Féminicides violences conjugales femmes 3:32
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Séverine Mermilliod , modifié à
Dix jours avant le dévoilement des propositions du gouvernement pour lutter contre les violences conjugales, Jérôme Bertin, qui dirige la fédération France Victimes, rappelle sur Europe 1 que si le signalement et la parole sont importants, l'accompagnement des victimes l'est tout autant. 
INTERVIEW

Le 25 novembre se terminera le Grenelle contre les violences conjugales lancé en septembre, à l'issue duquel le gouvernement devrait annoncer des mesures. Invité d'Europe 1 samedi matin, Jérôme Bertin, directeur général de la fédération France Victimes qui a émis des recommandations, insiste : si la libération de la parole est importante, elle peut devenir "une mise en danger de la personne". Le dernier exemple tragique en date le montre bien : le 10 novembre en Alsace, Sylvia, une femme de 40 ans a été tuée par son mari, sous les yeux de sa fille. Elle avait pourtant, selon cette dernière, déjà déposé des mains courantes et porté plainte. 

Permettre la mise en sécurité

"On incite beaucoup les victimes de violences conjugales à signaler et porter plainte, et il y a encore une progression possible puisque seulement 10% des femmes portent plainte aujourd'hui. Mais dans certains cas, cela met les personnes en danger. Il faut donc que l'on ait les moyens d'accueillir et de constater qu'une mise en sécurité est nécessaire", souligne le directeur. "Si on part du principe qu'aucun acte ne peut rester sans réponse et que dès le premier signalement, on réagit, on convoque, on interpelle; on pourra réduire en partie les faits les plus graves", estime Jérôme Bertin.

"Mais à coté de cela, il faut accompagner les victimes." D'après lui, donner des téléphones ou des bracelets ne sera pas efficace si les personnes ne sont pas accompagnées après le dépôt de plainte, si l'on ne leur permet pas "de se mettre en sécurité, de se séparer, de s'organiser pour sortir du cycle de la violence". Les mises en sécurité des victimes peuvent se faire par des déplacements, par des placements en centre d'hébergement d'urgence, ou par une intervention immédiate auprès de l'auteur (une expulsion du conjoint peut par exemple être décidée par le juge).

Des actions qui ont un coût

Pour ce faire, les associations ont d'abord besoin de moyens financiers. "Nos associations ont un budget global de 50 millions d'euros", rappelle le directeur de France Victimes. "Nous gérons, à l'instar de la Fédération solidarité femmes qui gère le 3919, un autre numéro d'appel, le 116006, ouvert 7 jours sur 7". Une plateforme téléphonique qui coûte aujourd'hui 600.000 euros, et dont l'activité a augmenté de 85%.

"Cela veut dire que les victimes prennent conscience qu'elles ne sont pas seules, qu'elles peuvent réagir", constate Jérôme Bertin, avant d'ajouter : "Le dépôt de plainte ne résout pas tout. Il faut que l'ensemble des personnes, tiers, proches, prennent conscience que c'est un élément parmi d'autres mais qu'il faut s'organiser et démultiplier les moyens pour éviter que la révélation ne devienne une mise en danger."

La mort de Sylvia a fait grimper à 131 le nombre de femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint depuis début 2019. Le 23 novembre à Paris à 14 heures, le collectif #NousToutes organise une marche contre les violences sexistes et sexuelles, deux jours avant la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.