Pédocriminalité dans l'Eglise : Jean-Marc Sauvé riposte aux critiques sur son rapport

Jean-Marc Sauvé
Jean-Marc Sauvé a répondu aux critiques formulées sur son rapport (Illustration). © Valentine CHAPUIS / AFP
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avec AFP
Le président de la commission sur la pédocriminalité dans l'Eglise (Ciase), Jean-Marc Sauvé, a répondu à ses détracteurs, leur reprochant au passage d'être "indifférents" aux victimes, après la publication d'un rapport accablant en octobre dernier faisant état de plus de 330.000 victimes de violences sexuelles.

Il contre-attaque, à grand renfort d'expertises : Jean-Marc Sauvé, dont le rapport sur la pédocriminalité dans l'Eglise depuis 1950 avait été vivement mis en cause par des membres de l'Académie catholique, répond à ses détracteurs, leur reprochant au passage d'être "indifférents" aux victimes. Le texte était court mais le message était remonté jusqu'au Vatican : fin novembre, huit des quelque 200 à 250 membres de l'Académie catholique de France, une instance non officielle qui réunit des intellectuels catholiques, avait dénoncé la "méthodologie défaillante", les "carences sérieuses" et les recommandations "discutables" à ses yeux de la commission sur la pédocriminalité dans l'Eglise (Ciase), présidée par Jean-Marc Sauvé.

Des critiques émanant de membres de l'Académie catholique de France

Ce rapport, publié le 5 octobre, a causé une onde de choc en estimant à 330.000 le nombre de personnes ayant fait l'objet de violences sexuelles, quand elles étaient mineures, de la part de clercs, de religieux ou de personnes en lien avec l'Eglise, depuis 1950. Mise à part la famille, le premier foyer de prédation, le rapport fait clairement apparaître une prévalence trois fois plus forte des agressions sexuelles dans l'Eglise que dans l'école publique.

Les critiques émanant de membres de l'Académie, signées notamment par son président Hugues Portelli, professeur émérite à l'université Paris II, avaient contribué à l'annulation de l'audience que la Ciase devait avoir avec le pape François le 9 décembre. Comme il l'avait promis, Jean-Marc Sauvé, en collaboration avec la Ciase, a préparé une "réponse" détaillée de 50 pages, publiée sur le site de la commission mercredi. "Il y avait une impérieuse nécessité de montrer aux fidèles, qui ont pu être troublés par les insinuations malveillantes de l'Académie catholique, que celles-ci ne reposent sur rien", a-t-il dit à l'AFP.

Pas de méthodologie "défaillante et contradictoire", assure Sauvé

Méthodologie "défaillante et contradictoire" ? Non, affirme-t-il dans sa réponse écrite, faisant valoir les deux expertises qu'il a commandées à un groupe de cinq spécialistes reconnus de la méthodologie des enquêtes et de la théorie des sondages ainsi qu'à l'ancien directeur de l'Ined François Héran.

Ces deux analyses, qui portent sur la fiabilité des estimations chiffrées du rapport - en particulier sur un sondage de l'Ifop exploité par l'Inserm pour la Ciase - "saluent le sérieux des précautions de méthode prises" par l'Inserm, écrit Jean-Marc Sauvé. Elles attestent de la "solidité du dénombrement" des victimes et des agresseurs tandis que la "cohérence" de l'ensemble des chiffres est démontrée.

Les questions de réparation des victimes abordées sur "des considérations juridiques"

Des "recommandations discutables", dont certaines "ruineuses pour l'Eglise" ? Les préconisations ne méritaient "pas d'être clouées au pilori sans avoir été examinées", précisent Jean-Marc Sauvé et son équipe, qui regrettent que les questions de réparation des victimes soient "abordées par l'Académie au seul prisme de considérations juridiques (...) discutables ou erronées".

A ce sujet, ils relèvent que le dispositif recommandé par la Ciase - la création d'instances de réparation et d'indemnisation - a été adopté en novembre par la Conférence des évêques et la Conférence des religieux et religieuses de France. Et que toutes les conférences épiscopales des pays ayant créé des commissions de transparence ont ensuite mis sur pied de telles instances.

L'audience de la Ciase avec le pape reportée

La Ciase balaie d'autres critiques, précisant le caractère "systémique" des actes pédocriminels, assurant que son analyse ne porte "en rien atteinte à la doctrine catholique", ou encore défendant le coût "particulièrement raisonnable" du rapport, commandé par l'épiscopat et les congrégations religieuses. Et au procès en légitimité de la Ciase, Jean-Marc Sauvé répond : l'Académie "n'accepte tout simplement pas que l'Eglise catholique ait confié (...) à des personnes autres que des clercs le soin d'éclairer le sujet de la pédocriminalité en son sein".

"Au fond, l'Académie critique moins la Ciase et son rapport qu'elle ne manifeste son indifférence aux victimes", déplore la commission. "Ce sujet ne l'intéresse pas. Seule compte à ses yeux une certaine idée de la protection de l'Eglise catholique, (...) en contradiction profonde avec (les) enseignements essentiels de cette Eglise, régulièrement rappelés par le pape", regrette-t-elle encore.

L'audience de la Ciase avec le pape est officiellement reportée, mais "aucune date n'a été fixée" à ce stade, a dit à l'AFP son président. Jean-Marc Sauvé est également membre de l'Académie. Eric de Moulins-Beaufort et Véronique Margron, à la tête respectivement de l'épiscopat et des congrégations, ont pour leur part quitté cette instance après le texte critique.