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Thibauld Mathieu
Lisa, 21 ans, a souvent l'impression que ses plus grands succès ne sont que le résultat d'un coup de chance ou d'un malentendu. Au micro d'Eve Roger, elle décrit cette angoisse qui l'accompagne depuis l'enfance.
VOS EXPÉRIENCES DE VIE

Et si votre succès n'était que le fruit du hasard ? D'un concours de circonstances ? Et si ce que vous accomplissiez n'était pas dû à vos compétences, à votre talent ? C'est le genre de questions que ne cesse de se poser Lisa, 21 ans. Étudiante à Paris, elle souffre de ce que l'on appelle le syndrome de l'imposteur. Au micro d'Eve Roger, sur Europe 1, elle raconte ces doutes qui la poursuivent, et l'angoisse d'être un jour "démasquée".

"Je me sentais presque honteuse devant mes camarades"

"La première fois où j'ai pu ressentir ce syndrome, c'est quand j'étais enfant. J'ai toujours beaucoup aimé écrire, raconter des histoires. Et lorsque j'étais à l'école primaire, il arrivait parfois que nous ayons des petites compétitions d'écriture. J'étais parfois sélectionnée par ma maîtresse, qui aimait bien ce que j'écrivais et qui me faisait lire ces histoires devant mes autres camarades.

Dans ces moments, où j'étais censée me sentir très fière de ce que j'avais fait, fière d'avoir été sélectionnée, je me sentais juste extrêmement mortifiée. Surtout, je me sentais presque honteuse de me présenter devant mes camarades qui, je trouvais, avaient fait beaucoup mieux que moi pour la plupart. Je commençais déjà à questionner ma légitimité sur quelque chose qui était ma passion et dont j'aurais dû me sentir fière.

"L'impression qu'on ne fait que mentir autour de soi"

Au lycée, ça a continué à chaque fois que j'étais dans des situations où je devais prendre une figure d'autorité, par exemple dans des groupes de travail. À chaque fois que je devais prendre le contrôle d'une situation, je me mettais à questionner ma légitimité. Je me demandais ce qui me rendait plus capable que n'importe qui d'autre, et surtout quand les gens allaient finir par se rendre compte que je n'avais pas plus d'idées de ce qu'il fallait faire que tous ceux autour de moi. C'est l'impression qu'on ne fait que mentir autour de soi et qu'un jour ou l'autre, les gens vont finir par le savoir, et qu'à ce moment-là, tout va tomber autour de nous. C'est vraiment une angoisse.

"Il est difficile d'en parler"

Aujourd'hui, ça m'arrive moins souvent, mais ça m'est encore arrivé assez récemment. Grâce à mon école, j'ai pu participer à l'Académie Cinéma de HEC, où certains étudiants peuvent, au sein de plusieurs groupes, écrire puis réaliser un court-métrage. Et au sein de mon groupe, c'est mon scénario qui a été choisi. J'ai ensuite été chargé de le mettre en scène. J'avais donc autant de légitimité que n'importe quelle autre personne de mon groupe, parce qu'on était tous des débutants, mais j'étais persuadée que d'une façon ou d'une autre, j'avais réussi à flouer le jury, à leur faire croire que j'étais plus douée ou que j'avais une meilleure idée de ce que je faisais que les autres, alors qu'en réalité pas du tout. Au début, j'osais à peine prendre la parole sur la réalisation de ce court-métrage, un projet qui était pourtant le mien, dans lequel j'avais mis tout mon cœur.

Malheureusement, c'est quelque chose dont il est difficile de parler. Comme la plupart des choses qui ont rapport avec la confiance en soi, c'est un petit peu embarrassant. Et puis, ça peut parfois apparaître comme de la fierté mal placée. Parler du fait de vouloir se sentir fière de ce que l'on fait, on a l'impression que c'est se vanter de manière détournée…"