Leur fils a été diagnostiqué autiste : "La vie n'a plus jamais été comme avant"

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Léa Beaudufe-Hamelin
Le quotidien de Ferdinand et Sophie a été bouleversé quand leur fils, Luigi, a été diagnostiqué autiste. Ils ont alors œuvré pour favoriser son développement. Auprès d’Olivier Delacroix, ils se réjouissent des progrès de leur fils, qui va désormais à l’école, alors qu’il ne parlait pas il y a quelques mois.
TÉMOIGNAGE

Luigi a six ans et a été diagnostiqué autiste. S’il y a quelques mois, il ne parlait pas, il va désormais à l’école deux heures par jour, accompagné par une assistante de vie scolaire (AVS). Le reste du temps, Luigi est pris en charge par des bénévoles qui appliquent la "méthode des 3i" (individuelle, interactive et intensive). Cette méthode, non reconnue par la Haute Autorité de Santé, consiste à éveiller l’enfant en le stimulant continuellement au moyen d’activités ludiques. Les parents de Luigi, Sophie et Ferdinand, racontent à Olivier Delacroix leur quotidien depuis que leur fils a été diagnostiqué autiste. 

Ferdinand se souvient du jour où Luigi a été diagnostiqué autiste : "On a rencontré un très éminent pédopsychiatre qui n'a même pas regardé l'enfant qui dormait à côté de nous. D'après ce qu'on lui a raconté, il a dit : ‘Votre enfant est autiste’. Il a poussé la boîte de Kleenex vers nous et il a continué : ‘On a beaucoup de sujets. Dans un an peut-être, on pourra vous donner un rendez-vous’. Ça assomme. Je pense qu'il y a deux attitudes possibles : soit tu prends des antidépresseurs et tu laisses tout tomber, soit tu bosses et tu te motives pour en sortir."

Le couple a alors choisi d'agir, poursuit Sophie : "C’est allé très vite. On s'est demandé comment on pouvait faire et on a essayé quelque chose tout de suite. Quand le diagnostic a été posé, on a demandé un deuxième avis médical, dans un grand hôpital à Paris, selon lequel il n'y avait rien à faire. Moi, je n'avais pas envie d’entendre qu’il n’y avait rien à faire. Je pense que les parents à qui l’on dit qu’il n’y a rien à faire, sont entraînés dans le côté médical glauque. Nous, on a choisi le côté humain. On s’est dit qu’on pouvait ne pas y arriver, mais on tente."

" Avant il comprenait, mais il ne parlait pas "

Depuis deux mois, Luigi va à l’école deux heures par jour, accompagné par une auxiliaire de vie scolaire, explique Sophie : "Il faut beaucoup de patience et un peu de chance aussi pour obtenir une AVS. Tous ceux qui en font la demande n'ont pas la chance de l’obtenir. On a eu cette chance. Elle est là le temps que Luigi mette le pied à l'étrier. Après, il continuera tout seul. Il s'intègre aux autres, et les autres l’accueillent et apprennent à vivre la différence. C'est enrichissant pour lui parce que il est comme les autres, mais aussi pour les autres qui voient que ce n’est pas parce qu'on est différent, qu'on ne peut pas grandir, jouer, rire et vivre ensemble.

Je suis très fière de lui parce qu'on voit qu'il avance. Je pense qu'il est content. Il est un peu comme tous les enfants. Il y a deux ou trois jours, il a dit qu’il n’avait pas envie d'aller à l'école. On s'est assis sur le banc en face de la classe et on en a parlé. Je lui ai dit que j'avais bien compris c'était difficile pour lui, mais que c'était important qu’il y aille. La maîtresse a pris le relais et lui a expliqué la même chose. Il est capable de comprendre. Avant, je pense qu'il comprenait, mais il ne parlait pas."

" Avoir rencontré Luigi m'a apporté beaucoup de choses "

Le père de Luigi se livre sur les difficultés de communication de son fils : "Avoir rencontré Luigi m'a apporté beaucoup de choses. Ça m'a ouvert les yeux sur le fait qu'il faille aborder la communication différemment, trouver d'autres mots et d'autres gestes pour réussir à travailler ensemble. On est deux à penser. On ne parle pas le même langage. Le but, c'est de trouver le moyen de communiquer. Luigi m'a appris que la manière classique ne marche pas. Donc, il faut en trouver une autre. Si elle ne marche pas, on en cherche une autre jusqu'au moment où l’on réussit à obtenir une attention, une tension, un regard. 

Ce qui m’importe aujourd'hui, ça serait qu'il arrive à articuler pour qu'il y ait une véritable communication. Il sera moins dans son monde. Quand il sort quelques sons que l’on ne comprend pas, il est persuadé qu'on les a compris. Il faut qu’il prenne conscience que l'on a besoin de comprendre et que pour comprendre, il faut réussir à trouver le mot qui sera le nôtre et pas le sien. Dans le futur, je ne voudrais pas que ce soit moi qui aille vers lui, mais que lui réussisse à venir vers nous en utilisant le vocabulaire."

" Ça a été le début d'une aventure humaine extraordinaire "

Pour favoriser le développement de leur fils, Sophie et Ferdinand ont opté pour la "méthode des 3i". Sophie explique en quoi celle-ci consiste : "Cette méthode est née chez des parents américains qui se sont dit que si l’enfant n'arrive pas à communiquer avec nous, ce n'est pas parce qu'il ne veut pas, c’est parce qu’il ne peut pas. Alors, comment pouvons-nous nous mettre au même niveau que lui pour qu’il communique avec nous ? C'est comme ça qu'ils ont commencé, en l’imitant. L'enfant se voyant imité, se dit qu’il a un semblable en face de lui. On entre ainsi petit à petit en communication.

C'est un sacré travail et c'est une sacrée démarche. Aller vers quelqu'un en disant : ‘J'ai un enfant différent qui a besoin de vous toutes les semaines, gratuitement, pendant je ne sais combien de temps’, ce n'est pas évident. On en a d'abord parlé à l'école. Le jour de la réunion, il y avait une quarantaine de volontaires. C'est le beau côté de la nature humaine, parce que ça a été le début d'une aventure humaine extraordinaire. 

La personne qui est là n'a pas besoin d'avoir de qualités particulières, ni un métier extraordinaire. Ce n'est pas du travail six heures par jour. C'est être ensemble six heures par jour. Ça s'est toujours bien passé. Il y a des gens qui étaient très dubitatifs, qui se sont tâtés pendant des semaines. Puis, quand ils se sont lancés, ça s'est très bien passé à la première séance. C'est une méthode qui est très exigeante. Je pense qu'elle est mal comprise."

" Il est entré dans notre monde "

Luigi progresse. Sophie et Ferdinand se souviennent du jour où il leur a montré qu’il commençait à prendre conscience du monde qui l'entoure : "Ses frères et sœurs, Gladys et Lorenzo étaient déjà à la maison. Il est arrivé en disant : ‘Coucou, je suis là’. C’était il y a trois ou quatre mois. Il n’était jamais arrivé à mettre trois mots l'un derrière l'autre. C'était vraiment super. ‘Je suis là’, c'est-à-dire qu’il sait qu'il existe. Il était content de le dire en plus. C’était un cri de plaisir pour lui" se réjouit Sophie.

Ferdinand poursuit : "Il est entré dans notre monde. Il était à côté et il est entré. Il faut continuer. Il ne faut surtout pas lâcher prise en se disant que tout est gagné et qu’il va évoluer tout seul. Il faut trouver d'autres moyens de continuer à développer ses sens pour qu'il ait de plus en plus envie de venir. Une heure plus une heure, ça fait des milliers d'heures qui font que la vie revient."

Sophie confie que le handicap de Luigi a eu des conséquences sur sa vie : "Après le diagnostic, je me suis dit que la vie ne serait plus jamais comme avant. Je n'ai pas réussi à en parler tout de suite. J'ai mis plusieurs jours. J’ai eu besoin de me retrouver avec moi-même. J'ai eu besoin de faire le point. C'est violent d'entendre quelque chose comme ça, parce qu’un enfant, c'est innocent. Il n'avait rien fait. Donc, la vie n'a plus jamais été comme avant. 

Rien que quand on a trois enfants et un travail 7 jours sur 7, ce n'est pas évident de garder sa vie de femme. N’importe quelle maman se reconnaîtra. Alors là… On s’oublie certainement parce qu'on ne peut pas tout faire. On a beau y mettre la meilleure volonté du monde, on a des limites. J'ai appris à voir mes limités, mais à les repousser toujours un peu plus loin. Quelle aventure ! On n’en sort pas indemne. C'est tellement riche. Ce sont des enfants qui nous apportent tellement. Ils ont une peu la part d'un ange."

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