Bernard, les doutes en moins

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LAURENT DUYCK , modifié à
Ce n'est qu'une médaille de bronze, qui plus est sur 50 mètres nage libre. Mais cette récompense, bien plus que l'argent décroché dimanche avec le relais 4x100 mètres nage libre, a valeur d'or pour Alain Bernard, en mal de confiance à son arrivée à Shanghai mais regonflé à bloc à la sortie de ces Mondiaux 2011 pour aller défendre son titre olympique l'été prochain à Londres.

Ce n'est qu'une médaille de bronze, qui plus est sur 50 mètres nage libre. Mais cette récompense, bien plus que l'argent décroché dimanche avec le relais 4x100 mètres nage libre, a valeur d'or pour Alain Bernard, en mal de confiance à son arrivée à Shanghai mais regonflé à bloc à la sortie de ces Mondiaux 2011 pour aller défendre son titre olympique l'été prochain à Londres. "Ce soir, il me semble qu'on a franchi un palier dans la confiance", disait vendredi Denis Auguin. Ce n'est plus un palier mais un immeuble de dix étages que l'un des couples les plus fidèles de la natation française a franchi samedi avec cette médaille de bronze décrochée sur 50 mètres nage libre par Alain Bernard. "Ça ne tient à rien. A deux centièmes près, je ne passe pas en finale. A un centième près, je ne suis pas sur le podium", souffle, visiblement soulagé, l'Antibois qui, rattrapé par les doutes au départ du relais 4x100 mètres nage libre et par la concurrence incarnée par William Meynard, médaillé de bronze sur la distance reine jeudi quand le champion olympique rongeait son frein à l'hôtel, aurait pu voir sa cote chuter pour de bon à la sortie de ces Mondiaux 2011. "Le crépuscule d'un champion", était prête à titrer la presse française. "J'y ai un peu pensé avant le 50 et les jours précédents, avoue-t-il. Mais je sais que vous êtes sympas et que vous jouez le jeu dans toutes les situations. C'est votre métier de vendre du papier mais j'espère que vous n'êtes pas vraiment méchants parce que moi, je ne l'ai jamais été. Je pense que c'est ce qui me démarque des autres. Dans toutes les situations, je réponds toujours présent." Que ce soit face à la presse ou dans l'eau, sa présence sans discontinuité sur les podiums internationaux depuis quatre ans en atteste. Il l'avait prouvé à Pékin en se relevant des huit petits centièmes perdus face à l'Américain Jason Lezak à la conclusion d'un relais 4x100 d'anthologie pour aller chercher l'or olympique. Il l'a encore démontré samedi dans le bassin de l'Oriental Sports Center. Le « requin blond » n'est pas mort Et ce n'était pas gagné d'avance malgré le discours de façade qu'il tenait depuis dimanche soir. "Ce qui l'embête, c'est de ne pas s'être exprimé comme il souhaitait et comme il avait les possibilités de le faire", avouait, à la veille des séries du 50 mètres nage libre, son entraîneur dont le travail aura consisté à le persuader de ses capacités à nager vite. "Si on regarde les analyses de courses, c'est Alain qui est le plus rapide dans la partie de nage pure", tentait-il depuis quatre jours de faire passer comme message à son poulain en mal de confiance. "Je me posais pas mal de question par rapport à la concurrence. J'avais du mal à m'estimer compétitif", reconnaît-il, s'estimant en partie rassuré par son 100 mètres en séries du relais. "Ça m'a réconforté." Aujourd'hui, cette médaille, fut-elle de bronze, fut-elle sur 50 mètres, vaut de l'or. "Ça concrétise des choses que je pensais perdues, des choses à l'entraînement que je n'arrivais pas à valider jusqu'à présent. Cette médaille est symbolique, elle valorise le travail que j'ai fourni, estime-t-il. Pour la suite, c'est très important." Car Alain Bernard n'est pas mort et le dit aujourd'hui haut et fort avec de nouveau podium mondial. "Si j'arrive à refaire la même chose à l'entraînement la saison prochaine, il n'y a pas de raison que ça ne paie pas en compétition, se persuade-t-il. On a vraiment fait de bonnes choses à l'entraînement mais j'étais frustré de ne pas avoir validé ça. C'est fait avec cette belle médaille de bronze, c'est bien, je ne crache pas dessus mais j'ai l'impression de pouvoir faire mieux." Ou dit autrement, comme un message à tous les vautours prêts à se jeter sur cette bête blessée depuis les championnats de France de Strasbourg : "Je suis là, et j'essaie de défendre ma place. Je ressens encore la motivation et la force." Peut-être plus encore avec cette médaille de bronze à l'écouter, la voix chevrotante, raconter son quotidien depuis des années. "De l'extérieur, notre vie paraît idéale, mais de l'intérieur, c'est pourri au jour le jour. Quand on s'entraîne des heures, quand on nage sous la pluie, parfois, c'est vraiment une vie de merde, ne se cache-t-il pas. Mais quand on connaît des moments comme ceux-là, on ne peut pas se plaindre. On est des grands privilégiés. Rien que pour ça, on se doit d'exprimer ce que l'on a au fond de nous. Le tout, c'est de ne pas se fixer de limites." Alain Bernard a fait à l'inverse un rêve: conserver son titre olympique l'été prochain à Londres, une performance que seuls Pieter van den Hoogenband (2000 et 2004), Alexander Popov (1992 et 1996), Johnny Weissmuller (1924 et 1928) et Duke Kahanamoku (1912 et 1920) ont réussie avant lui. Le « requin blond » a encore faim.