Julien témoigne de son expérience de la rue : "Les foyers, c’est la grande misère sociale"

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Léa Beaudufe-Hamelin , modifié à
Alors qu’il était sans domicile fixe depuis un an et demi, Julien a récemment trouvé un logement dans le nord de la France, mais peine à trouver un emploi. Sur "La Libre antenne" d’Europe 1, il raconte son expérience de la rue et des foyers d’hébergement d’urgence à Paris au moment de la crise sanitaire.
TÉMOIGNAGE

Depuis un an et demi, Julien est sans domicile fixe. Après plusieurs mois passés dans la rue et les foyers d’hébergement d’urgence à Paris, il a trouvé refuge dans une paroisse pendant trois mois grâce au dispositif "Hiver solidaire" et un emploi dans une supérette parisienne. Mais ses démarches pour trouver un logement à Paris ont été mises à mal par la crise sanitaire. Au micro d’Olivier Delacroix, sur "La Libre antenne" d’Europe 1, Julien explique avoir finalement trouvé un logement temporaire dans le nord de la France, mais peine à retrouver un emploi. 

" J'ai 37 ans. J'ai une vie un peu compliquée. Depuis un an et demi, j'ai vécu des épreuves et je me suis retrouvé sans domicile fixe. J'ai habité pendant plusieurs années dans la région de Tours. J’ai eu quelques soucis personnels. Je suis parti chez un de mes meilleurs amis en Vendée. Après, je suis descendu dans le sud de la France. Au niveau de l'emploi, c'était compliqué parce que je n’étais pas véhiculé. Une connaissance a proposé de m’héberger quelques mois à Paris, le temps que je trouve du travail. Je suis arrivé à Paris et au bout de quelques jours, cette personne m’a dit qu’elle ne pouvait pas me garder.

Je me suis retrouvé avec mes valises dehors à Paris. J’ai appelé le 115. Le 115 à Paris, c'est compliqué parce qu’il y a beaucoup de personnes sans domicile fixe. Parfois, je passais une ou deux nuits dans des foyers, où c'est vraiment la grande misère sociale. Quand je n'avais pas de place en foyer, je dormais dans les bus de nuit. On me volait mes affaires. C’était l’horreur et l’angoisse. Ça m'est arrivé de dormir aux urgences, parce que je n'avais pas le choix. J'avais trop peur de dormir dehors. C'était une galère pendant trois mois, d’octobre à décembre 2019. 

" On s'est retrouvés dans les foyers d'urgence, sans assistants sociaux "

J'ai écrit à l'association Saint-Vincent-de-Paul à Paris. Ils m’ont hébergé pendant trois mois grâce au dispositif "Hiver solidaire". Ça m'a permis de poser mes valises et de remonter la pente. Je me suis inscrit à Pôle emploi. En une semaine, j’ai trouvé un CDI en supérette alimentaire à Paris. J’avais l'hébergement le soir, mais la journée, quand je n'étais pas au travail, j'étais dehors. J'ai essayé de tenir le cap. J'ai fait des démarches avec des travailleurs sociaux.

On m'a ensuite transféré dans des foyers de stabilisation, avec une centaine de personnes, dans des chambres à plusieurs. Encore l'angoisse. J’ai été reçu par des travailleurs sociaux pour trouver des solutions plus stables, mais la Covid-19 est arrivée. La plupart des assistants sociaux ne venaient plus. On s'est retrouvés dans les foyers d'urgence, sans assistants sociaux. C'était la misère. Quand ils sont revenus, les assistants sociaux m'ont dit que ça ne bougeait pas beaucoup à Paris. J'ai baissé les bras. J'ai fait une rupture conventionnelle de mon contrat travail. 

" Les accidents de la vie, ça peut arriver à tout le monde "

Depuis le mois de juillet, j'ai trouvé par une association, un petit studio meublé dans le nord de la France. Je retrouve un peu de stabilité, mais ça reste encore compliqué de me projeter dans l'avenir parce que c’est isolé. Je n’ai plus la mobilité que j’avais à Paris pour trouver un emploi. Je suis volontaire et dynamique, malgré tout ce que j'ai vécu. Si j’ai une opportunité de travail ailleurs, je suis prêt à prendre mes affaires et partir. Ça fait cinq mois que je ne travaille plus et ça commence à être très compliqué moralement et financièrement. 

Je me retrouve avec 500 euros de RSA. C’est de la survie parce qu’on ne vit pas avec un RSA. Malheureusement, dans cette société, quand on n'a pas de travail, on n'est pas reconnu, on est catégorisé comme cas social. Les accidents de la vie, ça peut arriver à tout le monde et on met beaucoup de temps à s'en remettre. Dans les foyers d'hébergement, j'ai rencontré différents types de personnes, de différentes nationalités, des gens qui avaient des boulots, des gens qui ont divorcé et qui se sont retrouvés en moins de deux à la rue. 

 

Il y a des aides, mais c'est la grande misère sociale. Dans les foyers, il y a des gens qui boivent, qui fument, qui se droguent. Vous êtes à plusieurs dans des chambres. Vous risquez votre vie. Vous dormez très peu, vous avez peur de vous prendre un coup de couteau. Il y a des gens qui ont des problèmes psychiatriques. Au 115, ils sont débordés. J'ai envoyé des courriers aux bailleurs sociaux. On me dit qu’il y a plus de 50.000 personnes qui demandent un logement social à Lille. On n’en voit pas le bout. Même dans des villes de province, c’est compliqué d’avoir un HLM. "