Son père a tenté de le tuer : "J’ai compris que mon père venait de me tirer dessus"

  • Copié
Léa Beaudufe-Hamelin , modifié à

Jean-Pierre et sa mère ont été victimes des violences de son père. Après le suicide de sa mère quand il avait 13 ans, Jean-Pierre a vécu seul avec son père. Un jour, ce dernier a tenté de le tuer. Jean-Pierre confie à Olivier Delacroix pourquoi il a accordé son pardon à son père à sa sortie de prison.

Enfant, Jean-Pierre était battu par son père alcoolique. Sa mère, elle aussi victime des violences de son père, s’est suicidée quand il avait 13 ans. Jean-Pierre a alors vécu seul avec son père jusqu’à ce que ce dernier mette ses menaces de mort à exécution et lui tire dessus alors qu’il avait 18 ans. Quand son père était en prison, Jean-Pierre a fait la rencontre d’un pasteur et a découvert la foi. Il raconte à Olivier Delacroix son cheminement vers le pardon.

Dès son plus jeune âge, Jean-Pierre était confronté à la violence de son père, se souvient-il : "La violence était quotidienne dans ma famille, tant psychologique que physique. Mon père était violent envers ma mère. J'étais un enfant battu. Mon père me terrorisait. J'ai très vite appris à survivre dans ces conditions. J'étais constamment dans l'anticipation de ce qui pouvait arriver. J'ai souvent entendu mon père dire : ‘Un jour, je te tuerai parce que tu n'apportes rien à ce monde’. C'était très difficile de grandir dans ces conditions. Ce sont des mensonges, mais quand on est un petit garçon, on croit ses parents."

Il relate les événements qui ont conduit à la mort de sa mère : "Mon père s'en était pris à moi une nouvelle fois et ma mère a essayé de s'interposer. Il a frappé ma mère et nous a mis dehors. Ma mère et moi avons dormi dans une tente dans le jardin. Le lendemain matin, mon père a accusé ma mère d'avoir eu des relations sexuelles avec moi. Ça l’a complètement détruite. Elle s'est saoulée et a pris des médicaments. C'est moi qui ai trouvé son corps. J'ai eu l'impression qu’on m'arrachait au monde de l'enfance pour me jeter de façon violente dans le monde des adultes."

" Mon père a attrapé une petite hache et me l'a lancée "

Après la mort de sa mère, Jean-Pierre a alors vécu seul avec son père : "Quand mon père explosait, il prenait la première chose qu'il avait sous la main. Une fois, on était dans le jardin quand mon père a explosé. De peur, je suis parti en courant parce que je savais que ça allait très mal se passer. Mon père a attrapé une petite hache et me l'a lancée. Je l'ai prise derrière la tête et ça m'a fait une cicatrice. Ce n’est pas le côté tranchant qui a tapé. J’ai eu beaucoup de chance.

Quand j'ai commencé le karaté, j’avais cette conviction profonde qu'il fallait que j'apprenne à me défendre pour me protéger et pouvoir dire quand j’aurai un certain âge : ‘Ça suffit’. Le karaté était un sport qui me convenait parfaitement. J’ai fait pas mal de compétitions et j’ai gagné quelques titres. Je commençais à avoir une belle carrière dans ce sport. À un moment donné, j'ai pris conscience que je prenais le dessus physiquement sur mon père. Mon père en a aussi pris conscience."

" Je voyais mon père comme un assassin "

Un jour, le père de Jean-Pierre a mis ses menaces de mort à exécution : "J'ai croisé mon père dans les escaliers, il était armé d'un fusil. En croisant son regard, j'ai tout de suite compris qu'il allait tirer. Le coup est parti. J’avais une douleur intense dans la poitrine. Je n'arrivais pas à réaliser ce qu’il se passait. Je me disais qu’il n'avait pas pu faire ça. Il y avait du sang partout. J’ai compris que mon père venait de me tirer dessus. Ça a été un moment très difficile, parce que je voyais mon père comme un assassin. Tout s'écroule."

Ce jour-là, Sandrine, la femme de Jean-Pierre, était là. Elle raconte la façon dont elle a vécu cet événement : "J'ai entendu le coup de feu. Je ne voulais pas admettre que c'était un coup de feu. J’ai vu le sang sur sa main. Un peu plus haut dans l'escalier, il y avait son père avec le fusil. Je ne pouvais plus nier l'évidence. Les pensées se bousculaient dans ma tête. Il fallait le sauver. Je l’ai aidé à se redresser comme j'ai pu. C'est étonnant la force qu'on peut avoir dans ces moments. Je suis partie avec Jean-Pierre. Son père ne nous a pas suivis. On a su après qu'il était parti cacher l'arme." 

" Je voulais qu’il puisse recevoir mon pardon "

Pendant sa convalescence, Jean-Pierre s’est installé dans un camping et avait une famille pour voisins : "C'était la première fois que je pouvais observer un père avec ses enfants et sa femme. J'entendais ce papa parler à ses enfants, avec toute la douceur qu'il avait. J’ai commencé à les espionner tant j'étais intrigué. J'observais surtout cet homme parce que j'attendais le faux-pas. Il s’est fâché contre un de ses enfants, lui a mis une fessée et a dit : ‘Ce n'est pas parce que je t'ai mis une fessée, que je ne t'aime pas.’ Ça m'a piqué au vif. J'avais besoin de connaître cette personne. On a fait connaissance. Il m’a dit qu’il était pasteur."

Jean-Pierre a alors découvert la foi qui l’a conduit à pardonner son père : "Le 24 décembre 1991, j’ai reçu un coup de téléphone. C’était mon père qui m'annonçait qu'il était sorti de prison. Pour moi, c’était une grande joie. J’avais besoin de le voir. Je voulais qu’il puisse recevoir mon pardon. Ça a été un moment très fort émotionnellement, dont je me rappellerai toute ma vie. On s'est retrouvés et on s'est pris dans les bras, on a pleuré l'un l'autre et je lui ai dit : ‘Papa, je te pardonne’. Pour moi, le pardon était synonyme d'espérance pour reconstruire quelque chose avec mon père.

" Il a été un super grand-père pour mes deux garçons "

J'avais vraiment espoir de pouvoir construire une relation avec lui et c'est ce qui s'est passé. La confiance s'est construite avec lui au fil des années. Il m'a montré combien il regrettait. Il a été un super grand-père pour mes deux garçons. Si le pardon était accordé, on ne revenait pas sur les choses. Je voulais vraiment qu'on puisse construire cette relation qui nous avait tant manqué quand j'étais petit. J'ai vu tout le chemin parcouru depuis sa sortie de prison. C'était fantastique.

Dans mon cœur, j'avais toujours ce désir de me dire je ne ferai jamais comme mon père. J’avais envie d'avoir un garçon pour lui donner tout ce que mon père ne m'avait pas donné. En même temps, j'avais une peur pratiquement viscérale parce que je me demandais si j’étais capable d'être un bon papa et de ne pas tomber dans les mêmes travers que mon père. Au fond, je croyais que j'en étais capable, mais c'était une peur irrationnelle qui était là." 

Jean-Pierre a aujourd’hui 41 ans. Il vient d’être officiellement adopté par Anne-Marie et Francis, deux paroissiens rencontrés quand il avait 18 ans. Anne-Marie se souvient des 20 ans de Jean-Pierre, qu’ils ont célébrés ensemble : "À l'époque, on n'avait pas beaucoup de sous. J'étais un peu gênée, parce que je n'avais pas un gros cadeau à lui faire. J'ai fait un beau gâteau. On a emballé un petit tee-shirt. On a chanté pour lui et les enfants se sont mis autour de lui pour lui faire la bise. Il a fondu en larmes tant il était pris d'émotion que quelqu'un l'aime à ce point. 

Ça ne lui était jamais arrivé. C'était tellement submergeant. Quelque chose s'est ouvert dans mon cœur. Nos enfants ont été les premiers à adopter Jean-Pierre comme un grand frère." Francis poursuit : "On avait l'habitude dans la famille de se serrer dans les bras et se faire des bisous. Quand Jean-Pierre est arrivé, il a immédiatement été intégré. C’est quelque chose qui était incroyable pour lui. Il n'avait pas l'habitude de ça. Adopter Jean-Pierre, c'était une façon de dire : ‘Voilà notre histoire. On veut que ce qui s’est passé se concrétise publiquement.’" 

Vous voulez écouter les épisodes de "Dans les yeux d'Olivier"

>> Retrouvez-les sur notre site Europe1.fr et sur Apple PodcastsSpotifyGoogle podcastsDeezerAmazon Music ou vos plateformes habituelles d’écoute.

>> Retrouvez ici le mode d'emploi pour écouter tous les podcasts d'Europe 1