Violences policières : pour Christiane Taubira, "chaque dérapage individuel tache l'institution toute entière"

© JEWEL SAMAD / AFP
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L'ancienne ministre de la Justice Christiane Taubira revient dans un entretien au "JDD" sur le mouvement mondial contre le racisme et les violences policières. Elle explique que les différences entre la France et les États-Unis "résident dans l'organisation de nos systèmes". "Chez nous, des personnes meurent d’avoir rencontré des policiers, pas d’avoir rencontré la police", affirme-t-elle. 

"Quand Adama Traoré ou George Floyd meurent, c’est pareil : ce sont des hommes noirs qui meurent de leur rencontre avec des policiers", explique Christiane Taubira. Dans un entretien au Journal du dimanche, l'ancienne ministre de la Justice est revenue sur la question des violences policières et du racisme en France et aux États-Unis. "Le chagrin et les larmes sont les mêmes de chaque côté de l’Atlantique", dit-elle, précisant que les différences "résident dans l’organisation de nos systèmes : république fédérale contre État central jacobin".

"Ce sont systématiquement des procédures qui durent des années et qui aboutissent très souvent à des non-lieux"

"La consanguinité qui existe dans certains corps de police aux États-Unis n’a pas lieu chez nous", affirme Christiane Taubira, louant le rôle de l'institution judiciaire. "En France, il y a une institution judiciaire compétente sur l’ensemble du territoire et des enquêtes systématiques sur ces cas", rappelle-t-elle. "Chez nous, des personnes meurent d’avoir rencontré des policiers, pas d’avoir rencontré la police". 

"Nous devons hélas reconnaître que ce sont systématiquement des procédures qui durent des années et qui aboutissent très souvent à des non-lieux", dit Christiane Taubira. "Or chaque dérapage individuel tache l’institution toute entière", affirme-t-elle. "On ne peut permettre que les forces de l’ordre soient décrédibilisées à cause d’un postulat considérant qu’il n’y a pas de faute possible, pas d’acte raciste possible, pas de bavure possible. On peut tacher l’institution tout entière en l’obligeant à couvrir des actes racistes commis de façon délibérée". 

"Il y a des policiers violents, racistes, antisémites, xénophobes. Personne ne peut affirmer le contraire"

Si Christiane Taubira ne parle pas de racisme d'État, soulignant la diversité qu'il peut y avoir dans plusieurs institutions en France, elle pointe des "mécanismes qui compliquent l’accès des jeunes des banlieues aux responsabilités, aux postes et aux institutions". "Il y a des policiers violents, racistes, antisémites, xénophobes. Personne ne peut affirmer le contraire. Il faut qu’on l’entende. Il peut aussi y avoir des politiques d’intervention policières violentes", continue l'ancienne garde des Sceaux. 

Comme la gauche l'a déjà proposé par le passé, Christiane Taubira souhaite ainsi que soient arrêtés les placages ventraux et que soient mis en place des récépissés lors des contrôles d'identité. "Pour un jeune afro-descendant ou un jeune maghrébin, qui a vingt fois plus de risque que les autres d’être contrôlé, le récépissé a une force symbolique. Par ce moyen, l'État dit au citoyen : 'Je veux vous protéger, y compris contre la force que je mobilise moi-même'", justifie-t-elle.