Bini: "Notre statut a changé"

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Propos recueillis par Pauline Joseph , modifié à
Bruno Bini a dévoilé ce lundi matin la liste des joueuses retenues pour la Coupe du monde féminine, disputée du 26 juin au 17 juillet prochain en Allemagne. Confiant et déterminé, le sélectionneur des Bleues mise sur l'unité de son groupe pour bousculer la hiérarchie mondiale.

Bruno Bini a dévoilé ce lundi matin la liste des joueuses retenues pour la Coupe du monde féminine, disputée du 26 juin au 17 juillet prochain en Allemagne. Confiant et déterminé, le sélectionneur des Bleues mise sur l'unité de son groupe pour bousculer la hiérarchie mondiale. Bruno, on connaît votre proximité avec vos joueuses. Certains choix ont-ils été difficiles, notamment sur le plan humain ? Les règles du jeu sont connues depuis longtemps. Quand les filles viennent en équipe de France, elles savent ce qui les attend. Il y a une ligne jaune à ne pas dépasser. On peut la dépasser une fois, mais la deuxième fois... Il y a des filles qui sont très bien dans l'esprit, mais le reste ne suit pas. En réalité, je n'ai pas sélectionné les 21 meilleures joueuses françaises, j'ai convoqué les 21 qui forment le meilleur groupe pour avancer dans la compétition. J'ai établi ma liste dans un souci de complémentarité. Sur une quinzaine d'entre elles, je n'avais aucun doute. C'est sur les cinq dernières qu'il ne faut pas se planter. Quels sont les atouts et les forces de ce groupe ? La première qualité du groupe France, c'est qu'il sourit. Nous avons un projet de jeu et un projet de vie. Sans projet de vie, ce ne serait pas la peine de continuer... On a de très bons éléments sur toutes les lignes, au niveau individuel. Mais comme je le répète souvent, la meilleure joueuse de l'équipe de France, c'est l'équipe de France. Dans quel état d'esprit abordez-vous cette compétition ? Avec sérénité, mais volonté et opiniâtreté. C'est une belle aventure. On veut qu'elle dure le plus longtemps possible. On a fait de très bonnes qualifications. Avant, les gens se disaient "c'est bon, on est dans la poule de la France, on est bien loti". Ils prenaient Pierre de Coubertin pour témoin, en disant que l'important pour nous était de participer. Mais je pense qu'aujourd'hui, ça n'arrange pas tout le monde de tomber dans notre groupe. Notre statut a changé. "Mettre le bazar en Allemagne" Quel objectif avez-vous fixé à votre groupe ? Il faut accrocher une place pour les Jeux Olympiques (en terminant dans les deux premières nations européennes, ndlr) et aller au bout. Je veux rester le plus longtemps possible en Allemagne, je ne suis pas pressé de partir en vacances cette année. On connaît l'Allemagne. Mais que savez-vous sur le Nigeria et le Canada, vos adversaires en poule ? Le Canada est à notre niveau. Peut-être un peu moins technique, mais plus athlétique. Et le Nigeria, c'est compliqué. On a réussi à se procurer quelques DVD, mais rien de révélateur. En perdant contre le Ghana, qui est une petite nation, elles se sont faites éliminer de la CAN. On est en tractation pour essayer d'obtenir plus d'informations sur elles. Mais on ne sait pas grand-chose. Elles peuvent gagner contre n'importe qui et perdre contre tout le monde. Sonia Bompastor a souvent critiqué le côté arrogant des Allemandes, certaines de l'emporter lorsqu'elles entrent sur un terrain... Il n'y a qu'une seule chose qui dure toujours, ce sont les impôts. Tout le reste, ça s'arrête un jour ou l'autre. Peut-être que ça s'arrêtera en Allemagne. On va se prouver à nous-mêmes qu'on est capable de faire une bonne Coupe du monde. Moi je suis un peu taquin et j'ai envie de leur mettre le bazar. Tous les matches de l'Allemagne sont à guichets fermés, jusqu'à la finale. Il n'y a qu'une chose qu'ils n'ont pas prévue, c'est qu'on peut leur prendre la cerise lors du troisième match de poule. Imaginez qu'ils doivent revendre tous les billets ! Comment sentez-vous vos joueuses actuellement ? Elles ont bien récupéré à Saint-Jean-de-Monts (lors du stage de préparation, ndlr). C'était un stage agréable, sympa. C'était bon aussi bien pour les muscles que pour la tête. En plus, les Lyonnaises sont arrivées auréolées de leur titre de championne d'Europe, donc pour le moral, c'était parfait. Physiquement, on avait de grosses interrogations, mais elles ont été levées. "En France, il manque une chose: la volonté" La victoire de l'OL en Ligue des champions peut-elle vous décomplexer ? Je dirais même que ça m'enlève un peu de pression. Avant, dans les esprits, c'était impossible de gagner la Ligue des champions. Mais les filles savent désormais qu'elles sont capables de battre une équipe allemande et de gagner une compétition majeure. Elles ont maintenant la culture du "c'est possible". Moi-même, j'ai eu un déclic lors d'autres expériences. Je ne suis plus le même coach depuis le mois d'août 2003, où on a été champions d'Europe avec les 19 ans. Il y a des filles qui n'avaient aucune ligne à leur palmarès. Et puis, c'est quand même une équipe française qui a battu une équipe allemande, ça va les bouger un peu les autres. Qu'attendez-vous des cadres de votre équipe, comme Sandrine Soubeyrand ou Sonia Bompastor ? Quels rôles tiennent-elles dans le vestiaire ? Ce sont elles les patronnes. Moi, je ne me permets pas d'aller dans les vestiaires. J'y vais deux minutes avant l'échauffement et à la mi-temps. Après, ce sont elles qui gèrent. Ce sont des filles de caractère, qui font très bien leur travail. Elles le font même certainement mieux que moi. Qu'est-ce que vous inspire le football allemand, qui pourrait être considéré comme l'exemple à suivre ? Six titres de champions d'Europe, deux Coupes du monde, ça en dit long... Eux, ont pris les choses par le bon bout. Ils sont un peu moins machistes qu'en France. Ils ont commencé à développer le football féminin en même temps que nous, mais ils y ont mis les moyens. Notre mentalité n'est pas la même. En France, il manque une seule chose: la volonté. La volonté d'accueillir les jeunes filles qui veulent jouer.