours tenu mercredi par Jacky Lorenzetti: "On va essayer de rebondir sur cette difficulté, chaque problème apporte des solutions et des améliorations, ça veut dire que nous, en interne, il faut qu'on fasse un peu plus attention à filtrer la communication." En clair, on ne veut plus voir une tête qui dépasse ! Ce que Guillaume Rebière regrette: "S'il y a polémique, c'est parce que c'est le rugby. En foot, les débats sont fréquents sur l'arbitrage, on en a même tous les week-ends ! Le rugby semble assez peu ouvert au débat. Quand on dit comme Sébastien Chabal que tous les arbitres sont nuls sauf deux ou trois, c'est comme si on remettait en cause l'intérêt supérieur du rugby français, je ne vois pas quoi. La parole ne doit pas déborder du cadre habituel, sinon on est repris en main." Résultat, en cessant sa collaboration avec le JDD, "Chabal donne des gages à son club, à la Fédération et à la Ligue", parce que le Racing "ne souhaite pas passer pour le vilain petit canard", conclut Guillaume Rebière. Sport de tradition, le rugby cultive apparemment encore le goût du secret...