Leur fils et frère souffre de dysphasie : "Il faut faire le deuil de l'enfant dit normal"

  • Copié
Léa Beaudufe-Hamelin
Flavien souffre de dysphasie phonologique-syntaxique, un trouble du langage. Ses parents sont divorcés et c’est sa mère qui s’occupe principalement de lui. Stéphanie, sa mère, Philippe, son père, et Margaux, sa grande sœur, confient à Olivier Delacroix comment ils abordent chacun le handicap de Flavien.
TÉMOIGNAGE

Flavien a 7 ans et depuis sa naissance, il présente des troubles de langage et du comportement. Il y a deux ans, il a été diagnostiqué dysphasique phonologique-syntaxique. Sa mère, Stéphanie, a eu du mal à accepter ce diagnostic. Depuis son divorce avec Philippe, elle s’occupe seule de ses enfants et consacre tout son temps au handicap de Flavien. Stéphanie, Philippe et Margaux, la grande sœur de Flavien, se confient à Olivier Delacroix. Ils évoquent les difficultés de leur fils et frère et leurs préoccupations pour son avenir.

 

Avant que la dysphasie de Flavien ne soit diagnostiquée, Stéphanie avait remarqué ses difficultés : "Flavien est dysphasique phonologique-syntaxique. C’est un trouble du langage plus ou moins sévère. Avant qu'il ne soit diagnostiqué, il était différent dans son comportement et sa parole. Il avait des crises de colère. Ce qu'il voulait, il allait le chercher lui-même ou il nous le montrait, mais il ne le désignait pas par la parole. Ça m'a interpellée. C’est en moyenne section que je me suis vraiment dit qu’il y avait un problème. Il était très en retrait dans la classe. Les enfants dysphasiques ont tendance à se mettre en retrait parce qu’ils n'ont pas la parole.

Après le diagnostic, j'ai cherché le terme ‘dysphasie’ sur Internet. J’ai fait des recherches. J'ai commencé à lire des témoignages. Ça fait très peur. Tout s'écroule. Tout s'écroule parce qu'il faut faire le deuil de l'enfant dit ‘normal’. Il faut se dire que son enfant est différent, alors comment faire pour l’accompagner ? C'est très difficile, parce que vous n'avez pas d'arme, pas de médecin, personne pour expliquer ce que va devenir mon fils, ce qu’on va pouvoir mettre en place, ce que je vais pouvoir faire pour lui. Vous êtes seule. Point.

Je pense que le mot handicap fait peur. Je me suis renfermée pendant 10 mois. Le temps de digérer ce diagnostic. J’ai surprotégé mon fils. J’ai cherché des solutions. J’ai multiplié les dossiers pour tout ce que j'avais à faire pour lui. Au bout de 10 mois, je pense que j'ai assumé le handicap de Flavien. J'ai accepté et j'ai pris conscience que je mènerai ce combat seule de toute façon. Le fait d'intégrer ça, m'a permis de sortir de ma coquille et de me dire : ‘Flavien n'a que toi et c'est à toi te débrouiller, de le faire avancer et de te battre.’"

" Il faut l'aider et l'encourager, mais c'est un enfant comme les autres "

Philippe, le père des enfants, ne les voit qu’une fois tous les quinze jours depuis son divorce avec Stéphanie. Selon lui, cette distance est fâcheuse pour Flavien : "C'est forcément une difficulté supplémentaire pour l'enfant, parce qu’il a normalement besoin de son père et de sa mère. Mon ex-femme fait un travail formidable. Elle est beaucoup plus présente pour la maladie de Flavien que moi. Je le vois une fois tous les quinze jours, donc je vois des progrès réguliers au niveau de sa syntaxe. Cette année, il est entré en CP et j'ai été enchanté de voir qu’au bout d'une semaine, il récitait une petite poésie. Il progresse. C'est du bonheur.  

En termes de comportement, c'est un enfant tout à fait normal. Il faut le laisser évoluer à son rythme. Il faut l'aider et l'encourager, mais c'est un enfant comme les autres. Je m'interroge beaucoup sur l’avenir de Flavien. Est-ce qu’il aura les moyens d'être autonome et avoir une vie normale, c'est-à-dire pouvoir lire, écrire, compter, passer son permis de conduire, trouver un travail et fonder une famille. C'est vraiment un objectif. Je pense que ça se fera."

" Mon rôle de grande sœur, c'est de le tirer vers le haut "

Margaux, la sœur aînée de Flavien, s’implique dans le développement de son petit frère. Elle explique comment elle envisage son rôle de grande sœur : "Mon rôle, c’est de l'aider à progresser. Ce que je veux, c'est que mon frère soit comme les autres. Ce n'est pas de sa faute, mais je sais qu’il ne pourra peut-être pas être comme les autres. Mon rôle de grande sœur, c'est de le tirer vers le haut. Je dois m’en occuper. Ma tâche, c'est de lui apprendra à mieux lire, mieux écrire et mieux parler. 

Parfois, j'arrive à lui faire écrire les jours de la semaine. Il écrit assez bien, mais il y a quelques lettres qu’il n’arrive pas à bien écrire. Je trouve qu'il a beaucoup progressé. Avant, il ne faisait presque aucune phrase. J’arrive à le comprendre." Stéphanie se réjouit aussi des progrès de son fils : "Il s'est métamorphosé. Je pense qu'il se sent bien dans ses baskets. Il se sent plus en confiance. Il a pris ses marques. Depuis qu'il est en CP, je le trouve beaucoup changé. Il a grandi."

Stéphanie confie être épuisée, mais toujours parvenir à avancer : "J'ai envie de refaire ma vie, mais à l'heure actuelle j'ai mes trois enfants à temps plein et en plus Flavien a ce handicap. Ce n'est pas simple. Je ne veux pas faire une généralité, mais un homme veut d’une femme, mais souvent ne veut pas prendre les enfants, notamment un enfant avec un handicap. Ma vie tourne autour de Flavien et est rythmée en fonction de ses rendez-vous. Quelque part, je suis épuisée. Épuisée par les épreuves de la vie et par le travail. Épuisée, mais j'ai toujours de l'énergie et j'ai toujours un sursaut pour me dire : ‘Tu n’es pas épuisée, tu avances.’

Je pense à l’avenir de Flavien, mais j'ai peur. Est-ce qu'il va avoir les armes ? Il faut que je lui donne ces armes. J’ai cette angoisse. J'essaie de ne pas me projeter trop loin, mais c'est difficile. On se pose plein de questions quand on a un enfant avec un handicap. Je pense que je serai fière de moi le jour où Flavien aura son premier emploi et qu'il fera un métier qu'il aime. Je serai fière de moi et je serai très fière de lui."