Plan "zéro SDF" : peut-on prendre exemple sur la Finlande ?

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La Finlande est le seul pays d’Europe à avoir réduit le nombre de sans-abri ces huit dernières années. Mais leur modèle est-il applicable en France ? 

Arriver à zéro SDF d’ici cinq ans, c’est possible, selon la Fondation Abbé Pierre (FAP). L’association a présenté lundi un plan pour "en finir avec la vie à la rue", adressé aux candidats à la présidentielle, alors que la trêve hivernale vient de se terminer. "En France, il est possible de mettre fin au scandale des personnes sans domicile, en moins de cinq ans dans les villes petites et moyennes, et moins de dix ans dans les métropoles", affirme la fondation dans un communiqué.

"Ce n'est ni démagogique ni irréalisable. On a les outils pour s'assurer que, si ce n'est zéro, au moins le nombre de SDF devienne marginal. D'autres pays y parviennent, par exemple la Finlande, dont notre programme s'inspire", renchérit Manuel Domergue, directeur des études à la FAP, cité par Le Parisien. Ce n’est pas la première fois que la Finlande est citée en exemple dans sa politique de logement. La France peut-elle vraiment s’en inspirer ? Eléments de réponse.

De 18.000 à 7.500 SDF en Finlande

La Finlande est actuellement le seul pays d’Europe à avoir réussi à diminuer le nombre de sans-abris année après année. De 18.000 SDF il y a huit ans, le pays est passé à moins de 7.000 aujourd’hui, soit 0,14% de la population. À titre de comparaison, la France recense aujourd’hui 143.000 sans domicile fixe, soit 0,21% de sa population.

Pour parvenir à un tel résultat, le gouvernement finlandais a investi pas moins de 240 millions d'euros en huit ans. Son plan, baptisé "Logement d’abord", s’est construit en plusieurs étapes. D’abord, l’Etat a procédé à un vaste recensement statistique pour bien appréhender le phénomène. Ensuite, il a financé ou cofinancé la construction d’environ 30.000 logements sociaux par an, soit environ six logements pour 1.000 habitants, contre moins de deux en France par exemple.

 

Helsinki / JUSSI NOUSIAINEN / LEHTIKUVA / AFP

 

Surtout, l’Etat a imposé un principe simple : réserver des logements aux personnes vivant dans la rue. L’Etat finlandais a en effet décidé de proscrire l’hébergement temporaire : la plupart des centres d’hébergement d'urgence ont été transformés en logement pérennes, devenu la base de la réinsertion sociale. Les SDF se voient offrir une aide sociale les premiers mois pour le loyer. Puis ils sont accompagnés par les services sociaux jusqu’à ce qu’ils retrouvent un emploi et leur autonomie.

Pour ce faire, le gouvernement a confié la gestion du relogement des sans-abri à des associations et aux communes. Charge à ces dernières de garantir que des logements sont réservés aux plus précaires. Au total, au bout de huit ans, l’Etat finlandais assure que cette politique ne lui coûte… rien du tout ! La Finlande avance même faire chaque année des économies de 15.000 euros par SDF relocalisé, en rognant sur les dispositifs d’hébergement d’urgence, sur l’aide médicosociale mais aussi sur la sécurité dans l’espace publique, qui nécessiteraient moins de moyens depuis le début de cette politique.

Ce modèle est-il transposable en France ?

Pour la Fondation Abbé Pierre, il faudrait construire 150.000 logements sociaux par an et trouver un moyen de le réserver aux personnes les plus précaires ai l'on voulait arriver aux mêmes résultats en France. Plutôt que les places d'hébergement d'urgence ou d'hôtels, "inadaptés et coûteux", la fondation – qui n’indique pas le financement de son plan - suggère de favoriser l'accès au logement pérenne, avec un vrai bail. 150.000 logements par an, c’est à peine plus de deux logements pour 1.000 habitants construits chaque année, contre six pour la Finlande.

Les situations ne sont, toutefois, pas tout à fait les mêmes dans les deux pays. A l’époque où elle lançait son grand plan "Logement d’abord", la Finlande connaissait une période d’excédent budgétaire, alors que la France peine aujourd’hui à atteindre son objectif de déficit public à 3% du PIB. La Finlande a, toutefois, vu son déficit public bondir à plus de 3% en 2015, et elle a tout de même décidé de relancer son plan et de réinjecter plus de 75 millions d'euros l'an dernier.

Mais les deux pays ne connaissent pas non plus la même situation démographique : la Finlande a une densité de 18 habitants au kilomètre carré, contre près de 99 pour la France. Certes, une grande partie de la Finlande est non habitable. Mais les Finlandais ont encore de la place : à Helsinki, la plus grande ville du pays, les habitants sont par exemple deux fois moins nombreux qu’à Paris mais se partagent deux fois plus de surface terrestre. C'est un argument de poids, lorsqu'on sait que de nombreux terrains pour construire des logements sociaux ont été gratuitement cédés par les collectivités en Finlande. 

 

Jean-Luc Mélenchon 1280

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La construction massive de logements sociaux, en outre, ne fait pas consensus dans l’Hexagone. Les Français ne seraient que 51% à vouloir construire plus de logements sociaux aujourd’hui, à en croire un sondage Elabe réalisé en avril 2016. Autant de données qui expliquent – en partie – pourquoi les communes se montrent récalcitrantes à construire toujours plus : fin 2016, plus de 1.200 villes de plus de 3.500 habitants ne respectaient pas le quota de 25% de logements sociaux.

D’autant que le nombre de logements sociaux n’est pas le seul critère à prendre en compte. En France, ils représente 17% du parc locatif soit… déjà 1% de plus qu’en Finlande ! Ce qui fait la différence, c’est que la Finlande réserve ces logements aux plus précaires, ce qui n’est pas le cas dans l’Hexagone. Aujourd’hui en France, seul un cinquième des demandeurs aux revenus inférieurs à 500 euros voient leur dossier accepté, selon la Cour des comptes.

Sur ce sujet des critères d’attribution, le consensus semble bien se dessiner. De François Fillon a Jean-Luc Mélenchon, la plupart des candidats à la présidentielle s’accordent pour réserver davantage les logements sociaux aux plus précaires. En revanche, seul Jean-Luc Mélenchon s’engage à un résultat de "zéro SDF" sur le prochain quinquennat. Son plan, qui passe notamment par la construction d’un million de logement public en cinq ans et la création d’une garantie universelle de loyer, est estimé à 18 milliards d’euros, soit 75 fois plus que le plan lancé par la Finlande (dont le PIB est environ 10 fois moins élevé que le nôtre).