Nathalie, 50 ans, a connu la jalousie maladive : "Je prenais possession des hommes"

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Grégoire Duhourcau , modifié à
Nathalie a mal vécu la préférence de ses parents pour son grand frère et sa grande sœur lorsqu'elle était enfant. Elle explique à Olivier Delacroix que cela a donné lieu à une jalousie excessive dans ses relations amoureuses plus tard.
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Nathalie, 50 ans, vient d'une fratrie de quatre enfants au sein de laquelle elle a eu du mal à trouver sa place. C'est là que sont apparus ses premiers sentiments de jalousie, envers ses frères et sœurs. Elle raconte à Olivier Delacroix sur Europe 1, que cette jalousie est ensuite devenue maladive dans ses relations avec les hommes.

"J'étais jeune, je ne me rendais pas tout à fait compte de ce qu'il se passait. Je me rendais surtout compte que l'amour de mes parents était positionné sur les deux plus grands, mon grand frère et ma grande sœur. C'était le premier enfant, le premier garçon, puis ma sœur est arrivée sept ans plus tard donc elle a été désirée totalement. Moi, je suis arrivée en quatrième position. J'étais le bébé, le petit dernier qu'on jetait dans les crèches, qu'on donnait à garder. J'étais un peu rejetée de cette façon-là. Après, les autres sont partis et ma mère s'est retrouvée avec moi et là, elle a donné beaucoup d'amour et beaucoup de possessivité parce qu'elle avait perdu 'les deux grands amours de sa vie', ses deux grands enfants.

[Cette jalousie que je ressentais s'est ensuite portée sur les hommes.] J'étais jalouse très jeune. J'ai quitté le foyer familial assez jeune, à 20 ans. Je suis partie vivre un rêve qui était celui de faire beaucoup de sport et de voyager. J'avais surtout envie de quitter ce cadre familial dans lequel je n'avais pas bien vécu mon adolescence donc je suis partie pendant dix ans. La jalousie a commencé à ce moment-là.

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"Cet homme, je ne voulais à aucun moment que l'on s'en approche"

Les relations que je pouvais rencontrer à partir de 20 ans, je prenais possession des hommes. C'était une possession sans en être une. J'avais l'impression de recréer une famille dans les endroits dans lesquels je me trouvais. Un peu comme le père que je n'ai pas eu, parce que ma mère a joué les deux rôles comme mon père travaillait énormément et a donné tout son amour à mes frères et sœurs, moi je gardais cet homme et j'en prenais possession. Je ne voulais à aucun moment que l'on s'en approche. [Ce sentiment de jalousie] c'est la peur de perdre l'autre. C'est l'envie d'être aimée, d'être la préférée, ce que je n'ai pas eu dans le regard de mes parents.

Mon premier compagnon, je l'ai rencontré, c'était le premier homme de ma vie. C'est celui à qui j'ai donné toute ma confiance, avec qui j'allais construire. C'était très important pour moi. J'ai même fait un enfant avec cet homme. Pour moi, c'était quelque chose de concret, je créais ma famille. Et puis cet homme, quand tout s'était posé dans ma vie, a commencé à rentrer tard, à sortir un peu. Moi, j'étais coincée avec mon enfant à la maison et lui commençait à aller à gauche, à droite. Jusqu'au jour où cet homme, qui ne prenait pas du tout ou quasiment jamais son téléphone avec lui, s'est mis à le garder avec lui 24 heures sur 24 du jour au lendemain. Là, les doutes ont commencé à arriver.

"Pendant quatre mois, je ne l'ai pas lâché"

Au début, je ne savais pas du tout pourquoi du jour au lendemain, alors qu'il oubliait son téléphone souvent, il le conservait 24 heures sur 24. La nuit, il l'éteignait. Puis j'ai pisté, je suis rentrée dans une jalousie. J'ai cherché puis j'ai trouvé. Un jour, j'ai pris son téléphone en pleine nuit. J'ai fouillé, j'ai trouvé un nom qui me paraissait totalement absurde et qui représentait la personne qu'il était en train de fréquenter à ce moment-là. Pendant quatre mois, ça a été terrifiant parce que je l'ai poursuivi, je ne l'ai pas lâché. Où il allait, il fallait que je sois là, il fallait que je comprenne. Et ce fameux nom un peu curieux sur son téléphone, un jour j'ai envoyé un message. Et le message a été clair, net et précis. C'était bien une femme derrière puisqu'elle lui répondait que de toute façon, 'on allait s'en débarrasser'. En l’occurrence, moi.

Lorsque j'ai pris conscience qu'il y avait quelqu'un d'autre, si je n'avais pas insisté, si je n'avais pas eu ce comportement, cette agressivité, peut-être que ce serait passé, peut-être qu'il aurait vécu cette relation quelque temps et que ça se serait arrêté. Mais le fait d'avoir été agressive, d'avoir été sur lui sans cesse, de lui avoir imposé des choses, de lui avoir pris son téléphone, d'avoir cherché à l'intérieur, je pense que ça a déclenché [la séparation].

"Je n'acceptais pas qu'il ait choisi quelqu'un d'autre que moi"

Quand j'ai su réellement qu'il y avait quelqu'un qui existait, je l'ai donc quitté. Et après, pendant trois ans, j'appelais, matin, midi, soir. Je n'acceptais qu'il ait choisi quelqu'un d'autre que moi. Je n'acceptais pas que je lui avais donné ma vie, que je voulais construire avec lui. C'était une reproduction de mon enfance. Quand l'homme à qui vous avez donné tout votre amour vous quitte pour quelqu'un d'autre, que vous connaissez puisque c'est une femme qui n'était pas loin de nos connaissances, c'est difficile. Tout prend des proportions terrifiantes, ça broie le cœur.

Ce n'est pas cette expérience qui m'a permis de me guérir réellement. Ce qui m'a permis de me guérir, c'est que durant les deux relations que j'ai eu juste après, je n'étais pas jalouse pendant la relation. A aucun moment, je n'ai fouillé dans le téléphone de mon compagnon. Par contre, je suis devenue jalouse quand on se séparait. Je les ai quittés ou ils m'ont quittée mais la jalousie est intervenue après parce que ces hommes re-recontraient des femmes et je devenais jalouse de ces femmes. Une fois de plus, ils repartaient avec d'autres femmes. La jalousie se mettait en route quand j'apprenais qu'ils étaient en train d'entretenir une autre relation. C'était terrible parce que c'était pareil. Je faisais tout pour récupérer un numéro de téléphone, une adresse, un nom et puis j'harcelais. Si ce n'était pas lui c'était elle. Les deux relations qui ont suivi le père de mon fils ont été terrifiantes mais après la relation. Une jalousie à ne plus manger, à ne plus vivre, à ne penser qu'à eux jour et nuit, à les imaginer dans un lieu d'habitation. Ça a duré à chaque fois deux, trois ans."

L'avis de Sarah Frachon, psychothérapeute :

"On peut considérer que la jalousie est vraiment une maladie qui touche plus de femmes que d'hommes. Il y a un point commun, ce sont les familles dysfonctionnantes. C'est-à-dire qu'à un moment de sa construction, la personne s'est sentie rejetée ou a été amenée à prendre trop en charge un parent défaillant, sans en avoir les moyens. A ce moment-là, il va y avoir un grand vide intérieur, une grande insécurité qui va se mettre en place.

La jalousie est comparable à la toxicomanie. Evidemment, ce n'est pas lié à un produit comme la drogue ou l'alcool mais la jalousie donne un sentiment d'adrénaline. C'est un effet stimulant. [On peut la considérer comme une maladie] à partir du moment où l'idée est obsessionnelle. Derrière cette idée obsessionnelle, il y a une peur du vide qui est énorme. Il y a également une dépendance à la souffrance qui remplit le vide. Cette souffrance de contrôler tout le temps l'autre, de chercher des signes, de pister, remplit [la] vie. Ça devient un moteur de vie."