Cammas, victoire et record ?

  • Copié
AXEL CAPRON , modifié à
Et si Franck Cammas battait le record de la Route du Rhum, détenu depuis la dernière édition par Lionel Lemonchois ? Inenvisageable en début de semaine, l'hypothèse prend corps en raison de l'avancée express du skipper de Groupama 3 vers les Antilles. En monocoques de 60 pieds, Michel Desjoyeaux n'y croit plus, le peloton de tête, avec Roland Jourdain aux commandes, s'âpprête à traverser un front avant de "mettre le clignotant à gauche" vers la Guadeloupe.

Et si Franck Cammas battait le record de la Route du Rhum, détenu depuis la dernière édition par Lionel Lemonchois ? Inenvisageable en début de semaine, l'hypothèse prend corps en raison de l'avancée express du skipper de Groupama 3 vers les Antilles. En monocoques de 60 pieds, Michel Desjoyeaux n'y croit plus, le peloton de tête, avec Roland Jourdain aux commandes, s'âpprête à traverser un front avant de "mettre le clignotant à gauche" vers la Guadeloupe. Ultime : Cammas vers la victoire... La folle cavalcade de Franck Cammas vers la Guadeloupe ne connaît pas de coups de frein. Après quatre jours de mer et quasiment à mi-parcours, le skipper de Groupama 3 mène toujours grand train, à plus de 20 noeuds, avec une avance de plus de 300 milles sur celui qui, de par sa position plus décalée au nord, semble le seul à même de le contrarier, Thomas Coville (Sodebo). Pour beaucoup, les jeux sont déjà faits, à l'instar de notre chroniqueur Yann Eliès qui, à moins d'une avarie, voit difficilement comment l'Aixois pourrait être battu. "Je ne vais pas dire qu'il a course gagnée, mais ça sent bon pour lui, il va être difficile à rattraper. Aujourd'hui, mon pronostic, c'est Franck en tête devant Thomas, et une lutte Francis-Yann pour la troisième place." Même son de cloche chez Jean Maurel, le directeur de course qui, jeudi midi à la vacation, expliquait: "A chaque fois qu'on fait tourner un routage, c'est l'option sud qui est avantageuse." Et l'ancien skipper d'Elf-Aquitaine voyait même plus loin puisqu'il ajoutait: "Le record (7 jours 7 heures 19 minutes, ndlr) paraît possible. Bien que les conditions soient beaucoup plus difficiles qu'il y a quatre ans, Groupama 3 va plus vite, il est plus grand." Reste que la route est encore assez longue avec encore quelques écueils météo à franchir: le premier ce jeudi, un front froid, une zone très perturbée et pluvieuse dans laquelle les vents sont très chaotiques, que Thomas Coville a abordé le premier, suivi par Franck Cammas. Une zone qui nécessite une vigilance de tous les instants, des réglages incessants et beaucoup de manoeuvres, plus longues à effectuer sur Groupama 3 que sur Sodebo. Ce qui explique que ni Franck Cammas ni Thomas Coville n'aient répondu à la mi-journée à la vacation, concentrés sur la bonne marche de machines soumises à rude épreuve. Derrière, ce sera en revanche la libération avec du quasiment tout droit au portant jusqu'aux Antilles. Si vendredi, Franck Cammas conserve une bonne marge d'avance sur son poursuivant immédiat, il aura partie gagnée, sauf avarie toujours possible compte tenu du fait que le matériel a été bien sollicité. Derrière, la troisième place du podium devrait se jouer entre Francis Joyon et Yann Guichard, la puissance d'IDEC, réputé plus rapide dans du portant soutenu, étant un avantage de poids pour le premier, qui ne désespère cependant pas d'un scénario inattendu au moment de l'atterrissage en Guadeloupe: "La météo est toujours un peu capricieuse, il y a des zones de calme assez étendues avant la Guadeloupe, on peut imaginer un scénario amusant où toute la flotte se regrouperait à l'approche de la Guadeloupe." Pas sûr que Franck Cammas n'apprécie un tel scénario... Imoca : Desjoyeaux n'y croit plus L'option sud a-t-elle vécu ? Partis en tandem dans un long contournement de l'anticyclone des Açores par le sud, où ils ont certes trouvé du soleil et du confort par rapport à leurs rivaux nordistes qui ont vécu «sur la tranche» au près, Michel Desjoyeaux et Arnaud Boissières risquent de perdre la partie stratégique. C'est en tout cas l'avis de notre chroniqueur Yann Eliès: "Je ne vois pas trop la porte de sortie pour Michel et Arnaud au sud. Je pense que pour eux, ça va être dur de rattraper le retard accumulé. Ils vont certes continuer à avoir des vents portants, mais assez faibles, ils ont perdu beaucoup de temps en contournant l'anticyclone des Açores par le sud, ils ont considérablement rallongé la route." Qu'en pensent les intéressés ? Joint à la vacation matinale jeudi, le skipper de Foncia semblait avoir abdiqué: "Ce n'est pas là qu'il fallait être. J'ai perdu plus de temps que je ne pensais dans le contournement de l'anticyclone et devant nous, ça ne veut pas s'ouvrir du tout, ça se complique encore. On a deux jours sympas dans un semblant d'alizé, mais après, on a un gros bazar à traverser avec quasiment pas de vent dedans, il faudra se dépêtrer de ça comme on pourra. C'est en haut que ça passera, c'est une quasi certitude." Son de cloche radicalement différent chez Arnaud Boissières qui, bluff ou pas, veut y croire: "J'y crois à fond. Je suis étonné qu'un troisième bateau ne soit pas venu avec nous." Reste que l'avantage semble pour les nordistes qui restent groupés avec quatre solitaires en 20 milles (Roland Jourdain, Armel Le Cléac'h, Jean-Pierre Dick et Vincent Riou), et une situation claire, au moins dans un premier temps. "On est bien calés sur bâbord amure direction plein ouest, on traverse un front cette nuit et derrière, on va pouvoir mettre le clignotant à gauche avec du portant", explique Armel Le Cléac'h qui se prépare à une traversée de front musclée: "Le passage du front ne va pas être simple, il y aura sans doute pas mal de manoeuvres à faire dans la nuit." La suite, ce sera une longue descente vers la Guadeloupe au portant, perturbée sur la fin par une météo apparemment très complexe qui pourrait bien bouleverser la donne. "Ça va encore être compliqué vers la Guadeloupe, c'est chaotique sur l'arrivée, ça va être difficile d'y voir clair et d'avancer correctement", confirme Kito de Pavant, tandis qu'Armel Le Cléac'h abonde dans le même sens: "Tout est possible, le scénario sur l'arrivée, c'est pas beaucoup de vent dans les deux-trois derniers jours, tout peut changer très vite, ça peut se terminer sur une régate, il n'y a pas vraiment de scénario idéal, ça fait un beau jeu d'échecs." Multi 50 : Escoffier au-dessus de la meute "J'ai vraiment beaucoup d'estime et de respect pour ce qu'a fait Franck-Yves Escoffier dans les premiers jours de course. Il a super bien navigué, pendant un paquet de temps, il est resté au cul des Ultimes, c'est très fort. Autant on pouvait avoir quelques doutes avant sur ses performances réelles parce qu'il n'avait pas de concurrence, autant là, les doutes sont levés." Ainsi parlait ce jeudi matin Yann Eliès, étonné du train mené en tête de la flotte des Multi 50 par le skipper de Crêpes Whaou !, cinquième toutes classes confondues ! Deuxième à 100 milles, Yves Le Blévec, pourtant loin d'être un manchot, ne cachait pas lui non plus son étonnement devant les performances du Malouin: "Franck-Yves est très énervé, il attaque. J'ai pourtant l'impression d'aller pas mal, je ne fais pas trop de bêtises, le bateau va bien, ça va dans le bon sens, mais peut-être qu'il y a moyen d'attaquer plus, j'en sais rien." Reste que le triple vainqueur de la Route du Rhum refuse de crier victoire: "Rien n'est gagné, il peut se passer plein de choses, même avec 200 milles d'avance en arrivant sur la Guadeloupe, je ne serai pas fier, donc tout ce que je peux prendre maintenant, il faut le faire." Ça s'appelle ne rien lâcher... Class 40: C'est fini pour Bernard Stamm Et un candidat à la victoire en moins en Class 40 sur la Route du Rhum ! Leader les deux premiers jours, Bernard Stamm connaît depuis mercredi des problèmes de barre qui l'empêchent de mener son Cheminées Poujoulat normalement. "La seule manière d'avancer, c'est de coincer la barre et de trouver l'équilibre avec les voiles. Je n'ai pas d'autres solutions que de faire du près et de tirer des bords, en bordure de l'anticyclone, c'est ce qui explique ma trajectoire." Le Suisse, contraint d'abandonner, fait route vers les Açores qu'il espère atteindre d'ici trois ou quatre jours. "J'ai commencé ma réparation de fortune, mais elle ne me permettra pas d'aller à toutes les allures puisque je ne peux faire que du près, ni surtout de continuer en course. J'espère garder du vent jusqu'aux Açores et ne pas avoir besoin de mettre le moteur. C'est dommage, c'était vraiment bien parti et très intéressant." C'est toujours le jeune et talentueux Thomas Ruyant qui mène la flotte devant Sam Manuard et Jorg Riechers.