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Louise Sallé , modifié à
Alors que les "séjours de cohésion" du service national universel (SNU) démarrent ce dimanche pour l'année 2022, l'Éducation nationale se heurte à une difficulté de recrutement de personnels qualifiés pour accompagner un objectif de 50.000 jeunes participants. Europe 1 a rencontré des intervenants déçus par les contrats précaires proposés.

Les "séjours de cohésion" 2022 du service national universel (SNU) commencent ce dimanche. La secrétaire d’Etat chargée de la Jeunesse, Sarah El Haïry, visite pour l’occasion un centre à La Turballe, en Loire-Atlantique. Pendant les vacances de février, ce sont, en tout, 3.000 volontaires âgés de 15 à 17 ans, qui participent à ces séjours organisés par l’Etat pendant deux semaines, sur les valeurs de la République.

Sur toute l’année, le ministère de l’Éducation nationale vise 50.000 participants, contre 15.000 en 2021. Un objectif qui vise à déployer le dispositif à grande échelle, en vue de le rendre obligatoire d’ici 2023 pour l'ensemble des jeunes âgés de 16 ans. Mais ce chiffre de 50.000 paraît inatteignable, en raison du manque de personnels qualifiés désirant encadrer ces séjours.

 

Les diplômés Bafa, la perle rare 

Myriam* est coordinatrice régionale pour le service national universel. Cette année, elle avait pour consigne d’accueillir 700 jeunes pendant les vacances de février, dans sa région. Mais elle n’en n’attend finalement que 220. "On est ric-rac pour février en termes de personnel, je ne sais absolument pas comment on va pouvoir tenir nos objectifs pour l’été, on n’y arrivera pas", explique-t-elle au micro d'Europe 1. "On ne s’en donne pas assez les moyens. C’est dommage, on se retrouve dans l’incapacité technique d’organiser des activités de qualité, bien encadrées. Il faudrait installer une vraie culture professionnelle, avec des contrats stables."

Le SNU peine, en effet, à recruter des animateurs qualifiés. Les diplômés du Bafa (brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur) ne courent pas les rues, beaucoup de formations ayant été supprimées depuis le début de la pandémie. La loi exige pourtant, pour chaque séjour de mineurs, un nombre minimum d’encadrants qualifiés dans l’animation. Une part de 20% de l’équipe, au maximum, est autorisée à ne posséder aucun diplôme spécifique. Mais ce taux est loin d’être respecté par le SNU, tant le recrutement des animateurs est compliqué.

"J’ai été payé 1,50€ l’heure", déclare un ex-animateur du SNU

En 2022, les embauches risquent d’être encore plus problématiques qu’en 2021. Plusieurs encadrants, recrutés l’été dernier, ne souhaitent plus recommencer. Les séjours SNU ont désormais mauvaise presse, en raison des mauvaises conditions de rémunération, inférieures aux autres colonies de vacances proposées sur le marché.

Guilhem Marcellin est ex-directeur adjoint d’un centre SNU dans l’Aude, pour lequel il a travaillé du 1er mars au 8 juillet 2021. Il a ouvert un contentieux contre l’Éducation nationale pour se plaindre de sa rémunération. "J’ai été payé 4.200 euros, soit 1,50 euro l’heure", déplore-t-il sur Europe 1. "L’Etat ne respecte rien, dans mon équipe on avait 60% d’animateurs non diplômés ce qui n’est pas légal", poursuit cet animateur de profession. "Pourtant j’adore le concept, des séjours gratuits pour des jeunes de tous milieux qui se rencontrent, c’est une belle idée… Mais il faut faire ça bien", regrette-t-il.

Les organisateurs du SNU "ric rac" pour février

Olivier*, est, lui, fonctionnaire de l’Éducation nationale. Encadrant SNU en juillet dernier, il a reçu sa paie cinq mois plus tard. Résultat des courses : 800 euros, pour 31 jours travaillés. "Je n’ai pas du tout été payé à la hauteur de mon investissement", commente-t-il au micro d'Europe 1. "68 euros par jour, en brut, pour 12 jours alors que j’ai été mobilisé en tout 31 jours en comptant les repos et la formation… Et pour des journées où l’on travaille non stop entre 6 heures et minuit”, poursuit le fonctionnaire.

"Ce traitement est en totale distorsion avec les valeurs qu’on transmet lors du séjour, et le modèle d’exemplarité qu’on enseigne aux jeunes", ajoute-t-il, avant de conclure : "Le contrat n’étant pas très clair dans le recrutement des personnels, tout ça qui risque de se reposer cette année”. Les organisateurs du SNU, déjà "ric ra" pour les vacances de février selon des témoignages, craignent de ne trouver personne pour les séjours estivaux annoncés. Avec ou sans BAFA.

*l’identité de ces personnes a été modifiée, pour préserver leur anonymat.