L'histoire du Château Bargylus, tout dernier producteur de vin en Syrie 3:26
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Ophélie Neiman restranscrit par Louise-Adélaïde Boisnard , modifié à
Pour rendre hommage à Riad Sattouf, l'invité de La Table des Bons Vivants du samedi 04 décembre 2021, Ophélie Neiman raconte l'histoire du tout dernier producteur de vin de Syrie. Un engagement fort pour maintenir le savoir-faire millénaire des viticulteurs syriens dans un pays en guerre depuis dix ans.

La Syrie est une des plus vieilles terres viticoles du monde, la production de vin y a commencé il y a près de 6.000 ans. Pourtant, l'activité a été entièrement abonnée avec de la guerre civile qui fait des ravages depuis dix ans. Plus de 350 000 personnes sont mortes à cause du conflit. Mais une famille a décidé de maintenir ce savoir-faire coûte-que-coûte : les Saadé.

18 hectares au milieu des bombes

Johnny Saadé et ses deux fils, Karim et Sandro Saadé gèrent le Château Bargylus dans le nord ouest du pays, dans la vallée de l'Oronte. Le père a créé ce domaine, et un autre au Liban, le château Marsyas, en 2004 et 2005. En Syrie, la famille forme une trentaine de personnes pour s'occuper de la production. Les cépages présents sont du Chardonnay, du Sauvignon blanc, du Cabernet Sauvignon, du Syrah et du Merlot. Sauf qu'en 2011 la guerre éclate... mais la famille résiste et continue de travailler. Aucune vendange n'a été oubliée depuis le début du conflit.

Le Château exporte même 45.000 bouteilles par an dans une trentaine de pays.

Le plus fou dans cette histoire, c'est que les Saadé gèrent tout à distance car ils habitent au Liban. Ils dirigent leur équipe par téléphone, par visio ou encore par WhatsApp. Avant chaque vendange, les échantillons des raisins de chaque cépage et de chaque parcelle sont acheminés en taxi jusqu'à Beyrouth pour les faire analyser.

Tenir le coup malgré la malchance

Le sort a l'air de s'acharner par moments sur ces viticulteurs syriens. Leurs bureaux ont été soufflés par l'explosion du port à Beyrouth l'an dernier. Johnny a été grièvement blessé au passage et la jambe de Sandro a été broyée. Pourtant, ils ont continué à piloter les vendanges depuis l'hôpital.

Lorsqu'Ophélie Nieman a demandé à Karim Saadé pourquoi ils continuaient, il lui a répondu : "La Syrie et le Liban sont des pays où on peut faire des grands vins. Donc, il faut produire l'excellence, quelles que soient les crises. C'est gratifiant. Et puis, c'est notre thérapie, c'est notre façon de surmonter les chocs psychologiques de la vie."

Un lien avec la France

Les vinifications du château Bargylus sont suivies par un conseiller français, Stéphane Moreau, en visioconférence. Les bouteilles syriennes sont aussi vendues en France comme au restaurant Spoon d'Alain Ducasse.