Moniales, elles mènent une vie de prière cloîtrée : "La prière, c'est notre vocation"

  • Copié
Léa Beaudufe-Hamelin , modifié à
Les moniales de l’abbaye bénédictine Notre-Dame du Pesquié, dans l’Ariège, ont fait le choix de vivre cloîtrées. Ces religieuses ont fait vœu de chasteté et de pauvreté, et mènent une vie rythmée par la prière et le travail de la terre. Elles racontent leur quotidien régi par leur foi à Olivier Delacroix.
TÉMOIGNAGE

À l’abbaye bénédictine Notre-Dame du Pesquié, dans l’Ariège, vivent cinquante moniales, des religieuses contemplatives menant une vie retirée du monde et ayant fait vœu de chasteté et de pauvreté. Leur quotidien, vécu en silence, est rythmé par la prière et le travail de la terre. Entre les sept offices religieux de la journée, elles cultivent les 70 hectares de la propriété. Elles vivent et se nourrissent alors de leur travail. Les moniales racontent à Olivier Delacroix leur engagement religieux et leurs motivations à vivre au sein de cette communauté monastique. 

La communauté est dirigée par la mère abbesse. Elle explique son rôle et ce qui régit la vie des moniales : "Selon la tradition de l'abbé ou de l'abbesse, j’ai une maternité spirituelle. On m’appelle ‘ma mère’, ce n'est pas qu’affectif. Bien sûr, on s'aime et il y a une vraie charité entre nous, mais il y a quelque chose de spirituel. Je dois donner une impulsion, un élan spirituel à la communauté. C'est une grosse responsabilité. Je dois veiller sur les sœurs, leur santé physique et spirituelle. Si elles ont un passage triste, je dois les aider. C'est très important. J'ai un rôle de guide spirituel. Comme on est cinquante, je suis occupée. 

À cinquante femmes, ça pourrait mal se passer. On sait le gérer. On se demande pardon. C'est prévu dans la règle. Saint Benoît le demande. Il faut régler les accrochages de façon paisible. Se demander pardon, c'est beau. La première qualité pour être une bonne moniale, c'est être docile et obéissante, puis se laisser instruire et former. On aime la tradition d'être disciple, c’est notre spécificité. On reçoit beaucoup dans un monastère. On est instruit. L'abbé enseigne. Je suis abbesse, mais j'ai d'abord été disciple. Le retour aux travaux de la terre, c'est aussi un aspect d'humilité. Il faut l’accepter, même si on a eu une belle situation. On va jardiner par terre et on va soigner les bêtes."

" J'avais soif d'absolu "

L’abbaye compte cinq sœurs novices. Pendant six ans, elles sont intégrées à la communauté et instruites, avant de prononcer leurs vœux définitifs. À 21 ans, sœur Mechtilde est la plus jeune des novices de l’abbaye. Elle se confie sur les raisons de son engagement : "J'avais soif d'absolu. J’entreprenais beaucoup de choses dans des œuvres caritatives. À chaque fois, j’étais insatisfaite. Je m'engageais beaucoup et une part de moi se demandait si je m’engageais avec Dieu. J'avais l'impression de trahir, comme une infidélité. J'étais toujours en quête de plus.

La vie contemplative est une vie séparée du monde. On n'a pas d'activité particulière, mais on est au pied du Seigneur et on prie beaucoup. La prière, c'est notre vocation. On essaye de faire de tous nos actes, comme la culture du potager par exemple, un acte de charité qui porte du fruit pour on ne sait qui. Après, Dieu se réserve ses intentions. C'est une vie qui demande de la foi parce qu’on ne voit pas le fruit. Beaucoup de gens pourraient dire qu’on ne sert pas à grand-chose. C’est vrai que, humainement, ça ne sert à rien. Mais dans la foi et dans le cœur de Dieu, ça sert à quelque chose."

" La chose profonde de mon cœur, c'était de trouver Dieu dans la vie bénédictine "

Sœur Mechtilde aborde la question du renoncement qui découle de son engagement religieux : "Au début, on peut se dire que telle chose nous manque. On peut avoir de petites tentations. On se rend compte qu'elles sont superficielles. J’aimais beaucoup voyager. Maintenant, c'est la stabilité au monastère. Si on se laisse aller, penser à ces choses qui sont des renoncements nous rend triste. Il faut essayer d'être maître de soi et ne pas se laisser aller à la tristesse. Quand on y pense, ces manques, ces petites tentations, ce n’est pas profond. La chose profonde de mon cœur, c'était de trouver Dieu dans la vie bénédictine et je l’ai ici. 

On ne va plus célébrer les Fêtes en famille, mais c’est parce qu’il faut être disponible tout entière dans sa vocation. Personnellement, je n'ai plus très envie d'y retourner. Je sais que maintenant, ma place est ici et que je leur suis bien plus utile ici en priant pour eux et en étant avec eux par la pensée. Bien sûr que cela me touche un frère qui se marie ou une naissance. Je suis à ma place et je pense à eux. Les ponts par la pensée et la prière sont aussi très forts."

" Quand on vit pour le Christ, on ne peut qu’être heureux "

Mère Marie est entrée dans la communauté des moniales il y a douze ans, rejoignant sa tante, mère Agnès. Elle explique son choix de vivre coupée du monde extérieur, dont elle rejette la superficialité : "Le rejet, ce n'est pas le mépris. Ce n'est pas négatif. Quand on vit pour le Christ, quand on s'attache à Dieu, on va à l'essentiel et on abandonne beaucoup de superficialité. On rejette beaucoup de choses, mais ce n'est pas par mépris ou dégoût. C'est par un choix plus haut, duquel découle le rejet de ces choses. Je suis très heureuse. Quand on vit pour le Christ, au service de Dieu, on ne peut qu’être heureux."

Vous voulez écouter les épisodes de "Dans les yeux d'Olivier"

>> Retrouvez-les sur notre site Europe1.fr et sur Apple PodcastsSpotifyGoogle podcastsDeezerAmazon Music ou vos plateformes habituelles d’écoute.

>> Retrouvez ici le mode d'emploi pour écouter tous les podcasts d'Europe 1

Les cinq sœurs novices éclairent leurs motivations à mener une vie monastique : "Pour moi, c'était un goût de Dieu qui grandit et qui fait qu'on engage toute sa vie parce qu'on lui fait confiance." explique une première. Une autre poursuit : "C’est aussi une soif d'absolu, le besoin fou d'aimer et d'être aimée. On l’a cherché dans le monde, mais au bout d'un moment, on se rend compte que quelque chose en nous est toujours insatisfait. Je me suis dit que j’avais le cœur trop grand pour un seul homme. Il me les faudrait tous. Il n’y a que Dieu qui peut pleinement me combler. Cette recherche d'amour, je la trouve ici, dans le silence et la solitude. Avant d’entrer, je n'aurais jamais imaginé ça."

Les novices se considèrent comme des sœurs, non comme des amies : "Des copines, on les choisit. Des sœurs, on les reçoit. On apprend à aimer des sœurs avec qui on n'aurait pas forcément d’affinités. On apprend aussi à découvrir que l'amour est quelque chose de plus profond que l'affectif ou le sentimental. Il y a des sœurs à qui je n’aurais jamais parlé dans le monde. On apprend à les découvrir. Ce n’est pas parce qu’on est là qu’on s’entend forcément bien. Mais je découvre des trésors que je n'aurais pas soupçonnés."

" Il y a une vraie vie fraternelle et familiale très riche "

Sœur Mechtilde envisage elle aussi la vie monastique comme une vie de famille : "On ne s'imagine pas une vie familiale si intense. On s'imagine plutôt une vraie solitude. C'est vrai qu'il y a une solitude du cœur parce qu’on appartient au Christ. Mais il y a une vraie vie fraternelle et familiale très riche. Il y a la vie filiale avec notre mère. On fait un autour de notre mère. C’est comme une vie de famille avec des parents et des enfants."

L’une des sœurs novices se confie au sujet des clichés qu’elle entretenait avant d’entrer dans la communauté : "J'avais une peur terrible de prendre l’habit parce que j'avais besoin de sentir que j’étais unique. Le fait d'être toutes pareilles et de faire les mêmes gestes me faisait peur. Mère Bénédicte, notre enseignante, m'a fait comprendre qu’on était unique aux yeux de Dieu, en étant extérieurement toutes semblables. Se sentir unique, c’est beaucoup plus intérieur. J'entretenais le cliché qu’une bonne sœur était moche. Ce n'est pas parce qu'on est religieuse et qu'on donne sa vie à Dieu, qu’on ne doit pas être belle et féminine. Je suis la belle du Seigneur."

" La vie sexuelle n'est pas mutilée, elle est absorbée dans cette vie d'amour profond avec le Seigneur "

Mère Bénédicte, la maîtresse des novices, explique comment les religieuses envisagent leur amour pour Dieu : "Nous n'arrivons pas à comprendre qu'on puisse aimer son mari et le Christ. C’est le christ seul. On lui donne toute notre affectivité et toute notre puissance d'aimer par le vœu de chasteté. On ne la partage pas avec un autre. Une jeune fille chrétienne qui se marie peut vivre sa foi et son amour du Christ, mais elle ne vivra pas cette entièreté spécifique de la vie religieuse. Ça se vit dans la foi. Il faut faire une croix sur notre sexualité. On ne reporte pas la sexualité sur le Christ. On la vit à un autre niveau. La vie sexuelle n'est pas mutilée, elle est absorbée dans cette vie d'amour profond avec le Seigneur. 

C’est une étape à franchir. On ne combat pas ça de front. On le combat en s'occupant avec l'écriture sainte, un amour du Christ bien vécu et une vie équilibrée. Le travail est premièrement très important pour gagner notre vie. En ce qui me concerne, la formation des novices est une excellente école de réalisme. Il faut que la foi soit toujours reliée au réel. C'est la création. On est en contact avec la création telle qu'elle est sortie des mains du créateur. C'est extrêmement important et ça fait le lien avec notre vie de foi. On voit les montagnes telles que le Dieu les a créées."