Nuisances : un propriétaire peut-il faire expulser un voisin qui n'est pas son locataire ?

Immeuble
L'immeuble concerné abritait une entreprise de location et réparation de cyclomoteurs. Photo d'illustration. © Boyan Topaloff / AFP
  • Copié
Roland Perez
La Cour de cassation a récemment rendu une décision selon laquelle un propriétaire importuné par son voisin peut réussir à l'expulser, sans que ce dernier soit son locataire. Dans sa chronique sur Europe 1, samedi matin, l'avocat Roland Perez revient sur cette curiosité juridique.   

La Cour de cassation réserve chaque jour son lot de surprises. En voici une, qui remonte au mois d'avril : il est question d'un propriétaire qui aurait réussi à obtenir en justice la résiliation du bail de son voisin qui l'importunait. Comme l'explique l'avocat Roland Perez sur Europe 1, samedi matin, cela a en effet trait à la question de l'action oblique, une notion qu'il décrypte pour les auditeurs.

"Il y a à peine quelques semaines, la Cour de cassation a rendu une décision très inattendue : elle permet en justice à un propriétaire victime du comportement indélicat de son voisin d’obtenir son expulsion après résiliation de son contrat de bail. Nous sommes dans une copropriété urbaine, le rez-de-chaussée de l’immeuble est occupé par une entreprise de location et réparation de cyclomoteurs. Les voisins se plaignent des bruits engendrés par cette activité. Ils pointent également le fait que les parties communes étaient très souvent encombrées par les engins du commerçant, ainsi que les allées et venues des clients qui passaient par l’immeuble pour récupérer les cyclomoteurs, et ce à longueur de journées.

Le locataire et son propriétaire abasourdis par le jugement 

L’un des propriétaires, particulièrement gêné, avait demandé au propriétaire du local d’agir à l’encontre de son locataire pour que celui-ci respecte la réglementation de l’immeuble et notamment sa sécurité et sa quiétude. En vain, si bien que le voisin victime va saisir la justice et demander à ce que le contrat de bail qui lie le locataire à l’origine des nuisances à son bailleur soit résilié. Ce qu’il va contre toute attente obtenir, alors qu’il n’est pas partie au contrat de location dont il a demandé pourtant la rupture. Le propriétaire du local et son locataire sont restés abasourdis par un tel jugement.

Substitution

Une telle action a pu aboutir car il existe dans le Code civil ce qu’on appelle l'action oblique. Quand une personne n’exerce pas un droit qui est le sien et que cette abstention cause un préjudice à une autre personne, cette dernière peut se substituer à elle pour exercer ce droit. En l'occurrence, ici, une action en justice pour faire cesser le trouble généré par l’activité du locataire. Dans cette affaire, le règlement de copropriété n’était pas respecté par un locataire et le bailleur des locaux ne bougeait pas. Le voisin qui en souffrait directement a pu agir à la place du bailleur, car il faut rappeler que le droit de propriété est sacré en France."