Victime d’une escroquerie aux chèques volés, sa sœur s’est suicidée à 17 ans

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Léa Beaudufe-Hamelin
Océane, la petite sœur de Laurence, s’est suicidée en mars 2018 après avoir été victime d’une escroquerie aux chèques volés. La photo de son corps a ensuite été diffusée sur Snapchat. Sur "La Libre antenne", Laurence évoque son combat contre la diffusion abusive de photos sur les réseaux sociaux. 
TÉMOIGNAGE

La petite sœur de Laurence, Océane, s’est suicidée en mars 2018. La jeune fille de 17 ans avait été victime d’une escroquerie aux chèques volés par son petit ami. La photo du cadavre d’Océane avait ensuite circulé sur Snapchat. Laurence a alors créé une association pour aider les personnes dont les photos sont abusivement diffusées sur les réseaux sociaux. Au micro de "La Libre antenne", sur Europe 1, Laurence revient sur les démarches judiciaires que sa famille a entreprises à l’encontre de l’escroc, de la banque et de l’auteur de la photo diffusée sur les réseaux sociaux.

"En mars 2018, ma dernière sœur, Océane, a décidé de mettre fin à ses jours en s’allongeant sur la voie ferrée en gare d’Evry-Courcouronnes. Elle avait 17 ans. Elle a été victime d’une escroquerie. Elle a fait la rencontre d’un garçon lors d’une fête anniversaire en fin d’année 2017. Leur relation a débuté fin janvier 2018. Ce garçon s’est avéré être un manipulateur puisqu’il n’en était pas à son coup essai en escroquerie. Il a charmé Océane en se faisant passer pour un garçon travailleur. 

Océane a subi une escroquerie aux chèques volés. Ce garçon lui a évoqué sa situation de chauffeur VTC rencontrant des problèmes avec son compte bancaire. Il a donc sollicité Océane pour avoir accès à son compte. Il lui a demandé de faire un dépôt de chèques, en lui précisant que c’étaient des chèques de salaire. Océane l’a fait par amour et surtout par gentillesse, parce qu’elle a toujours eu le cœur sur la main. On a eu connaissance de cette relation le jour de son décès. 

" Le jour de son décès, Océane était à découvert de 2.000 euros "

Il lui a demandé de lui passer sa carte de retrait. Ce qu'elle a fait sans se douter d'une possible escroquerie. Grâce à l'enquête, on a pu l'identifier en train de faire lui-même les retraits. Océane avait un compte jeune. Le jour de son décès, Océane était à découvert de 2.000 euros. Elle nous a laissé une lettre dans laquelle elle nous explique cette escroquerie. Tout de suite, ma mère nous a dit ce n’était pas possible parce qu’il y a une clause dans le contrat auprès de la banque qui stipule qu’elle avait interdiction de déposer des chèques et qu'il y avait un plafond de retrait. 

On s'est demandé pourquoi elle ne nous en avait pas parlé. Océane n'a montré aucun mal-être, bien au contraire. La veille de son suicide, elle était très souriante et j'ai même rigolé avec elle avant qu'elle aille se coucher. On parle d'une jeune femme de 17 ans qui n’était pas encore mature. Elle l’écrit dans sa lettre, elle prend la responsabilité de ce qu'elle a fait. Selon elle, elle était fautive parce qu’elle s’est fait avoir et qu’elle risquerait d’amener des problèmes. 

" Ce condensé d'informations pour une jeune fille de 17 ans, c’est inimaginable "

La seule personne qu'elle a sollicitée pour avoir de l’aide, c’est le directeur de l’agence bancaire qu'elle a rencontré la veille de son suicide. Il lui a parlé de problèmes au niveau de la police, de la justice et de la banque. On l'a su à la lecture de sa lettre. Je pense que ce condensé d'informations pour une jeune fille de 17 ans, c’est inimaginable. À 17 ans, je passe mon bac ; là on parle d’une escroquerie dont je peux être complice. 

Le jour même du suicide d’Océane, j’ai rencontré cette personne qui avait donné de telles informations à une mineure de 17 ans, sans représentant légal. Il m’explique qu’il a dit à ma sœur d'en parler à ses parents. Il a dit à une mineure de 17 ans de dire à ses parents qu’elle a un flirt qui l'a escroquée de quelques milliers d'euros. Ce n’est pas possible. Grâce à l’enquête, on a découvert qu’Océane avait contacté par mail sa conseillère bancaire en lui disant qu’elle venait de déposer des chèques et de ne pas les encaisser si ça lui paraissait douteux.

" Le corps de ma sœur a été diffusé sur les réseaux sociaux "

Depuis février, Océane avait alerté parce qu’elle avait un doute. Ils ont laissé les chèques s’encaisser et les retraits se faire. Il y aurait dû avoir une alerte parce que l'escroquerie aux chèques volés est connue des banques. Il y a clairement eu une négligence. Lors du procès au pénal, le directeur de l’agence a été appelé en qualité de témoin. Il a reconnu que cette escroquerie était connue au sein de son agence. Une jeune fille les alerte et rien n'est fait. Nous avons donc décidé de lancer une procédure judiciaire contre la banque et nous attendons l’audience.

Le jour du suicide d’Océane, un individu qui se trouvait sur le quai a pris la photo du corps d’Océane coupé en deux sous un train. Il a mis un émoticône et un commentaire sous la photo et l’a diffusée sur le réseau social Snapchat. Cette image très violente, personne n’avait à la voir. On parle d'une vie, d'une jeune fille qui a mis fin à ses jours dans des conditions très violentes. Le corps de ma sœur a été diffusé sur les réseaux sociaux. Ça venait alourdir notre peine.

" Les réseaux sociaux sont un fléau "

L’auteur de l’escroquerie ne s'est présenté à aucune des audiences. On nous a dit qu’il ne se sentait pas la force de venir au tribunal face à la famille. Il faut reconnaître ses actes. Il a été condamné à seulement un an de prison avec sursis et à verser des dommages et intérêts à la famille, alors qu'il avait déjà été condamné pour des faits similaires. Concernant la photo diffusée sur les réseaux sociaux, l'auteur a été condamné à verser des dommages et intérêts à la famille.

Cette année, j’ai créé une association qui s’appelle "Prévention Océane". On est dans une démarche de récolte de témoignages pour avoir un poids. J’essaye de me rapprocher de certains membres du gouvernement pour avoir un appui et faire évoluer les choses. On veut que les personnes qui se sentent dans l’impasse comprennent qu’elles sont victimes, et non coupables. Dans les échanges que j’ai pu avoir, les jeunes filles me parlent beaucoup de honte et disent qu’on ne les a pas écoutées.

C'est un problème de société, puisque le départ d'Océane a soulevé des problèmes d'escroquerie et des problèmes rencontrés avec les réseaux sociaux. Les réseaux sociaux sont un fléau. On parle de revenge porn, de photos macabres, mais aussi de harcèlement scolaire. L’auteur des photos est responsable, mais les gens qui partagent le sont tout autant. J’ai senti le manque de ma petite sœur pendant la période de confinement. J'aurais dû être confinée avec ma sœur à la maison. J'aurais dû partager encore des moments avec elle. On aurait dû fêter son bac. Toutes ces choses-là, on nous les a enlevées. "