L'affaire Claude Nolibé : un coupable trop parfait

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Clémence Olivier

Christophe Hondelatte revient lundi sur l'enquête autour du meurtre de Caroline Nolibé, tuée en 1991 dans le Lot et Garonne. Une enquête où les erreurs se sont accumulées.

C'est une affaire criminelle complexe sur laquelle revient lundi Christophe Hondelatte, car l'enquête a duré dix ans mais surtout parce que celle-ci a cumulé tous les défauts d'une mauvaise enquête. C'est l'affaire Claude Nolibé.

Le père rapidement soupçonné. L'affaire débute le 31 juillet 1991, à Clairac, un petit village du Lot et Garonne. C'est ici que Caroline Nolibé, une jeune femme de 18 ans est retrouvée morte à moitié pendue au portail de sa maison. D’après les premières constatations, elle a été tuée à coups de couteau. Dans la demeure où elle vit avec son père, des traces de sang sont également retrouvées. Les clés de Caroline sont découvertes sur la porte d'entrée à l'intérieur du domicile.

Le père, Claude Nolibé, qui a découvert le cadavre, est confus dans ses premières déclarations. Il indique aux enquêteurs que son téléphone était verrouillé alors qu'un médecin a pu l'utiliser quelques minutes plus tard. Il n'arrive pas non plus à se souvenir s'il a tenu dans ses bras sa fille au moment de sa découverte, ce qui expliquerait toutes les traces de sang dans la maison. Il affirme également que c’est lui qui a mis les clés de Caroline dans la porte d’entrée. Or, la mère de Caroline assure que sa fille qui lui a rendu visite le soir du meurtre avait bien ses clés avec elle. Cela laisserait entendre que Caroline a pu être tuée dans la maison. Claude Nolibé est donc assez vite soupçonné.

"On imagine toujours que les gens peuvent répondre de façon rationnelle. Mais c'est compliqué dans ce genre de conditions surtout quand on a un comportement un peu naïf", décrypte Me Frédéric Veyssière, l'avocat du coupable, au micro de Christophe Hondelatte sur Europe 1. Les gens ont parfois des réactions étranges mais cela ne veut pas dire pour autant qu'ils sont coupables."

L'enquête piétine. Placé en garde à vue à plusieurs reprises, Claude Nolibé nie les faits malgré la pression subie. Relâché une première fois, il sera déféré le 12 août devant un juge d'instruction, mis en examen pour meurtre et écroué malgré le manque de preuves. Car les gendarmes sont convaincus de sa culpabilité et à Clairac, la rumeur enfle. Pour les habitants, il est le coupable idéal, notamment parce qu'il entretenait une relation très forte avec sa fille et cette bonne entente, pour eux, a forcément quelque chose de malsain. Le 27 septembre, après une reconstitution au cours de laquelle Claude Nolibé craque devant le faux cadavre de sa fille, la juge émet toutefois un doute. Elle décide de maintenir l'inculpation de Claude Nolibé mais le laisse libre.

Une nouvelle piste en 1997 mais toujours pas de coupable. Il faudra attendre quatre ans pour que l'affaire soit relancée. Une lacune dans l'enquête est alors mise en lumière : les gendarmes n'avaient pas noté qu'un Institut médico-éducatif (IME), qui accueille les adultes handicapés mentaux, se trouvait juste à côté du domicile des Nolibé. Néanmoins, cette piste est vite balayée car aucun des pensionnaires présents à l'IME le soir du meurtre ne possède de casier judiciaire. Deux ans passent encore et en 1997, un non lieu est finalement prononcé à l'encontre du père pour insuffisance de preuves. Pour autant, Claude Nolibé est contraint de quitter le village, blessé par les rumeurs persistantes.

La clé sur un bout de papier ? C'est finalement un bout de papier qui va faire basculer l'affaire. Il est découvert par une femme de ménage de l'IME en 2001. Sur celui-ci, on peut lire : "Je suis l'assassin de Caroline Nolibé".  C'est Philippe Guendouze, un déficient mental de 38 ans, qui l'a rédigé. Il était présent le soir du meurtre dans l'IME mais le personnel encadrant avait oublié de le mentionner. Surtout, les enquêteurs découvrent que cet homme avait déjà agressé une jeune femme avec un couteau quelques années auparavant. Dans sa chambre, on trouve d'ailleurs plusieurs couteaux et un gant. Cet homme est rapidement placé en garde à vue d'où il explique avoir noté la vérité avant de se rétracter.

Philippe Guendouze condamné. Philippe Guendouze comparaîtra le 10 janvier 2004 devant les assises de Lot et Garonne, deux experts sur trois estimant qu'il est possible de le juger malgré sa déficience. Ses avocats plaident l'acquittement mettant en avant des incohérences dans le dossier notamment car le mystère des clés de Caroline trouvée sur la porte d'entrée n'a pas été élucidé. Philippe Guendouze est pourtant condamné à 15 ans de prison. Cela juste après que l'avocat général ait présenté des excuses à Claude Nolibé. Un fait très rare. "Les excuses étaient nécessaires pour Claude Nolibé. Je pense que c'était mérité", estime Me Frédéric Veyssière. "Bien que je sois le défenseur de Philippe Guendouze, je n'ai aucune suspicion sur Claude Nolibé", précise l'avocat. Néanmoins, il estime que la vérité n'a toujours pas éclaté et réaffirme que son client a été mal jugé. "Je pense que quand une enquête part du mauvais pied, le chemin amène souvent à une conclusion erronée. Ça a été le cas pour Claude Nolibé mais malheureusement c'est la même chose pour Philippe Guendouze".