quartiers nord marseille, GERARD JULIEN / AFP 1:28
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Nathalie Chevance, édité par Anaïs Huet , modifié à
À Marseille, des femmes des quartiers Nord, qui ont pour certaines perdu un proche dans des règlements de compte, lancent une pétition pour que l'argent de cette économie criminelle soit directement réaffecté aux associations locales.
REPORTAGE

Dans la cité des Flamants, dans les quartiers Nord de Marseille, le réseau de trafic de drogue est omniprésent, même en plein jour. Là, on déplore une demi-douzaine de victimes liées aux règlements de compte. Les mères et les sœurs, qui ont perdu un fils ou un frère, viennent de lancer une pétition, pour que les biens confisqués du crime organisé soient affectés à l'économie solidaire.

"Les premières victimes, c'est nous"

"Vous décidez des lois pour nous, mais vous ne savez pas ce que l'on vit. Comme cet argent dort, reversez-le aux premières victimes. Et les premières victimes, c'est nous", exhorte Fatima Mostefaoui, une militante associative, interrogée par Europe 1. Le 1er avril, elle signait avec d'autres femmes des quartiers Nord de Marseille une tribune dans Libération. Elles y racontaient ce quotidien de "terreur", "gouverné par la menace", où l'on craint pour la vie de ses enfants. Elles témoignaient aussi de la difficulté de vivre dans un quartier "où les services publics ferment, où les principes de l’école républicaine sont bafoués et l'espace public interdit."

Ces victimes invisibles veulent désormais avoir les moyens de construire un autre avenir pour leurs quartiers. Et l'argent confisqué des mafias les y aiderait. "Si aujourd'hui, j'avais cet argent-là, j'ouvrirais une école pour handicapés, je construirais un conservatoire", imagine Fatima Mostefaoui. "Ramenez l'argent, et on va vous montrer ce que l'on fait avec, parce qu'on connaît le terrain. On a des talents ici, mais comme les gens ont été cassés par la vie, on met vite leurs ambitions à la poubelle."

Une proposition de loi déjà formulée

Cet appel des femmes des quartiers Nord de Marseille fait écho à ce qui se fait déjà en Italie depuis quelques années : le réinvestissement des biens de la mafia confisqués dans des projets solidaires. En France, une députée LREM, Sarah El Haïry, s'en est inspirée pour déposer une proposition de loi baptisée "Améliorer la trésorerie des associations".

"Aujourd'hui, nous avons des réseaux criminels qui font de l'argent et qui s'enrichissent en commercialisant de la drogue ou en faisant du proxénétisme. Tout cela a des conséquences sur nos vies, dans notre pays et dans certains de nos quartiers. L'idée de ma proposition de loi, comme ce que font nos voisins italiens, c'est de dire qui faut soutenir ces associations qui luttent, qui permettent de la prévention et de la cohésion sur nos territoires", explique l'élue de Loire-Atlantique au micro d'Europe 1.

Avec sa proposition de loi, Sarah El Haïry souhaite cibler les biens immobiliers. "Plutôt que ces biens immobiliers soient revendus et que l'argent tombe dans le budget général de l'État, qu'on le mette à disposition de ces associations à titre gratuit. Ce serait permettre l'amélioration de leurs trésoreries, et leur installation de manière pérenne dans les quartiers", argue la députée.