Migrants : pourquoi les tests osseux sont tant décriés

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Cette technique permet de déterminer l'âge des migrants isolés, et donc de savoir s'ils peuvent être pris en charge par les structures d'accueil de l'enfance. Eric Ciotti a demandé lundi à ce que les tests osseux soient généralisés dans son département.   

Imprécise, inhumaine et dangereuse pour certains, justifiée et salvatrice pour d'autres, l'application des tests osseux sur les jeunes migrants présents sur le territoire français ne fait pas l'unanimité. Mercredi, c'est un article du Figaro qui met sur le devant de la scène le nouveau projet de la préfecture des Alpes-Maritimes de Nice, qui songe à développer des "systèmes de radiographie mobiles" à Menton et dans ses alentours, une région où affluent de nombreux jeunes migrants isolés venus d'Italie. Des installations ambulantes qui permettraient de limiter les "multiples déplacements à l'hôpital aux fins de radiographie" qui sont "extrêmement coûteux en temps et en effectifs" selon la préfecture.

  • Pourquoi Eric Ciotti compte-t-il sur les tests osseux ?

Le président du Conseil général du département Eric Ciotti (Les Républicains) s'était déjà fait le relais de cette initiative lundi. Pour lui, il faut faciliter les tests osseux, et donc les rendre mobiles puisqu'ils constituent le meilleur moyen de juger de l'âge d'un jeune migrant isolé. La question de l'âge est centrale car le droit français, la Convention nationale des Droits de l'Enfant en l'occurrence, oblige les autorités à protéger les mineurs isolés de moins de 18 ans quelle que soit leur nationalité. Dans l'esprit d'Eric Ciotti, la généralisation des tests osseux devrait permettre d'éviter que des individus majeurs soient accueillis en qualité de mineur isolé. L'élu local justifie son discours par l'état de "saturation extrême" des centres d'accueils des environs : "le Foyer départemental de l'enfance chargé de l'accueil d'urgence est désormais totalement saturé et  des migrants mineurs isolés sont accueillis dans des structures hôtelières". 

  • Des tests osseux "mobiles", ce serait légal ?

Longtemps encadrée par une loi de mars 2007, la pratique de tests osseux est régie depuis le 12 mai dernier par la loi sur "la protection de l'enfant", plus protectrice pour les enfants. Si certains élus PS, EELV et Front de gauche souhaitaient l'interdiction pure et simple de ces tests(un amendement avait été déposé dans ce sens, ndlr), ils ont finalement été encadrés plus étroitement. Les tests sont depuis applicables uniquement dans les "zones d'attente" (aéroports, ports, gares) après avoir été ordonnés par un magistrat. Dernière condition sine qua non, le consentement de la personne visée doit être recueilli. Enfin, cet amendement précise que les conclusions  de ce test "ne permettent pas  à elles seules de déterminer si l'intéressé est mineur", comme l'explique le député membre de la commission des Affaires Sociales Denys Robiliard (PS). Difficile de savoir si les lieux où seraient pratiqués ces tests mobiles pourraient être considérés comme des "lieux d'attente" au sens où l'entend la loi. 

  • Un test osseux, à quoi ça ressemble ?

Concrètement, un test osseux se traduit par une radio du poignet et de la main qui permet au médecin d'observer le développement des cartilages de croissance et établir par comparaison avec des "atlas" de cartilages (des compilations de données) l'âge de la personne radiographiée.

  • Pourquoi les tests osseux sont-ils critiqués ?

La validité scientifique de ces tests osseux fait débat. Problème, cette technique accuse une marge d'erreur de 18 mois en moyenne, selon le Haut conseil de la santé publique. Une marge d'erreur pouvant faire basculer un destin, de l'accueil en structure sociale à la reconduction à a la frontière.

Comme le rapporte Lefigaro.fr, les législations française et européenne autorisent les expositions aux rayons X (le principe de base d'une radio) si et seulement si elles bénéficient médicalement au patient. Ce qui n'est évidemment pas le cas avec les tests sur les migrants. Enfin se pose la question de la dignité puisque le Comité national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé affirmait en 2005 que "la soumission à des investigations radiologiques et à un regard clinique peut apparaître comme porteuse d’une certaine violence (effectuées généralement sans consentement) et peut blesser la dignité des enfants adolescents soumis à un tel regard médical sans comprendre leur finalité, dans une structure hospitalière apparentée alors à une structure policière." Le Réseau Education Sans Frontière a par ailleurs déposé une pétition en ce sens, demandant l'interdiction de ces tests osseux.

  • D'autres dispositifs pourraient-ils remplacer les tests osseux ?

D'autres techniques existent et sont déjà appliquées à l'étranger, comme l'a fait remarquer le député Denys Robiliard : "il existe d'autres moyens de détermination de l'âge, notamment par des moyens pluri-disciplinaires (entretien biographique, en présence d'un psychologue)".  D'autres solutions alternatives, comme les tests testiculaires et les échographies chez les filles, jugées trop humiliantes, ont été d'ores et déjà interdites en France.