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Guillaume Perrodeau
Chez Olivier Delacroix mardi, Marguerite, 28 ans, dénonce le harcèlement de rue dont elle est victime et explique comment, à son échelle, elle lutte contre cette violence.
VOS EXPÉRIENCES DE VIE

Plus de huit Françaises sur dix confient avoir subi du harcèlement ou une agression dans la rue et les transports en commun. Parmi elles, Marguerite, 28 ans. Lassée des remarques et insultes lorsqu'elle marchait, la jeune femme a décidé de répondre, ou presque, à chaque fois. Un courage qu'elle exprime à Olivier Delacroix, mardi sur Europe 1.

 

>> De 15h à 16h, partagez vos expériences de vie avec Olivier Delacroix sur Europe 1. Retrouvez le replay de l'émission ici

"Les regards font toujours les mêmes chemins"

"Il y a des choses qui sont très faciles à dénoncer comme les insultes, les hommes qui vous suivent en voiture. On peut alors clairement parler de harcèlement et c'est visible. Moi, ce dont je souffre le plus, ce sont les regards, car c'est beaucoup plus difficile à décrire, c'est moins visible et c'est peut-être même plus sale.

En général, les regards font toujours les mêmes chemins, ils vont de la tête jusqu'aux pieds, puis ils reviennent encore et parcourent votre corps. Lorsque vous êtes dans la rue et que quelqu'un vous regarde comme ça, vous vous sentez sexualisée et c'est extrêmement dérangeant. Sauf que moi, en tant que femme, j'ai envie de choisir lorsque mon corps va être sexualisé. Quand je croise des inconnus dans la rue, je n'ai pas du tout envie que mon corps soit sexuel et cela me met très mal à l'aise. Maintenant, je réponds presque à chaque fois que l'on me fait des remarques. 

"Si on répondait toutes et tout le temps, demain le harcèlement de rue s'arrêterait"

À 22 ans, je suis rentrée dans les Femen, un mouvement de femmes qui vont 'topless' dans la rue. Cela m'a appris à prendre une place dans l’espace public, à crier, ne plus avoir peur de faire des scandales, mettre de côté l'avis des autres et réclamer justice moi-même, sans attendre qu'on le fasse à ma place. C'est quelque chose que les femmes ne sont pas habituées à faire. Dans la rue, la majorité des sons proviennent des hommes et nous, on rase les murs et on se fait discrètes. Notre éducation ne nous apprend pas à prendre cette place dans l’espace public.

Le fait de passer par Femen, cela m'a vraiment appris à me désinhiber et à commencer à répondre. Des fois, je ne réponds pas car je suis fatiguée et je n'ai pas envie de me prendre la tête. Donc il m'arrive, parfois, de faire semblant de ne pas entendre. Je suis convaincue du fait qu'on devrait répondre de manière systématique. Après, je ne veux pas encourager les femmes à tout le temps répondre et qu'elles se mettent dans des situations de danger ou qui vont les amener à des fragilités. Moi, personnellement, j'essaye de répondre le plus souvent possible car j'estime que si on répondait toutes et tout le temps, demain le harcèlement de rue s'arrêterait.

Des sociologues montrent que, depuis leur enfance, les femmes sont encouragées à avoir des attitudes discrètes, aimables, souriantes ; alors que chez les hommes, on va valoriser la colère, la force, le courage. D'ailleurs, dans les cours de récréation, l'espace principal est pris par le terrain de football. Et qui joue au football ? Les garçons. Des études démontrent que ce qui se passe à l'école, à cet endroit, et le fait que les filles soient reléguées sur le côté, toutes ces pratiques trouvent leur extension dans l’espace public. Ce sont les mêmes schémas qui se reproduisent.