Euro 2:46
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Zoé Pallier édité par Léa Leostic
Portés par l’Euro de foot, les paris sportifs ont la côte, et notamment chez les jeunes des quartiers populaires, dont les géants du secteur ont fait la cible prioritaire de leur campagne publicitaire. Les risques d’addiction sont élevés et inquiètent l’Autorité nationale des jeux, chargée de réguler ce marché. Reportage à Noisy-le-Grand, en Seine-Saint-Denis. 
REPORTAGE

Bien aidés par l’Euro de foot, les paris sportifs en ligne explosent. 25 millions de mises ont été enregistrés lors du match France-Hongrie samedi dernier (1-1), soit un record absolu. Mais l’Autorité nationale des jeux s’inquiète car les parieurs sont de plus en plus jeunes.

Car même si, officiellement, il faut avoir 18 ans pour parier, il est en réalité assez simple pour un mineur de mentir sur son âge, surtout depuis que tout se fait sur Internet. D’après l’association SOS joueurs, quatre jeunes de 17 ans sur 10 font des paris sportifs, dont la majorité sont des adolescents des quartiers populaires. Les géants du secteur l’ont d’ailleurs bien compris puisqu’ils font de ces jeunes leur principale cible dans leur campagne marketing.

"Quand on parie, on ressent plus d’émotions"

Par exemple à Noisy-le-Grand, en Seine-Saint-Denis, impossible de manquer les grandes affiches publicitaires, sur tous les abribus dans la rue du collège. Elles mettent en scène un rappeur star chez les jeunes, qui joue les plus grosses côtes et gagne des millions. "Moi, l’affiche m’a attiré directement. Il y a aussi beaucoup de pubs aussi sur les réseaux, sur Snapchat et tout", raconte un adolescent rencontré par Europe 1.

L’opération séduction est réussie et dans la cour de récré, c’est un peu la course à celui qui osera miser le plus, grâce au code de carte bleue de papa ou maman. "Quand on parie, on ressent plus d’émotions. Quand ton équipe marque, tu vas crier parce que tu as parié une grosse somme d’argent. Et si tu n’as pas parié, ce sera juste bof", continue un autre jeune.

"Tu te mets à parier sur des choses que tu ne connais même pas"

"Quand il n’y avait plus de foot, entre la fin du championnat et l’Euro, j’avais envie de gagner de l’argent quand même et de vibrer. Du coup, tu te mets à parier sur des choses que tu ne connais même pas, comme du foot australien, du hockey, à deux ou trois heures du matin", raconte Antoine. "Tu fais ça quand tu commences à perdre. Et ensuite, tu veux regagner vite, mais au final, tu perds encore plus", complète son ami Erwan. Tous les deux sortent leur téléphone alors que la sonnerie de la récré n’a même pas encore fini de retentir.

"On a grandi là-dedans, tout le monde le fait"

"Ça m’est déjà arrivé de mettre 200 ou 250 euros. On a grandi là-dedans, tout le monde le fait. On voit les grands de notre quartier parier, on rentre dans l’engrenage et on essaye de faire pareil", raconte Karim qui s’est plusieurs fois promis d’arrêter. Dans leur entourage, ils trouvent aussi des jeunes adultes qui se retrouvent endettés après avoir perdu des centaines voire des milliers d’euros en paris.

L'Autorité nationale des jeux met en garde les opérateurs

De son côté, l’Autorité nationale des jeux, qui joue le rôle de régulateur, a indiqué jeudi par la voix de sa présidente qu’une lettre avait été envoyée aux opérateurs pour les mettre en garde. Le texte leur rappelle qu’ils ont l’obligation de protéger les joueurs, en les redirigeant par exemple vers des structures de soin pour les plus addicts. L’Autorité nationale des jeux précise également qu’elle peut décider de retirer toute publicité jugée mensongère.