Secrets de famille : trois questions pour comprendre ces non-dits qui nous plombent

  • Copié
Solène Delinger , modifié à
Ils se transmettent sans mot, de génération en génération et engendrent un lourd héritage inconscient. Plus ou moins lourds, les secrets de famille ont des conséquences sur ceux qui les portent, mais aussi ceux qui les ignorent, comme les enfants. Invitée de "Bienfait pour vous" sur Europe 1, Yvonne Poncet-Bonissol, psychologue clinicienne et spécialiste des relations familiales, lève le voile sur ces silences qui gâchent notre existence.
DÉCRYPTAGE

Plus ou moins lourds et pesants, les secrets de famille hantent la vie de ceux qui les cachent, mais aussi de ceux qui les ignorent, comme les enfants. Véritable bombe à retardement, ces non-dits peuvent générer des traumatismes, à moins d'être révélés à temps. Invitée de Bienfait pour vous sur Europe 1, Yvonne Poncet-Bonissol, psychologue clinicienne et spécialiste des relations familiales, lève le voile sur ces mystères et donne des clés pour s'en libérer.   

Qu'est-ce qu'un secret de famille ? 

Le secret est une vérité ou une réalité masquée et non dite. On fabrique un secret pour sauvegarder la façade et l'harmonie familiale. Donc, pour construire un secret, il faut trois générations. La première génération vit ce traumatisme et le cache. Ensuite, la deuxième génération sent confusément qu'il y a quelque chose. Mais ça devient déjà un peu innommable. La troisième génération est celle où les symptômes peuvent s'installer. Ces symptômes sont divers avec, notamment, des angoisses inexpliquées, des prises de poids, des doutes, des TOC parfois. Pourquoi des TOC ? Parce qu'ils sont la maladie de la vérification. On a envie d'aller vérifier si on n'a pas quelque chose de caché. 

Quels sont ces secrets ? 

Les secrets de famille portent sur tout ce qui est de l'ordre de la honte, tout ce qu'on doit masquer : les mœurs, les revers de fortune (licenciement, perte d’argent…) les secrets liés à l’histoire (la collaboration, la déportation, la guerre d’Algérie…), la mort (suicide, meurtre…), les maladies, les liens de filiation (enfant né de liaison extra-conjugale, procréation avec donneur…), les secrets liés à des traumatismes (viol, inceste…).

La filiation et les origines sont très souvent au cœur de lourds secrets de famille : par exemple, on a du mal à dire à l'enfant qu'il est né d'un don d'ovocytes ou d'un don de sperme. Certains secrets de famille nourrissent notre inconscient familial. Dans ces cas précis, il faut absolument les révéler. Sinon, on a l'impression d'être dans une inquiétante étrangeté et de ne pas être totalement complet. 

Comment les révéler ? 

Il est nécessaire de révéler les secrets de famille. "Ce que l’on ne met pas en mots, s’imprime et s’exprime par des maux", écrivait la psychologue Anne Ancelin Schützenberger, célèbre pour ses recherches sur la psychogénéalogie. Vivre avec un tel poids entraîne des douleurs inexpliquées et beaucoup de stress. Mais avant de se jeter à l'eau, il vaut mieux réfléchir et préparer, car un secret de famille ne se révèle pas du jour au lendemain. Il ne faut surtout pas le dire de façon brutale, sous le coup de l'émotion. La révélation doit, d'une certaine manière être "scénarisée".

C'est-à-dire qu'on prépare le terrain, on donne des indices et/ou on en parle à un tiers. Il faut que la révélation du secret ait du sens : il ne s'agit pas de dire à enfant "je ne suis pas ta mère" du jour au lendemain, sans aucun contexte. Celui ou celle qui veut révéler un lourd secret peut se faire aider par des psychologues ou des psychothérapeutes pour l'aider à trouver les mots justes.