Ses parents vieillissent à la campagne : "Le premier médecin est à cinq kilomètres"

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Léa Beaudufe-Hamelin , modifié à
Âgés de 86 et 84 ans, les parents d’Isabelle habitent en milieu rural, loin des services médicaux. S’inquiétant du vieillissement de ses parents, cette dernière entame des démarches pour les faire aider. Sur "La Libre antenne", Isabelle évoque les difficultés que rencontrent ses parents vieillissant à la campagne.
TÉMOIGNAGE

Les parents d’Isabelle ont 86 et 84 ans et habitent en milieu rural dans le Limousin. Cette dernière s’inquiète pour eux, puisqu’ils habitent loin des services, médicaux notamment. Elle essaye alors de les convaincre de se faire aider, parce que leurs conditions physiques et cognitives se dégradent. Voir ses parents vieillir en milieu rural la conduit aussi à s’interroger sur son propre vieillissement. Au micro de "La Libre antenne" sur Europe 1, Isabelle évoque les difficultés rencontrées au sujet du vieillissement de ses parents à la campagne.

"J’ai 58 ans et j’ai la chance d’avoir encore mes deux parents, qui ont 86 et 84 ans. On est très éloignés parce que je vis et travaille dans les DOM-TOM. Je vais les voir deux fois par an, je reste presque deux mois tous les ans. Entre les deux voyages, de longs mois se passent. On s’appelle toutes les semaines, on a de bonnes relations. On essaye de partager le meilleur malgré la distance. Ils veulent me protéger de leur vieillissement. 

" Ils habitent dans un désert français "

À ces âges-là, chaque visite amène une évolution et un questionnement parce qu’ils habitent en milieu rural, dans un désert français, au fin fond du Limousin. Le premier médecin est à cinq kilomètres. Au moment de la retraite, ils ont décidé de vivre là et d’équiper cette maison. C’est un choix qu’ils ont fait. On le fait sciemment quand on a 60 ans, mais on ne sait pas toujours ce qui nous attend.

On est à un stade où les choses se compliquent, avec des fragilités de part et d’autre. Ils équilibrent leurs déséquilibres, mais c’est très fragile. Cela fait quelques temps que je fais des démarches pour essayer de trouver des solutions pour qu’on ne soit pas pris à la gorge par une situation d’urgence. Je suis convaincue qu’ils ont encore de belles années devant eux, mais il faut qu’on arrive à aménager les choses pour qu’ils ne s’épuisent pas trop.

" Ce ne sont pas des gens qui appellent au secours "

Mon papa a toujours aimé les chevaux, il a quatre juments. Son plaisir, c’était de s’en occuper. C’est très compliqué de les soigner. Il faut prendre la voiture et amener de l’eau tous les jours. Physiquement, il est encore en forme, mais au niveau cognitif, les choses se dégradent. Depuis quelques mois, je mets des annonces sur Le Bon Coin pour vendre les juments. On en a beaucoup parlé et on a passé un accord. Il est en phase avec le sujet. On a aucune idée des effets le jour où elles partiront. Si une jument pouvait rester, ça permettrait une transition affective.

Je me renseigne auprès d’associations d’aide à la personne pour les accompagner. C’est une génération qui a du vécu, qui a surmonté des épreuves. Ce ne sont pas des gens qui appellent au secours. L’idée, ce n’est pas de leur imposer les choses. On veut les garder le plus longtemps possible dans ces conditions-là, s’ils acceptent que des gens viennent leur donner un coup de main. Ma mère est très lucide, c’est le physique qui bloque. Avec mon père, on n’en parle pas directement, on fait passer des messages en le taquinant.

On a des liens vraiment très forts. Ce sont des étapes de la vie qui créent beaucoup d’émotions et de bouleversements pour les enfants. C’est fort de voir plus faibles les grands-parents qu’on a connus autrement. Tous les gens de ma génération sont confrontés à la question de l’accompagnement de nos parents. Ça questionne notre propre vieillissement. Ça oblige à comprendre que l’on n’est pas immortel. On a de la chance, cela fait 25 ans que mes parents sont à la retraite. Avant les gens étaient à peine à la retraite qu’ils mourraient.

Dans certaines maisons de retraite, il n’y a même pas de jardin. C’est terrible, personne ne s’imagine y vivre. Je pense qu’en matière d’habitat et d’aménagement du territoire, il faut tout repenser. Moi, je ne resterai sûrement pas à la campagne, même si je peux marcher et être dans la nature. Je ne m’imagine pas non plus vivre dans une grande ville, à respirer de l’air pollué, même s’il y a les prestations et les commerçants à portée de main. Il faut trouver un compromis."