Pourquoi dit-on qu'on "apporte des oranges" lors d'une visite à une personne en prison ?

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Stéphane Bern
Dans "Historiquement Vôtre", Stéphane Bern a toujours le mot de la fin et nous raconte l’histoire d’une locution ou expression. Mardi, il nous explique les origines d''apporter des oranges", utilisé lors d'une visite à une personne en prison ou pour alerter sur un comportement illégal. Pour comprendre, il faut remonter dans le temps, au 19e siècle.

Pourquoi l'expression "apporter des oranges" s'applique-t-elle dans un contexte où l'on rend visite à quelqu'un en prison ? A priori, difficile à dire. Pourtant, la langue française associe ces fruits et l'univers carcéral, notamment pour alerter quelqu'un sur le fait que son comportement estillégal. "Attention, je vais finir par t'apporter des oranges", prévient-on alors. Pour comprendre, il faut remonter à la France du 19e siècle. C'est ce qu'a expliqué Stéphane Bern mardi dans "Historiquement vôtre" sur Europe 1.

L'histoire du sénateur René Béranger

À la fin du 19ème siècle, René Béranger, avocat général à Lyon, député de la Drôme, puis sénateur à vie, était un homme obsédé par la bonne moralité et un farouche opposant à l’émancipation des femmes. Surnommé le "Père la pudeur", il a même été la risée d’un groupe musical appelé "les quatre barbus". Le refrain n'était autre que celui-ci : "Monsieur Béranger, tu nous emmerdes, monsieur Béranger, tu nous fais chier."

C'est dans ce contexte que l'on va retrouver les fameuses oranges. En 1892 a lieu le bal des Quat’z'Arts des élèves des beaux-arts de Paris. À cette fête, Sarah Brown se montre seins nus et déguisée en Cléopâtre. Le sénateur Béranger décide alors de poursuivre les élèves et réclame qu'ils aillent en prison. Un poète du nom de Raoul Ponchon écrit ensuite ces vers : "Ô Sarah Brown ! Si on t’emprisonne, pauvre ange, le dimanche j’irai t’apporter des oranges."

C'est donc de ce poème que provient l’expression encore utilisée aujourd'hui. Pour la petite histoire, le juge décida finalement de ne sanctionner les élève que d'une amende symbolique.