Bernard replonge dans l'inconnu

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LAURENT DUYCK , modifié à
On l'a quitté dimanche soir, satisfait de la médaille d'argent décroché sur 4x100 malgré sa contre-performance au départ du relais tricolore. Un 100 mètres poussif qui l'a visiblement plus marqué qu'il ne voulait bien le dire alors. Au lendemain de la médaille de bronze de William Meynard sur la distance reine, Alain Bernard a une autre occasion de se tester face au gratin mondial. Sur 50 mètres, une distance qu'il ne maîtrise pas totalement.

On l'a quitté dimanche soir, satisfait de la médaille d'argent décroché sur 4x100 malgré sa contre-performance au départ du relais tricolore. Un 100 mètres poussif qui l'a visiblement plus marqué qu'il ne voulait bien le dire alors. Au lendemain de la médaille de bronze William Meynard sur la distance reine, Alain Bernard a une autre occasion de se tester face au gratin mondial. Sur 50 mètres, une distance qu'il ne maîtrise pas totalement. Il est venu faire un tour à la piscine. Pour reprendre la température de l'eau. Pour couper la routine et briser la monotonie de quatre jours sans compétition. Slip de bain bleu, bonnet blanc, Alain Bernard a sauté dans sa ligne comme un gamin avant d'aligner les longueurs pendant une quarantaine de minutes à l'issue des séries matinales sous les yeux de Denis Auguin, son entraîneur. Dans un relatif anonymat. Comme un nageur lambda qu'il se revendique d'être. Loin des projecteurs braqués jeudi sur la finale du 100 mètres nage libre, une course qui l'a fait roi à Pékin trois ans plus tôt mais pour laquelle il n'était pas qualifié à Shanghai. Pas facile d'être sur la touche... "Ça fait trois ou quatre mois qu'on le sait", corrige Auguin. Jusqu'à mardi soir, le « grand blond » a pourtant traîné son spleen, sortant peu de sa chambre d'hôtel, encore marqué par sa contre-performance au départ de la finale du relais 4x100 mètres nage libre, une de plus, sans laquelle la France aurait peut-être enfin accroché l'or en grand bassin. "Ce qui l'embête, c'est de ne pas s'être exprimé comme il souhaitait et comme il avait les possibilités de le faire", avoue le coach antibois, loin du discours de façade livré par son poulain, médaille d'argent autour du cou, dimanche soir à sa sortie du bassin. Pas de quoi affoler cependant ce dernier : "On ne fait pas du haut niveau si on se mine à la moindre contre-performance. Le haut niveau, c'est aussi ça, avoir une capacité d'adaptation aux différents événements. Et mon rôle, c'est gérer les euphories ou les déceptions quand elles sont excessives." Et après dix ans de complicité, faits de haut et de bas, Bernard n'a plus de secret pour son coach. "C'est un garçon qui prend les choses à coeur, qui prend ses responsabilités, dit-il, expliquant à demi-mots les difficultés que peut rencontrer le champion olympique au coeur du relais. C'est un garçon qui est dans le partage. C'est sa façon d'être. C'est quelqu'un qui n'a jamais joué de son statut de champion olympique en équipe de France pour imposer des choses, pour revendiquer." Un nageur qui pense collectif, en atteste sa réaction dans la tribune mardi, au moment du doublé de Camille Lacourt et de Jérémy Stravius, son pote, sur 100 mètres dos. "Il a sauté de joie, presque comme si ça le concernait, relate Auguin. Il ne se satisfait pas des résultats moyens des autres pour masquer ses problèmes. Il ne souhaite pas l'échec des autres. Il ne calcule pas." A quitte ou double Enfin, parfois si. Un peu trop. "Ça peut me faire du bien d'aller là-bas un peu décontracté, plus relâché. Je serai peut-être plus moi-même parce que souvent, à vouloir trop bien faire, je me crispe et je passe à travers", reconnaissait l'Antibois à la veille d'entrer dans la compétition. Des Mondiaux sans pression en quelque sorte ? "J'aimerais bien", souriait-il alors. Sa performance avec le relais tricolore a plombé l'ambiance. A Pékin, il avait su s'en relever. "A Pékin, il faut remettre les choses dans leur réalité. Il fait le deuxième temps mondial de tous les temps, mais il tombe sur un truc (le 100 mètres de Jason Lezak qui prive la France de l'or pour huit centièmes, ndlr)... Evidemment, il y a eu la déception de ne pas gagner, mais il fait une bonne course, nuance Auguin. Les gens se sont affolés, mais ce n'était pas très difficile d'enchaîner, il n'y avait pas d'affolement sur ses capacités à nager vite." Et si Auguin n'est pas plus inquiet sur les capacités de son élève à être dans le coup l'année prochaine sur 100 mètres, malgré l'émergence d'une nouvelle génération incarnée par James Magnussen et William Meynard, on s'interroge sur les chances de Bernard à rivaliser, ici à Shanghai, sur 50 mètres, une distance qui est loin d'être sa priorité et un exercice qui est difficile à maîtriser. "Le 50 mètres, c'est un exercice périlleux dans le sens où il ne faut rien rater, convient l'entraîneur antibois. Ce n'est pas du quitte ou double, sinon ça voudrait dire qu'on n'a pas travaillé. Mais ça se joue à deux-trois choses. Il faut à la fois un engagement maximum et un relâchement maximum. Et une capacité à s'exprimer tout de suite. C'est extrêmement compliqué contrairement à ce que pourrait croire les gens. Il n'y a pas de droit à l'erreur." "Un 50 mètres, ça passe très rapidement. Il y a un peu de loterie et beaucoup de maîtrise quand même", renchérit Bernard. "C'est la prime à celui qui sait réaliser le mieux ce qu'il sait faire en 20 secondes", précise Auguin pour qui, sur ce qu'il montre à l'entraînement ces derniers jours, le médaillé de bronze olympique du 50 mètres peut de nouveau viser le podium à Shanghai. "A l'entraînement, je sais que je peux me fier à beaucoup de choses, confirme le "requin blond". Et peut-être trop, donc à moi de faire le ménage. Ça serait vraiment con de ma part de ne pas réussir à exploiter toutes ces choses positives." On ne l'aurait pas mieux dit.