Le macabre scénario des parents de Fiona devant les assises

Pendant des semaines, le portrait de Fiona s’est affiché partout.
Pendant des semaines, le portrait de Fiona s’est affiché partout. © DR
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Caroline Politi , modifié à
La mère et le beau-père de Fiona comparaissent à partir de lundi devant la cour d'assises du Puy-de-Dôme pour "violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner".  

Pendant des semaines, le portrait de Fiona s’est affiché partout. Son joli minois souriant, ses yeux bleus rieurs, ses cheveux blonds coiffés de deux couettes. Qu’est-il arrivé à cette fillette de cinq ans disparue dans un parc de Clermont-Ferrand, le 12 mai 2013, alors qu’elle jouait avec sa petite sœur de deux ans ? Aux enquêteurs, sa mère, Cécile Bourgeon, explique qu’elle s’est assoupie un quart d’heure, fatiguée par ses six mois de grossesse. Devant un parterre de journalistes, elle supplie, en larmes, qu’on lui rende sa fille. Son compagnon, Berkane Makhlouf, le beau-père de Fiona, confie publiquement s’inquiéter pour sa "pépette".

Malgré un important dispositif policier, Fiona n’a jamais été retrouvée. Ni son corps. Mais contrairement aux autres disparitions d’enfants, il n’existe pas de cellule dédiée. Les recherches ont cessé moins de six mois après sa disparition. Lorsque le couple a avoué que l’enlèvement était un leurre. Un subterfuge, destiné à masquer son décès. Ils comparaissent à partir de ce lundi pour "violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner" devant la cour d’assises du Puy-de-Dôme. Ils encourent 30 ans de réclusion.

Un comportement suspect. Leur scénario a rapidement été mis à mal par leurs incohérences et leurs imprécisions. Les enquêteurs s’étonnent qu’ils soient incapables de retracer précisément ce qu’ils ont fait au cours de la dernière semaine. L’attitude de Cécile Bourgeon les trouble. Le pompier qui recueille son appel, le jour de la disparition, la trouve étrangement calme. Elle n’affiche, explique-t-il, aucune émotion. L’image du couple lisse qu’ils tentent de donner ne résiste pas aux investigations. Tous deux sont violents et toxicomanes, accros au cannabis et à l’héroïne. L’institutrice de la fillette - qui ratait très souvent l’école - confie qu’une semaine avant sa disparition, elle portait un large bandeau lui couvrant entièrement le front. L’assistante maternelle compare son teint gris à celui d’un "petit cadavre".

Les soupçons montent d’un cran lorsqu’un voisin du couple affirme avoir vu Berkane Makhlouf porter un gros sac la veille de l’enlèvement. Sur l’ordinateur de Cécile Bourgeon, les policiers découvrent plusieurs recherches relatives à des disparitions d’enfants avant même celle de sa fille. Des articles sur la petite Typhaine, décédée d’une "punition qui a mal tournée" ou sur deux enfants qui se sont volatilisés dans un parc de Marseille et dont les parents n’ont signalé la disparition qu’au bout d’une quinzaine de minutes. Ils retrouvent également des photos d’une enfant battue à mort aux Etats-Unis sans que l’affaire n’ait jamais été élucidée. Peu à peu, l’hypothèse de l’enlèvement s’éloigne et celle d’une mise en scène pour camoufler la mort se dessine. Même leurs copains de "défonce" dans le squat dans lequel ils ont l’habitude de se rendre, parfois avec leurs filles, penchent pour la thèse d’un accident.

Aveux partiels. Les policiers attendent toutefois que la jeune femme accouche avant de les reconvoquer, sous le régime de la garde à vue, cette fois. Au terme de la quatrième audition, le vernis craque. Cécile Bourgeon accuse son compagnon de frapper l'enfant. Ce n’est pas la première fois que Fiona se "mangeait des coups de Berkane", assure-t-elle. Mais la veille du drame, il aurait été plus violent que d’habitude. La fillette se serait relevée dans la nuit pour vomir et se plaindre de douleurs au ventre, explique la jeune femme, aujourd'hui âgée de 30 ans. Elle a découvert le lendemain son corps "immobile" dans son lit.

Berkane nie. Il affirme d’abord que Fiona s’est cognée en faisant du vélo et est décédée en s’étouffant dans son vomi pendant son sommeil. Lors d’une des auditions, il dérobe un portable et laisse un message à sa compagne. "J’ai dit la même chose que toi, que t’as voulu dire. Donc je t’ai suivi et je t’aime de tout mon cœur. Voilà, je répète la même chose que toi (…) Ouais par contre, ce qu’il va falloir mon cœur, c’est au niveau de l’hématome, t’as dit n’importe quoi." Il change finalement sa version des faits et assure que sa compagne "défoncée" a porté "deux coups de pompe à sa fille", ainsi que des coups sur la tête.

Où est le corps ? Le scénario est flou et aucune expertise précise n’a jamais pu être établie puisque le corps de l’enfant est introuvable. La mère et le beau-père de Fiona affirment l’avoir enterrée près du lac d’Aydat, à une vingtaine de kilomètres de Clermont-Ferrand. La scène qu’ils décrivent lors de leurs auditions est glaçante. En découvrant que la fillette sans vie, ils décident de ne pas prévenir les pompiers et placent sa dépouille dans un sac de voyage qu’ils installent à l’arrière de la voiture, à côté de la petite sœur de Fiona. Puis, se mettent en quête d’un coin isolé. Où se trouve la tombe de la fillette ? Malgré de nombreuses recherches dans le secteur, les indications du couple sont toujours restées particulièrement vagues. "A droite d’une maison abandonnée", "à gauche des vaches"…

Amnésie liée à un effet prolongé de la drogue ? Pour se protéger d’un acte qu’on ne peut assumer ? Ou mensonge délibéré pour empêcher que la découverte du corps de la fillette ne révèle la réalité du traitement qui lui a été infligé ? Les psychiatres sont partagés. Mais une chose est sûre, ce point sera au cœur des 15 jours d’audience. Pour qu’un jour peut-être Fiona ait une sépulture, plus décente que sa courte vie.