Sans-papiers, Nonon est en couple avec Jessica : "On a eu un coup de foudre, un vrai"

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Léa Beaudufe-Hamelin , modifié à
Nonon a fui la guerre civile en République démocratique du Congo et est venu demander l’asile en France, où il a rencontré Jessica. Le couple confie à Olivier Delacroix que la situation irrégulière de Nonon crée des tensions entre eux, notamment parce qu’ils vivent dans l’angoisse que Nonon soit expulsé.
TÉMOIGNAGE

Jessica et Nonon forment un couple mixte. Malgré leur amour, le couple est éprouvé par la situation irrégulière de Nonon. Ce dernier est demandeur d’asile en France depuis qu’il a fui la guerre civile en République démocratique du Congo. Le couple confie vivre dans l’angoisse que Nonon soit expulsé, surtout après qu’il a été arrêté et placé dans un centre de rétention. Jessica et Nonon racontent leur histoire d’amour à Olivier Delacroix et expliquent pourquoi ils font le choix de ne pas se marier.   

Jessica raconte sa rencontre avec Nonon et leur coup de foudre : "On s’est rencontrés à Lyon pendant le concert de Shakira en novembre 2010. J'habitais là-bas avant. On a eu un coup de foudre. Un vrai. Je ne lui ai pas tout de suite dit parce que j’ai de la fierté." Nonon poursuit : "À la sortie, on a échangé nos numéros et on a commencé à s’appeler. Elle était célibataire et moi aussi. C’est là où l'histoire a commencé."

Nonon évoque sa peur première de révéler à Jessica sa situation : "J'avais peur parce qu’il y a des femmes qui se barrent directement. On peut se dire qu’on n’aime que par intérêt, mais ce n'est pas le but. Un sans-papiers a aussi droit à l’amour. C'est ça qui est important." Jessica avait toutefois compris que Nonon n’avait pas de papiers : "Je m’en étais doutée, mais je n'osais pas lui demander. Ça m'a donné la rage. Je lui ai dit que j’étais capable de tout et que rien ne me faisait peur. Il les aura ses papiers et on concrétisera notre histoire."

" Un couple mixte, ce sont des montagnes russes "

Jessica se livre sur l’impact que la situation irrégulière de son compagnon a sur leur couple : "Je ne comprends pas toujours son comportement. Il y a malheureusement beaucoup de tensions dans notre couple. On est déjà très différents à la base. Je suis très extravertie, il est très introverti. On a deux cultures différentes. J'ai une culture européenne et lui, une culture africaine. Même s’il avait des papiers, on aurait des difficultés de compréhension. Un couple mixte, ce sont des montagnes russes. Je fais des choses qui le choquent, et inversement. Plusieurs fois, j'ai fait du mal à Nonon sans m'en rendre compte."

Jessica confie surtout vivre dans l’angoisse que Nonon soit arrêté : "Si je pouvais l'enfermer dans un appartement et lui faire de bons petits plats, je le ferais. Je suis sans arrêt en train de lui dire : ‘Ne sors pas, fais attention, on ne va pas avec tes copains’. Ça l'étouffe. Je deviens étouffante et ça crée des conflits sans fin. On n'est déjà pas dans une situation simple et en plus, on est dans une situation conflictuelle. Rien n’est simple."

" Je ne savais même pas ce qu'était un centre de rétention "

Si Jessica est si angoissée, c’est parce que Nonon a déjà été arrêté et placé dans un centre de rétention : "Je ne savais même pas ce qu'était un centre de rétention. Je ne comprenais pas ce qui se passait. En plus, j'étais à Strasbourg ce jour-là. Tout s'est arrêté. Je me suis dit que c’était un cauchemar et que j’allais me réveiller. Il n'avait rien fait de mal. Je ne m'étais pas vraiment intéressée aux lois françaises. J’ai tendance à vivre dans un dessin animé où tout est beau. 

Pour moi, ça ne pouvait pas lui arriver parce que il n'a jamais rien fait de mal. On arrête les gens qui posent un souci, pas les gens qui veulent s'en sortir, qui sont là pour travailler, s'investir et s'intégrer. Donc, je n’ai pas compris. Je suis allée le voir le jour même. J’ai vite compris que c'était une prison parce qu'on m'a fouillée et on avait 20 minutes pour se voir dans un parloir. J’ai vraiment compris que c'était grave. 

On se sent impuissant parce qu'on ne peut rien faire. La seule chance qu'on a eue, c'est qu’on est tombés sur une équipe de policiers très humains. Au fil des jours, ils ont vite compris que Nonon était vraiment quelqu'un de bon, d'honnête et de simple. Il se démarquait parce qu'ils ont pris le temps de parler avec nous. Dans les centres de rétention, il n'y a pas forcément que des gens bien. Il y a des gens très agressifs. Ce qui m'a le plus choquée, c'est que quand je l'ai eu au téléphone, il y avait des hurlements autour de lui. Il a vu une femme qui voulait se suicider."

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Nonon raconte la façon dont il a vécu cet événement : "C'était terrible parce que c'était la première fois que j’étais emprisonné. Je me disais que pour moi, la vie était terminée. Je me disais que j’avais des problèmes chez moi et qu’en arrivant là-bas, je serais encore en prison. Et là-bas, c'est pire qu'ici. J'ai déjà perdu un frère dans mon pays. Ça allait être pareil pour moi." "Il a vu son frère se faire assassiner. Dans son dos, il a de grandes cicatrices. Ce sont des coups de fouet que lui ont donné des policiers" précise sa compagne.

Elle poursuit : "Je n'avais jamais vu Nonon craquer, parce que c'est quelqu'un de très dur qui ne montre rien. Quand je l'ai entendu pleurer, le ciel m'est tombé sur la tête et j'ai compris que c'était grave. Je lui ai dit : ‘Ce qui t’arrive est grave, mais ça ne change rien à notre amour. Au contraire, ça va le renforcer.’ Je suis fière. Quand j'allais au centre de rétention, il fallait que je sois la plus belle et que je ne me laisse pas aller.

" Aimer quelqu’un qui n'a pas de papiers, c'est interdit "

Je lui apportais des gâteaux. On a créé un relationnel avec les policiers qui m’ont dit : ‘Vous êtes formidables tous les deux. On adore Nonon. Sa place n'est pas ici.’ Je lui ai dit que s'il fallait aller jusqu'à l'aéroport pendant la procédure d'expulsion, négocier avec tous les passagers, parler au commandant de bord ou prendre un congé sans solde, je le ferais. Je suis capable de tout par amour."  "Elle s'est battue à fond. Elle a un grand cœur. Tout le monde n’aurait pas fait ça. J'ai compris qu'elle m'aimait vraiment. Ça m'a vraiment touché" confie Nonon.

Jessica reprend : "Je l’ai aussi fait pour moi parce que c'est de mon couple dont on parle. Je ne suis pas une association humanitaire. Je ne suis pas en train d'aider quelqu'un. Je suis en train de sauver mon amour. C’était trop dur à vivre parce que je déteste l'injustice. Je me suis sentie coupable d’aimer quelqu’un. Apparemment, aimer quelqu’un qui n'a pas de papiers, c'est interdit en France. L'amour n'a pas de couleur et pas de prix. On fait ce qu'on veut."

" On ne veut pas tomber dans le schéma classique des mariages blancs "

Le couple fait le choix de ne pas se marier. Jessica explique pourquoi : "C'est nul de faire un mariage précipité pour que le dossier avance plus vite. On ne veut pas tomber dans le schéma classique des mariages blancs. On reste dignes. On est des êtres humains et on n'a rien fait de mal." Pour Nonon, leur histoire est compliquée : "Je ne suis pas libre. J'ai envie de sortir avec Jessica, mais je ne peux pas parce qu’à tout moment, ils peuvent venir me chercher. Peut-être que Jessica ne me reverra plus et je sais que ça va déranger sa vie."

Jessica confie être touchée par les mots de Nonon : "Il ne me l'avait jamais dit. J’ai compris beaucoup de choses qui m'ont fait du bien. On peut vite le prendre pour un manque d'amour. On a l'impression de ne pas être aimée. Dans un couple, c'est déjà compliqué d'avoir des preuves d'amour. Alors si en plus, il faut le prouver à la justice… Même avec la meilleure volonté du monde, on ne peut pas faire de projets. Je deviens quoi s’il est expulsé ? Je me suis fait une raison. Je vis au jour le jour. C'est comme ça."

Malgré leur amour, le couple n’a pas résisté et s’est finalement séparé.