Les soignants des Ehpad sortent du silencce. 1:03
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Victor Pourcher, édité par Ugo Pascolo , modifié à
Dans le sillon des révélations de maltraitance dans les Ehpad, notamment via le livre "Les Fossoyeurs", les soignants de ces établissements ont décidé de sortir du silence pour dénoncer leurs conditions de travail. Entre cadences infernales et économies, les patients sont désormais appelés clients. 

"On devient maltraitants au niveau institutionnel, c’est-à-dire qu’on suit des cadences infernales." Aide-soignante en Ehpad depuis 25 ans, Stéphanie ne mâche pas ses mots quand il s'agit d'aborder ses conditions de travail. Car après les révélations sur la maltraitance dans les Ehpad, via le livre Les fossoyeurs, et les nombreuses plaintes contre le géant des maisons de retraite Orpea, elle fait partie de ces soignants qui ont décidé de faire entendre leur voix pour dénoncer les conditions de travail.

Un soignant qui "devient maltraitant"

À cause des restrictions budgétaires, Stéphanie s’occupe parfois seule de 14 patients. Souvent, il y a seulement deux infirmières pour 80 résidents. "On devient des robots, généralement on a entre 10 et 15 minutes pour faire une toilette." Joëlle travaille elle aussi dans un Ehpad depuis 6 ans et son constat est le même : "Le soignant, malgré lui, devient maltraitant. Comment on peut donner à manger à ces résidents qui ont besoin d’aide ? Comment on peut donner une douche à 16 résidents alors qu’il n’y a qu’un seul soignant ? C’est pas possible !", s’insurge-t-elle au micro d'Europe 1.

Cette soignante proche de la retraite est révoltée contre la manière dont les pensionnaires sont considérées par certaines directions : "Les managements les appellent 'les clients', plus 'les patients' !" Joëlle poursuit : "Quand on vous vend une chambre dans un Ehpad, on vous vend le Club Med… Mais ce n’est pas le Club Med ! Le rationnement de nourriture dans les Ehpad de gros groupes, on le vit au quotidien. Pareil pour les rations sur les couches. Combien de fois cela arrive que les week-ends on n’ait pas même pas une serviette-éponge ou un gant de toilette pour les toilettes des résidents ? Et tout cela pour faire des économies !" 

Des conséquences sur les soins

Un manque de moyens et de temps dont les conséquences sont visibles et contraignent les soignants à prioriser certains actes. "Les soins ne sont pas bien faits, sinon il faut faire un choix : aujourd’hui, je ne fais pas de shampoing ou je ne fais pas les ongles, je fais la toilette au lavabo parce que je n’ai pas le temps… Ce n'est pas du tout les valeurs de notre métier !", rappelle Stéphanie, l'aide-soignante avec 25 ans d'expérience en Ehpad.

Mais ces cadences et les économies ont aussi des conséquences sur le moral des soignants qui essayent de tout faire pour maintenir la qualité de la prise en charge. "On culpabilise, on en parle entre collègues et on fait le maximum. On n’a pas de marge de manœuvre donc automatiquement, on subit."