Les forêts d'Ile-de-France sont particulièrement touchées par ce fléau. Photo d'illustration. 1:31
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Pierre Herbulot avec Antoine Terrel , modifié à
Un tiers des châtaigniers d'Île-de-France sont touchés par la maladie de l'encre. Incurable, ce mal, qui resurgit à cause du réchauffement climatique, contraint l'Office national des forêts à abattre au moins 250 hectares d'arbres dans la région. Ils seront remplacés par des chênes, des cèdres, ou encore des merisiers.
DÉCRYPTAGE

C'est un mal sans pitié qui s'attaque aux forêts d'Île-de-France. Favorisée par le réchauffement climatique, la maladie de l'encre touche actuellement un tiers des châtaigniers de la région. Pouvant désormais cartographier les zones les plus touchées grâce à des images satellites, l'Office national des forêts (ONF) n'a pas d'autre choix que de couper les arbres touchés, et 250 hectares doivent par exemple être abattus dans l'ouest parisien, notamment dans la forêt de Montmorency.

"On a l'impression qu'on est en train de saccager la forêt"

Dans cette forêt francilienne, des troncs sont entassés sur le bord d'un chemin. Une machine dépose les dernières cargaisons de bois mort sous les yeux stupéfaits des promeneurs, qui ne reconnaissent plus leur forêt. "C'est impressionnant parce qu'avant, quand on passait dans cette allée, c'était assez sombre et assez touffu. Et là, maintenant, c'est très clairsemé... C'est un peu désolant", confie, attristée, une promeneuse. "On a l'impression qu'on est en train de saccager la forêt (...) Ça fait vraiment mal au cœur. Personne ne comprend exactement ce qui se passe."

Mais si les châtaigniers semblent effectivement en pleine forme, ils sont pourtant bien atteints de la maladie de l'encre, presque invisible à l'œil nu et surtout incurable. "Les coupes, c'est toujours un moment qui fend le coeur", reconnaît auprès d'Europe 1 Michel Beal, le directeur local de l'Office national des forêts, qui évoque "une tempête silencieuse" causée par la maladie. 

"C'est une maladie, une sorte de champignon, qui touche principalement les châtaigniers, et notamment ceux de la forêt de Montmorency", précise de son côté Thierry Cauquelin, de l’Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie de l’Université Aix-Marseille. "Elle se propage par le sol et attaque l'ensemble de l'arbre jusqu'à le faire complètement mourir."

L'impact du réchauffement climatique

Mais comment expliquer que ce phénomène soit si répandu dans nos forêts ? Tout d'abord, les forêts de châtaigniers, souvent monospécifiques (contenant une seule espèce d'arbre), "sont des forêts beaucoup moins résilientes, plus fragiles", explique le spécialiste. Puis, le phénomène "a pris de l'ampleur avec les premiers effets du changement climatique sur des forêts fragiles, avec des sécheresses estivales plus importantes et des hivers plus doux qui ont permis aux champignons de survivre". "Ça a été le petit coup de pouce supplémentaire qui a accéléré le phénomène", conclut-il. 

Chaque arbre sectionné sera remplacé par un autre, plus résistant, assure l'ONF, comme des chênes, des cèdres, ou encore des merisiers. Mais il faudra quelques dizaines d'années pour que la forêt retrouve son éclat. Et inévitablement, ces opérations auront des conséquences non négligeables sur la biodiversité. "Il va y avoir toute une phase un peu critique entre le moment de ces coupes et le remplacement par une chênaie qui va mettre longtemps à s'installer", confirme Thierry Cauquelin. "À ce moment-là, évidemment, ça va être critique, notamment pour le sol et pour sa biodiversité."