Les grévistes alertent sur le manque de moyens et d'effectifs. Photo d'illustration. 1:09
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Nathalie Chevance, édité par Antoine Terrel , modifié à
Dans cet hôpital du Vaucluse, comme dans toute la France, une grande journée de mobilisation est prévue mardi pour réclamer des hausses d'effectifs et de salaires. 
REPORTAGE

Le malaise grandit dans le monde hospitalier. Alors qu'Agnès Buzyn doit défendre mardi au Sénat son projet de loi Santé, une grande journée de mobilisation est prévue dans les hôpitaux publics à l'appel de plusieurs syndicats, pour réclamer des hausses d'effectifs et de salaires. La grève concerne particulièrement les urgentistes, comme à l'hôpital de Pertuis, dans le Vaucluse, une zone complètement saturée. Les brancardiers y sont en grève depuis le mois de février, et ont depuis été rejoints par les infirmiers et les aides-soignants. Europe 1 s'est rendu sur place.

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En milieu d'après-midi, la petite salle d'attente des urgences de l'hôpital est déjà bondée. Évelyne, infirmière urgentiste et gréviste en t-shirt noir, gère les cas les plus graves déjà enregistrés. "Tous ceux-là n'ont pas été vus depuis qu'ils sont arrivés. Ça fait trois heures", explique-t-elle. "C'est dangereux, parce que si on ne les voit pas au moment où ils arrivent, on peut passer à côté. On se dit : 'si on a une personne gravissime, on va la mettre où?'", décrit l'infirmière, qui ajoute : "c'est de la bricole et c'est l'angoisse".

"Jusqu'au 23 juin, je n'ai pas deux jours de repos consécutifs"

Car dans le service, tous les box sont déjà pris, même la salle de déchocage (salle d'accueil de patients ayant une détresse vitale existante ou potentielle). En cause, un manque d'espace, d'équipements et de personnels. Et face à des malades de plus en plus nombreux, Céline, infirmière gréviste réquisitionnée : "Aujourd'hui, je travaille en douze heures parce qu'il manquait du monde. Jusqu'au 22-23 juin, je n'ai pas deux jours de repos consécutifs", décrit-elle, avant d'évoquer les locaux "sous-dimensionnés". "Le temps que les travaux se fassent et qu'on ouvre un service, il est déjà dépassé", déplore-t-elle encore. 

Et dans les couloirs, sur les brancards, les malades perdent patience, comme Yvon, 82 ans, présent depuis 3 heures. "J'aurais aimé qu'on mette ma femme à côté de moi", regrette l'octogénaire, très en colère. "Trois heures d'attente, c'est impensable".

"On a pas le temps de passer du temps avec les patients"

Il manque aux urgences un brancardier et deux infirmières, mais la direction de l'hôpital affirme ne pas disposer de budget. Reste qu'en 37 années de carrière comme infirmière urgentiste, toutes au sein de l'établissement de Pertuis, Nadia n'a jamais vu ça. La situation "évolue avec le temps, la population augmente, mais les urgences restent les mêmes", critique-t-elle. "On a l'impression de ne pas pouvoir faire notre travail correctement (...). On embauche personne pour nous remplacer, ça devient très pénible".

Pointant le "manque de reconnaissance", l'infirmière dénonce les conséquences concrètes des manques en effectifs sur la qualité de son travail. "Les gestes, on les fait, on perfuse, on fait des bilans... On avance le travail le plus qu'on peut, mais c'est du mécanisme", décrit-elle. Et de regretter : "On n'a pas le temps de passer du temps avec les patients. C'est un peu de l'abattage". Et selon elle, la situation devient de "pire en pire". "On n'a plus de places dans les boxs, on met les patients dans les couloirs, dans l'attente qu'ils soient vus par le médecin".