Pourquoi Paris est-t-elle considérée comme la capitale des espions ?

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Manon Bernard

Dans les rues parisiennes se cachent des milliers d'espions qui se croisent chaque jour. Dans un numéro hors-série, "Le Parisien" se penche sur l'histoire des grands agents secrets et leurs relations avec la capitale française. Pour décrypter ces anecdotes sur le renseignement, Bruno Fuligni, historien et collaborateur dans ce numéro, était l'invité de "Culture-Médias" sur Europe 1, mercredi.

Paris et ses rues étroites, ses immeubles haussmanniens, sa foule compacte qui traverse qui la traverse chaque jour… et ses espions. La capitale française est en effet un endroit idéal pour les agents secrets qui souhaitent se cacher et récolter toutes sortes d'informations. À l'occasion de la sortie du hors-série du Parisien "Le Paris des espions et des agents secrets" en partenariat avec Europe 1, l'historien Bruno Fuligni, l'un des contributeurs de ce numéro spécial, était invité pour en discuter dans l'émission Culture-Médias

Paris, un "merveilleux labyrinthe"

Paris est une capitale. C'est donc logiquement que l'on retrouve en son sein les sièges des services secrets français et les ambassades étrangères. Mais la ville est aussi "cosmopolite", selon Bruno Fuligni, qui considère cela comme un atout "pour dissimuler toutes sortes d'activités clandestines". "Même en venant de très loin, vous pouvez facilement passer inaperçu dans la foule, monter une association, une société qui peut être la berlue, c'est-à-dire le faux-nez d'une organisation clandestine", poursuit-il.

Ainsi, les espions "se croisent et s'entrecroisent aussi bien dans les quartiers chics que dans les quartiers populaires", souligne l'historien. Les rues de la capitale française constituent "un merveilleux labyrinthe avec ses passages couverts, ses immeubles à double entrée, ses grandes gares et ses musées", décrit Bruno Fuligni. Un terrain de jeu rêvé pour les espions qui peuvent se rencontrer discrètement et couper des filatures. L'historien prend l'exemple du cimetière du Père Lachaise où personne ne "va s'intéresser à quelqu'un qui vient s'incliner devant une tombe" pendant un rendez-vous secret.

Tournant pendant la Guerre Froide

C'est aussi à Paris que la Guerre Froide a pris un tournant décisif. En 1983, un officier du renseignement soviétique, Vladimir Vetrov, se rapproche du contre-espionnage français, la DST, l'ancêtre de la DGSI. Il va transmettre près de 3.000 pages de documents aux Français. Son nom de code : "Farewell". Le président Mitterrand, au début de son premier mandat, transmet les informations au président américain Ronald Reagan. L'opération Farewell est un grand succès : elle permet aux Américains de se rendre compte que le bloc de l'Est est technologiquement en retard. 

La Tour Eiffel, "espionne la plus célèbre"

Mais pour Bruno Fuligni, il n'y a pas photo : "L'espionne parisienne la plus célèbre, c'est la Tour Eiffel". Au départ, le célèbre monument parisien est construit pour l'exposition universelle de 1889, mais "elle n'a pas d'utilité particulière", explique l'historien. Elle était même destinée à être détruite en 1909. Mais le renseignement la sauve, grâce à l'officier Gustave Ferrier, passionné de nouvelles technologies. Il fait des essais de transmission de messages sans fil, avec l'aide financière de Gustave Eiffel. Et cela fonctionne. La Tour Eiffel permet même de capter les messages ennemis.

"Au moment de la Grande Guerre, elle va sauver Paris", lance Bruno Fuligni. La Tour Eiffel permet ainsi d'anticiper, voire d'éviter certains bombardements. Il est même possible "d'envoyer en allemand de fausses instructions aux pilotes des zeppelins pour qu'ils larguent leurs bombes dans des champs de betteraves au lieu des quartiers parisiens", ajoute-t-il. Et tout cela est rendu possible grâce à des milliers d'agents qui travaillent dans des souterrains à côté de la Tour.

Cette "véritable fourmilière", comme Bruno Fuligni la surnomme, sert même à l'arrestation de Mata Hari. Espionne lors de la Grande Guerre, Margaretha Geertruida Zelle, de son vrai nom, est une fille de chapelier, née aux Pays-Bas. Au début du XXe siècle, elle se marie et part vivre en Indonésie, une ancienne colonie néerlandaise. Elle y apprend des danses traditionnelles. Lorsqu'elle arrive à Paris, elle va alors user de ses compétences de danseuse pour séduire la haute société parisienne. Progressivement, elle transmet des informations pour le compte des Allemands. Le 13 février 1917, elle est arrêtée et conduite à la prison pour femmes de Saint-Lazare. Mata Hari est ensuite exécutée. Ce qui a confondu l'espionne de son procès était en fait un message qu'elle a envoyé en direction de Berlin. Un message capté par la fameuse Tour Eiffel.