Sa fille accuse des collégiens de l'avoir violée : "Ils n’ont jamais été condamnés"

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Léa Beaudufe-Hamelin , modifié à
La fille de Patrice dit avoir été violée par des collégiens à l’âge de 12 ans. Après que cette dernière se soit confiée à ses parents, ils ont entamé de longues procédures judiciaires. Au micro d’Olivier Delacroix, sur "La Libre antenne", Patrice retrace l’histoire douloureuse de sa fille et leur combat judiciaire.
TÉMOIGNAGE

Lorsqu’elle était âgée de 12 ans, la fille de Patrice dit avoir subi des viols à répétition commis par des élèves de son collège. Lisa a mis du temps avant de se confier à ses parents qui voyaient son comportement et sa santé mentale se dégrader. C’en est suivi un long combat judiciaire, mais les agresseurs n’ont pas été condamnés. Au micro de "La Libre antenne", sur Europe 1, Patrice raconte à Olivier Delacroix l’histoire douloureuse de sa fille et leur combat avec la justice.

"L’histoire débute en 2001. Je suis père de trois enfants, un garçon et deux filles. Maxence a alors presque 20 ans, Marion a 16 ans et Lisa a 12 ans. C’est donc une préadolescente. Elle va subir des viols à répétition commis par des élèves du même établissement qu’elle et d’un établissement voisin. Cette affaire va durer plusieurs années.

À partir de 2001, pendant son année de cinquième, mon épouse va s’apercevoir qu’un certain nombre de choses se dégradent et que des signes inquiétants se manifestent. On parle de moins en moins du collège. Elle préfère s’éloigner du sujet. Le travail scolaire se détériore, surtout en maths. Parallèlement à cette situation, l’infirmière et l’assistante sociale du collège nous appellent pour que nous venions la chercher. L’on découvre que ma fille se réfugie à l’infirmerie. D’après l’infirmière, elle a des angoisses, elle a mal au ventre et c’est parfois suivi de pleurs. Ça va durer pendant quelques semaines. Elle nous appelait deux fois dans la semaine parfois.

" C’était évident que quelque chose se passait dans l’établissement "

Au fur à mesure, les choses se corsent. Un jour mon épouse retrousse la manche de ma fille et voit des bleus. Son sommeil est de plus en plus agité. Elle a des saignements de nez. Un jour, on découvre une scarification. En tant que parents, ce qui nous intrigue, c’est que les seuls liens que nous avons avec le collège, c’est avec l’infirmière et l’assistante sociale. L’administration se montre extrêmement discrète. Les vacances arrivent et se passent assez mal. Elle tente une fois de s’échapper. Elle rejette tout le monde sans explications.

Les maux reprennent dès la rentrée. Pour nous, c’était évident que quelque chose se passait dans l’établissement. On nous rapporte une agression verbale. Pour nous c’est une angoisse, on ne sait pas exactement ce qu’il se passe. L’infirmière et l’assistante sociale nous reconvoquent. Elles craignent la possibilité d’un passage à l’acte, c’est-à-dire le suicide. L’administration reste muette, malgré notre insistance pour rencontrer des professeurs. Quand on lui pose des questions, Lisa ne répond pas. Elle se renferme sur elle. Elle ne veut rien dire.

" Elle était dans une phase dépressive assez grave "

À un moment donné, on décide de consulter un psychologue. Lisa rejette systématiquement les psychologues. Elle a finalement été hospitalisée au centre médico-psychologique, parce que le pédopsychiatre a considéré qu’elle était dans une phase dépressive assez grave qui nécessitait des soins. Après cette hospitalisation, l’école a senti que quelque chose de grave se passait, mais qui allait à l’encontre de leur intérêt. Nous sommes maintenant en 2002, en période électorale avec les élections législatives. Le directeur du collège est le suppléant du député.

Le directeur nous convoque et nous dit : "Votre fille est devenue ingérable, je ne peux plus la garder". C’est à ce moment-là que Lisa reconnaît qu’un garçon l’embête. C’est la première fois qu’elle se confie à sa maman. On est à l’écoute. On décide de l’accompagner le matin et d’aller la chercher le soir pour surveiller. Je vois un jour ma Lisa très fermement entourée par six garçons. Je l’ai sentie absente du groupe. Chez moi, ça a été un déclic. Ils m’ont regardé et sont partis à toute vitesse.

" Elle avait fait une tentative de suicide "

Mon épouse et moi n’hésitons plus, nous allons faire un dépôt de plainte. Nous avons deviné avec les phrases hachées de Lisa que ça se passait dans des lieux publics. Très rapidement les policiers vont intervenir à l’école puisque le leader va être mis en garde à vue. Ma fille est allée définitivement au centre médico-psychologique pour être aidée. La police l’a convoquée deux fois, mais nous n’avons pas été informés correctement. Elle s’est trouvée à 13 ans seule devant une policière.

Elle n’était plus à la maison. Elle était coupée de nous. Elle avait reçu l’autorisation de passer un weekend à la maison. On s’est absentés trois quarts d’heure. Quand nous sommes rentrés, elle avait fait une tentative de suicide en ingérant des médicaments. Le procureur va s’en mêler. Le bilan de cette enquête dit qu’il n’y a pas de charges et qu’ils classent l’affaire. Ma fille entre dans un état effroyable parce qu’elle ne l’accepte pas. Nous faisons appel parce qu’on ne peut pas ne pas bouger.

C’est une juge d’instruction qui va se charger du dossier. L’instruction va durer plus de trois ans. Les conclusions de l’expert judiciaire sont favorables à Lisa. Il n’y a pas à douter que notre fille a été le jouet de jeunes agresseurs. Le leader l’a reconnu, mais a dit que c’était sa petite amie et qu’il n’y avait pas de raisons de ne pas partager. C’est monstrueux, mais ça s’est passé comme ça. Après les différentes confrontations, la juge d’instruction a rendu son verdict qui était du même acabit que le précédent, disant qu’elle n’avait pas subi de contraintes.

Ma fille était encore dans un état déplorable en l’apprenant. J’ai fait appel auprès du président de la chambre de l’instruction. Tout cela pour arriver au même classement vertical. Les agresseurs n’ont jamais été condamnés. Lisa a changé d’école et nous avons déménagé. J’ai écrit un livre, parce que je n’ai pas supporté cette conclusion. Aujourd’hui, ma fille va beaucoup mieux. Elle s’est reconstruite. Nous avons toujours été à ses côtés. Ma fille a 31 ans et a deux petits garçons. Je suis admiratif de son combat personnel."