A la barre avec Cammas

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LAURENT DUYCK , modifié à
Le temps de trois jours, Groupama, engagé sur les deux prochaines éditions de la Volvo Ocean Race, a ouvert ses portes à la presse spécialisée. Sous le soleil des Canaries où l'équipe française a installé pendant deux mois son camp de base, découverte du fonctionnement de cette grosse machine qui parcourra le monde pendant neuf mois. Montez à bord en compagnie du patron, Franck Cammas.

Le temps de trois jours, Groupama, engagé sur les deux prochaines éditions de la Volvo Ocean Race, a ouvert ses portes à la presse spécialisée. Sous le soleil des Canaries où l'équipe française a installé pendant deux mois son camp de base, découverte du fonctionnement de cette grosse machine qui parcourra le monde pendant neuf mois. Montez à bord en compagnie du patron, Franck Cammas. Une petite dizaine d'heures pour rallier Lanzarote depuis Paris, la faute à cette escale madrilène qui nous confirme que les Espagnols ne sont pas les champions du monde de l'organisation, ça fait long, au point de se demander si on n'aurait pas été plus vite à la barre de Groupama 3, mais le périple jusqu'aux Canaries en valait la chandelle. Un, parce que cela nous permet, à notre arrivée sur ce caillou volcanique tout droit tombé de la lune, de voir évoluer depuis le ciel le VOR70 aux couleurs de Groupama. Deux, parce que l'occasion nous sera bientôt donnée d'en prendre la barre sous les ordres de Franck Cammas, le vainqueur, faut-il le rappeler, de la Route du Rhum et du Trophée Jules-Verne dans la même année à bord de son maxi-trimaran. Patientons... Au soleil s'il vous plait et en compagnie du "patron", qui n'a pas changé depuis son triomphe 2010 si ce n'est dans l'affirmation d'une certaine sérénité selon certains de ses collaborateurs, pour une discussion informelle. Au menu de ce goûter sur le port de Puerto Calero, le fonctionnement d'une équipe sur la Volvo Ocean Race, tour du monde en équipage et avec escales sur lequel la France fait son retour près de 20 ans après la dernière campagne d'Eric Tabarly (1993-94). Comme Ericsson, le tenant du trophée à qui elle a piqué le bateau (pour s'entraîner en attente de la livraison programmée fin avril de Groupama 4 dessiné par Juan Kouyoumdjian) et certains talents, c'est aux Canaries que l'équipe, une quarantaine de personnes (navigants, préparateurs...), a décidé de s'immerger pendant deux mois en mode course. "On a bien fait de le faire, parce qu'au début, on tâtonne sur l'organisation de la semaine, sur le rythme à donner, sur les rendez-vous qui sont la base de communication entre chaque membre du team...", concède Cammas. Choc des cultures Installé entre l'Irlandais Damian Foxall, le plus Français des Irlandais qui tient le rôle de crew manager, l'Australien Ben Wright, responsable de l'équipe à terre, et le Suédois Martin Krite, équipier d'avant et futur pasteur, Cammas confirme la nécessité de lier ces deux cultures, française élevée au solitaire et anglo-saxonne nourrie à l'équipage, qui composent aujourd'hui Groupama. "On essaie de se mélanger mais on forme, de fait, deux groupes au départ. C'est l'un des objectifs de cette période", explique-t-il. Et si l'anglais est la langue officielle à bord, cela n'empêche pas toujours les dérapages. "Rien de grave", sourit le skipper français qui abandonne volontiers la langue de Shakespeare dès que possible en compagnie de ses compatriotes de la cellule arrière (Josse, Israël, Caudrelier, Nélias), loin de la plage avant réservée aux Suédois, ou autre Néo-Zélandais, des "durs au mal". Choc des cultures sur l'eau et en coulisses où la mixité est elle aussi de mise sous l'autorité de Ben Wright, lequel, fort de deux participations à la course, gère une équipe technique d'une petite vingtaine de personnes bientôt embarquée pendant neuf mois d'un bout à l'autre de la planète dans une caravane de quatre containers rachetés là encore à Ericsson (un pour le composite et l'accastillage, un pour le gréement et la voilerie, un pour la mécanique et l'électronique, et le dernier pour les équipements, le consommable et les bureaux), pour un total de 45 tonnes à déménager entre chaque étape. "La course s'est souvent gagnée avant le départ. Le premier bateau au Cap est souvent celui qui gagne au bout", rappelle l'Australien. Logistique et navigation, deux problématiques indissociables de la bonne réussite de ce projet qui coutera à Groupama, le fidèle partenaire de Cammas, quelque 17 millions d'euros par an (75% pour le sportif, 25% pour la communication) jusqu'en 2015, terme d'une seconde participation qui se voudra celle de la confirmation. A la barre et aux moulins Compétiteur dans l'âme, "il n'a pas changé depuis 10 ans", confirme Sébastien Josse qui le retrouve pour l'occasion, Cammas impose sa boulimie de travail à ses équipiers, entre préparation physique quotidienne (d'une demi-heure à une heure et demie en fonction du programme de la journée sur l'eau) et navigations à répétition, dans la limite des 110 jours autorisés par le règlement sur la saison 2010 (jusqu'à fin mars). Utile de préciser que les journées média ne sont pas comptabilisées. On comprend mieux pourquoi Groupama a mis la main à la poche. Ne boudons pas notre plaisir. Au contraire. Vendredi matin. Grand soleil. 20°C à terre. 10 à 12 noeuds de vent. Le moment est venu de grimper à bord du monocoque de 70 pieds (21,5 mètres). Pour qui n'a jamais mis un pied sur un bateau de course, mettez la main dans un plat de spaghetti et vous comprendrez mieux. On exagère à peine devant le nombre d'écoutes à démêler. Pas le temps de réfléchir, les Français du bord, Josse en tête, toujours prêt à se payer des journalistes, vous installent au moulin pour hisser la grand-voile. L'effort est intense. Et ce n'est rien devant un virement de bord avec changement de voile d'avant ! Le réconfort, on le trouve à la barre à roue. Près de 15 tonnes sous les doigts et pourtant la souplesse et la finesse étonnent. Et vous grisent, même à « seulement » 16-17 noeuds sur une mer à peine moins ridée que les retraités espagnols qui remplissent les résidences balnéaires hors-saison. Le temps d'imaginer une navigation humide à plus de 25 noeuds et la vie à 11 dans un habitacle plus restreint qu'une chambre de bonne (où s'entassent les voiles, les sacs de nourriture, le navigateur, plus les quatre marins hors-quart quand les autres sont sur le pont...), la récréation est terminée. Retour au port. Dès le lendemain, Cammas et ses hommes repartent pour trois jours de navigation intensive. Avant un convoyage retour vers Lorient toujours en mode course. Le temps est compté. Groupama a une course à gagner. Et les Canaries n'étaient qu'une étape.