Son fils est polyhandicapé à cause d'un syndrome du bébé secoué : "Le papa avait bu..."

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Léa Beaudufe-Hamelin , modifié à
Après avoir été victime du syndrome du bébé secoué, le fils d’Émilie est polyhandicapé. Aujourd’hui âgé de six ans, le petit garçon ne parle pas et ne marche pas. Émilie témoigne du handicap de son fils au micro de "La Libre antenne", sur Europe 1, et confie son inquiétude à Olivier Delacroix.
TÉMOIGNAGE

Le fils d‘Émilie a été victime du syndrome du bébé secoué, par la faute de son père. Aujourd’hui âgé de six ans, l’enfant est polyhandicapé. Il ne marche pas et ne parle pas. Au micro de "La Libre antenne", sur Europe 1, Émilie raconte comment son fils est devenu handicapé et la procédure judiciaire qui en a découlé. Elle confie à Olivier Delacroix son inquiétude et sa difficulté à se reconstruire depuis le drame.

"Je suis maman d’un petit garçon polyhandicapé, qui a été victime du syndrome du bébé secoué. Depuis six ans, j’ai l’impression que la situation n’avance pas. Mon fils a été secoué par son père quand il avait trois mois. C’était le 31 décembre, on rentrait d’une soirée chez des amis. Le papa, qui avait bu, s’est occupé de son fils pour le mettre en pyjama et le coucher. La maltraitance s’est produite à ce moment-là.

Tout mon entourage est tombé des nues en l’apprenant, parce qu’il n’avait jamais été agressif. Rien ne laissait présager qu’il pouvait être violent envers son enfant. Il était assez tard, notre fils pleurait de fatigue. Je regrette parce que j’avais proposé de le mettre en pyjama et le coucher. C’est lui qui m’a dit qu’il allait le faire. Je n’entendais plus mon fils pleurer. Il m’a appelée en urgence. Je suis arrivée, notre fils était dans ses bras, inconscient.

" Ça a été le début du cauchemar "

Il a mis six mois à l’avouer. Au début quand j’ai vu mon fils inconscient dans ses bras, j’ai paniqué. J’ai appelé les pompiers. C’était en Allemagne, le papa est Allemand. Les pompiers sont arrivés. On est allés à l’hôpital des enfants. Des policiers sont venus, ce sont les médecins qui les avaient appelés. Ils m’ont dit qu’il y avait eu maltraitance, c’est pour ça que mon fils était dans cet état-là. Ça a été le début du cauchemar.

Le papa a été directement mis en détention provisoire. Moi, j’ai été placée en garde à vue pendant 48 heures. Le procureur a ensuite accepté que je sois libérée. Le papa est resté six mois en détention provisoire. Au bout du sixième mois, quelques jours avant son procès, il a avoué à son avocat avoir secoué notre fils. Il l’a aussi avoué au procès. Il n’a été condamné qu’à deux ans de prison avec sursis, mise à l’épreuve, 5.000 euros à verser à mon fils et 3.000 euros pour moi de préjudice moral, qu’il n’a jamais versés d’ailleurs.

Il a toujours ses droits parentaux. Pendant un an, il demandait à voir son fils, mais moi je lui avais bien dit que c’était hors de question qu’il voie son fils sans que je sois là. Au bout d’un an, il est reparti vivre près de Berlin et depuis il m’envoie juste des messages, mais il n’a plus jamais demandé à voir son fils.

Mon fils a six ans, mais c’est comme s’il avait à peine neuf mois dans sa tête. Il ne parle pas, il émet des sons. Il ne marche pas. Cela fait à peu près un an qu’il fait du quatre pattes. Dans l’institut où il est, ils ne savent pas si c’est dû aux séquelles ou si c’est lui qui n’a pas eu le déclic de faire les choses tout seul, par exemple manger, marcher. Ils ont énormément de mal à le faire se concentrer sur la rééducation.

" Je n’arrive plus à me reconstruire "

Je m’inquiète pour lui, parce que s’il m’arrive quelque chose, à part l’institut il n’a personne. Depuis ce drame, je n’arrive plus à me reconstruire. La décision du juge de le condamner à du sursis, psychologiquement, ça m’a fait mal. J’ai l’impression qu’au procès il essayait de se faire passer pour une victime et qu’il fallait l’excuser, alors que c’est son fils qui toute sa vie gardera des séquelles. Je pense que lui vit beaucoup mieux que nous aujourd’hui. C’est ça qui me tue, savoir qu’il s’en est bien sorti et que mon fils et moi sommes encore dans cette bataille.

Maintenant ça ne sert plus à rien de le haïr parce que je me suis rendu compte que ça ne me faisait pas avancer dans la vie. J’ai du mal à l’oublier. Mon fils lui ressemble beaucoup.  Parfois quand je regarde mon fils, ça me fait mal. J’aurais pu le perdre, donc je me réjouis de toujours l’avoir. Si je l’avais perdu, je pense que je ne serais plus là. Cela m’aurait tuée aussi. Il sourit, il rigole, il m’apporte de la joie. Il est plein de vie."