LA QUESTION SEXO - Mon père parle trop librement de sexualité, que faire ?

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Catherine Blanc
Dans "Sans Rendez-vous", la sexologue et psychanalyste Catherine Blanc répond à Isabelle. Cette dernière est gênée d'entendre son père parler de sa sexualité avec sa mère lors des repas de famille. Pour la spécialiste, il ne faut pas hésiter à lui dire la vérité, afin que cela cesse. 

>> Jardin secret pour certains, élément que l'on peut aborder librement pour d'autres, la sexualité est un sujet où la communication est laissée à la discrétion de chacun. Mais la liberté des uns ne doit pas empiéter sur celle des autres. Et c'est justement ce qui gêne Isabelle, qui se retrouve à devoir subir les lamentations de son père sur la ménopause de sa mère, et la baisse de libido qu'elle engendre, en plein repas de famille. Pour la sexologue et psychanalyste Catherine Blanc, il faut prendre le taureau par les cornes et lui dire que cette situation met mal à l'aise toute la famille.  

La question d'Isabelle 

Mon père de 55 ans souffre beaucoup car ma mère est en pleine ménopause et n’a plus de libido. Je le sais car il lui fait souvent des remarques quand lors des repas de famille comme si c’était des blagues. C’est un peu gênant pour tout le monde, bien qu'on ait toujours parlé librement de sexualité chez nous. Que devrais-je lui dire pour lui faire comprendre que ça ne nous regarde pas ?

 

La réponse de Catherine Blanc

Certains mettent la sexualité du côté de l'interdit absolu et n'en parle jamais, quand d'autres sont plus libres. Mais parler de sa sexualité c'est autre chose. Au-delà d'un petit exhibitionniste, chacun est libre de son silence, sa pudeur ou son impudeur, à condition de respecter celle des autres. Et c'est là, évidemment, que la liberté de ceux qui parlent doit trouver sa limite, notamment quand il y a des enfants présents.

Je le trouve très détendu pour en parler à table. Est-ce qu'il ne cherche pas à faire passer un message à sa femme ?

Dans ce cas de figure, on ne peut pas dire qu'il est détendu parce que je pense qu'au contraire, il est très tendu. Et c'est bien là le problème de cet homme dans sa relation avec sa femme. Il a sans doute une difficulté à lui faire face en général, d'où un besoin d'appuis extérieurs. Il essaie peut-être d'aborder un sujet à table parce qu'il n'y arrive pas en tête-à-tête : comment dire à l'autre qu'il est en tort de ne pas avoir de désir ? C'est là toute la difficulté. Et du coup, les enfants sont pris en otage. 

La sexualité des parents concerne-elle les enfants une fois qu'ils sont adultes ? 

Non, ça ne les regarde pas, qu'importe leur âge. Les enfants ont besoin de ne pas être dans la chambre à coucher. Ça ne les regarde pas plus d'entendre comment se passe la sexualité des parents, qu'ils ne seraient légitimes d'être invités à être assis à côté des parents pendant qu'ils sont en train de faire l'amour. On pourrait dire qu'il y a une différence entre être dans la chambre à coucher et écouter le discours. Et pourtant, non : fantasmatiquement, quand vous entendez quelqu'un parlez, vous visualisez les choses. C'est comme si on vous faisait rentrer dans la chambre à coucher.

Bien entendu, ici les enfants sont des adultes et ce n'est pas la même chose qu'avec des enfants en construction. Mais la question d'Isabelle peut aussi révéler un potentiel sentiment de culpabilité alors qu'elle se retrouve dans une position supérieure à sa mère. Elle est en capacité de faire l'amour avec son conjoint quand sa mère ne l'est plus.  

À ce titre ce n'est pas sain de mettre les enfants dans une telle situation. 

Cet homme souffre de ne pas pouvoir avant tout s'exprimer et partager avec sa femme plus qu'il ne souffre sexuellement. On ne souffre pas sexuellement, on est dans un désir qui est frustré.

Est-ce aux enfants de verbaliser cette gêne ? 

Oui, surtout qu'ils sont adultes et qu'être public de quelque chose sur lequel on ne peut rien n'a aucun intérêt.

Faut-il attendre la prochaine blague ? 

Je ne pense pas. Il faut pouvoir, si on s'en sent le courage, de lui en parler et de lui dire que cela met tout le monde mal à l'aise. Sinon on attend la prochaine blague en disant que ça commence à être très lourd. Et pourquoi pas lui proposer d'aller en parler à un spécialiste.