Le porte-hélicoptères Mistral peut embarquer 600 personnes à son bord. 7:14
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Théo Maneval, édité par
Un reporter d'Europe 1 a eu le privilège de passer deux jours à bord du Mistral, l'imposant porte-hélicoptère français. Retrouvez le récit de sa plongée dans le quotidien des marins.
REPORTAGE

Parmi tous les corps de l'armée française qui vont défiler sur les Champs-Élysées dimanche pour le 14-Juillet, 68 marins du porte-hélicoptères Mistral seront à l'honneur. Moins connu que le porte-avions Charles de Gaulle, il s'agit pourtant d'un des plus imposants navires de la Marine Nationale. C'est un bâtiment de 200 mètres de long, qui peut accueillir jusqu'à 600 personnes, pour des missions en mer allant jusqu'à 6 mois. Europe 1 a pu embarquer pendant deux jours à bord. Récit de notre plongée dans le quotidien millimétré d'un porte-hélicoptères de l'armée française.

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© Théo Maneval / Europe 1

Entraînement en conditions réelles

Le porte-hélicoptères amphibies (PHA) Mistral s'élève, immense, au-dessus de la mer. 200 mètres de long, 57 de haut, plus de 20.000 tonnes : une vraie forteresse flottante. Une silhouette grise au-dessus de laquelle tournoient jusqu'à six hélicoptères à la fois au-dessus du pont d'envol. Le Mistral est présenté par l'armée française comme un navire conçu "pour agir loin, et longtemps". Ils sont 200 marins à bord, à temps plein, avec un quotidien rythmé par le clairon. Et par le bruit incessant des bottes qui claquent sur les marches des escaliers métalliques qui relient les 14 étages. Les marins les montent et les descendent à la cadence des exercices et des annonces radio.

Ce matin trois hélicoptères survolent le pont. L'enseigne de vaisseau Adrien supervise leur entrainement. "Aujourd'hui, nous avons deux Tigre et une Gazelle. Ils enchaînent les appontages pour s'entraîner à la maniabilité. Poser un hélicoptère sur un aéroport standard, c'est simple. Sur un bateau en mouvement, avec du vent et le tangage, forcément, ça devient un peu plus sportif", explique-t-il.  

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© Théo Maneval / Europe 1

Et pour être prêt à se poser en toutes circonstances, les pilotes enchaînent les manœuvres avec des handicaps : simulation d'une panne, avec un moteur en moins par exemple. L'exercice est pris très au sérieux par l'équipage. "Là on a une urgence, un hélicoptère avec un problème technique. Il va venir se poser et il y a de fortes chances pour que ça ne se passe pas bien. Donc on se prépare à un crash", raconte un officier. "On a mis les véhicules d'intervention vers l'avant pour qu'ils soient protégés en cas de crash. Si besoin est, ils viennent ensuite pour éteindre l'incendie." Cet exercice a été mené de concert avec l'armée de l'air et ses pilotes, pour préparer au mieux la coordination entre les armées, indispensable lors des missions menées ensemble.

Missions à haut risque

Le Mistral a par exemple été déployé au large de la Libye, en 2011, pour servir de base au déclenchement de frappes aériennes. Mais ses missions sont multiples : évacuation de populations en cas de guerre ou de catastrophe naturelle et surtout un positionnement régulier en Afrique, au large du Golfe de Guinée. "La mission du Mistral est de contribuer à la sécurité maritime dans cette zone stratégique. Ça veut dire être capable de travailler avec les autres marines pour détecter un potentiel navire suspect, par exemple de pêche illicite. On s'entraîne aussi à la lutte contre la piraterie", liste le commandant Vincent Sébastien.

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© Théo Maneval / Europe 1

Et qui dit potentielle interception de navires contrevenants, dit exercice au maniement des armes. De chaque côté du pont d'envol, le Mistral est équipé, entre autres, de deux mitrailleuses. Gilet-pare balles sur le dos et casque sur la tête, c'est l'enseigne de vaisseau Thomas, l'artilleur du navire, qui est aux commandes. Aujourd'hui les cibles sont des ballons, de couleur rouge, lancés à l'eau à plus de 200 mètres de distance. Mais demain, ce sera peut-être un navire hostile. "On va faire une simulation de tir de police. C'est un tir qui nous permet d’arraisonner un bâtiment qu'on suspecte de mener des trafics illégaux. Lorsqu’on va tenter de l'interroger, il est possible qu'il refuse de s'arrêter. Donc on tire d'abord pour l'intimider puis on tire au but en cas de refus d'obtempérer", détaille l'artilleur.

Une ville sur l'eau

Pendant ce temps dans les coursives, l'ambiance est plus feutrée. Ceux dont c'est le tour de ménage passent le balais, en musique pour se motiver. Et après l’enchaînement d'exercices et la débauche d'énergie, il faut bien recharger les batteries ! Allez, il est l'heure de passer en cuisine. C'est l'un des cœurs du porte-hélicoptère. Dans la réserve, les palettes de vivres s'empilent sur plusieurs mètres de haut quand il faut servir 600 personnes sur plusieurs mois !

"Là, on a des légumes, des fruits au sirop, des produits à longue conservation, du riz, des pâtes, des fonds de sauce", énumère le chef, le premier-maître Fabrice. "On a une boulangère à bord qui produit du pain pour le midi, le soir, les sandwichs, etc." Et ladite boulangère a, littéralement, du pain sur la planche : "On sort environ 700 à 750 baguettes par jour vu qu'on est un peu plus de 500 à bord". Le chef enchaîne : "dans la Marine, on a une tradition : tous les jeudis, il y a un beau menu. Le prochain, c'est couscous royal ! Mais on a aussi des menus de régime pour les personnes en surpoids. Les médecins demandent à ce qu'on leur fasse des salades".

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© Théo Maneval / Europe 1

Et les médecins, justement, c'est un autre métier-clé, pour la diététique, mais surtout quand on part en opération militaire. Un étage plus haut, le Mistral est carrément doté de son propre hôpital, équivalent à celui d'une ville de 10.000 habitants. "Ici, on trouve un laboratoire, un cabinet dentaire, une soute à pharmacie. On a de quoi tenir cinq mois", explique Léa, premier-maître et infirmière du Mistral. "En salle de réanimation, on a sept lits d'urgence. Elle donne sur deux blocs opératoires. Ça sert notamment quand on fait des évacuations de ressortissants français. On a aussi eu un civil qui avait fait un infarctus et qu'on a pris en charge comme un membre de l'équipage."

Rester affûté jusqu'à la prochain mission

Et pendant que l'on poursuit la visite, les exercices ont repris : embarquement et débarquement de blindés de l'armée de Terre. Le Mistral peut en accueillir jusqu'à 110 ! Et quand la journée semble sur le point de se terminer, à 17h, ça n'est pas encore le cas. Les volontaires ont rendez-vous dans le hangar à hélicoptères pour… un cours de sport : abdos, pompes, gainage et attention c'est intensif ! "On a une heure de séance type crossfit. Il faut aimer se faire mal", confirme, essoufflé, un des marins. "Le moniteur est extrêmement sportif. Il nous amène à nous dépasser et ça fait du bien, ça participe directement à notre état de marins combattants."

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© Théo Maneval / Europe 1

Arrive enfin le début de la soirée. Avant le repas, un point sur le programme à venir pour le lendemain, l'état des vivres et du carburant à bord. Bientôt le temps pour nous de débarquer : le port de Toulon est en vue. Notre mastodonte de 200 mètres de long et 32 mètres de large y pénètre, lentement. Silence et concentration dans la passerelle, autour du commandant. Ça y est les aussières sont en place, le navire bien amarré au quai. Cet après-midi 68 de ses marins descendront les Champs-Élysées. Nul doute qu'à bord leurs compagnons d'équipage ne manqueront pas une miette du défilé.