LA QUESTION SEXO - Les hommes n'osent-ils plus faire le premier pas depuis #MeToo ?

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Catherine Blanc
Dans "Sans Rendez-vous", la sexologue et psychanalyste Catherine Blanc répond à Sandra. Cette auditrice pense que les hommes n'osent plus faire le premier pas depuis le mouvement #MeToo, une situation qu'elle déplore car elle n'a pas "été élevée" comme ça" et préfère que ces derniers prennent les devants. 

>> Une chose est sûre, la vague #MeToo a profondément bouleversé notre société. Au point que les hommes rechignent désormais à faire le premier pas ? C'est en tout cas l'impression qu'a Sandra, une auditrice qui déplore cette situation. N'ayant pas été "élevée comme ça", elle préfère que ce soit les hommes qui prennent les devants. Pour la sexologue et psychanalyste Catherine Blanc, cet inconfort est tout a fait normal, puisque Sandra doit dévoiler son désir pour obtenir ce qu'elle souhaite. Dans "Sans Rendez-vous", la spécialiste lui conseille donc "d'élargir son champ des possibles" et ne pas attendre qu'un homme vienne la draguer.

La question de Sandra 

Depuis #MeToo, j’ai l’impression que les hommes ne veulent plus faire le premier pas. Je n’ai pas été élevée comme ça, je préfère quand ce sont eux qui prennent les devants. Qu’en pensez-vous ?

 

La réponse de Catherine Blanc

La vague #MeToo a obligé les femmes à s'exposer dans leur désir. Jusqu'à présent on était dans un système où l'homme propose et la femme dispose. Il y avait des propositions qui étaient possiblement refusées ou au contraire acceptées. Mais désormais il faut que cette femme-là, ici Sandra, s'expose. Il lui faut donc se révéler sans trop qu'elle sache qui pourrait la désirer en retour. Et ce n'est pas forcément simple, puisqu'une femme qui était trop désirante était souvent considérée comme trop ouverte. Elles se faisaient donc discrètes. 

Mais les hommes n'osent-ils vraiment plus faire le premier pas comme le dit Sandra ? 

En réalité, les choses ne changent pas. Les hommes vont continuer à draguer les femmes et s'exprimer selon leur leur élan personnel. Ceci étant, il y a certaines femmes qui n'en profiteront plus parce que, de toute façon, elles auront un regard méfiant face à ces hommes. Ces derniers vont percevoir de la défiance et du coup rester à l'écart en attendant le feu vert de la dame, quand d'autres vont continuer à être bienveillant. De leurs côtés, les pervers le sont toujours. La nature des hommes ne change donc pas et c'est toujours aux femmes de veiller à leur propre sécurité. 

Un compliment pré-#MeToo est-il aujourd'hui vécu comme une forme de harcèlement ? 

C'est un débat qui mériterait beaucoup plus que le temps de la chronique, parce qu'on est au millimètre. Un compliment n'est pas un harcèlement. Pour autant, en fonction de qui le dit, comment, et surtout de la personne qui le reçoit, cela peut changer. C'est-à-dire que si je suis quelqu'un qui a peur des hommes, un "tu es belle" peut renvoyer à une peur et me laisser penser à une agression. 

Toute la difficulté réside dans le fait que le problème ne tient pas tant dans le propos que dans ce que veut dire le propos. Il y a la personne qui parle et celle qui le reçoit, c'est extrêmement complexe. 

Que Sandra ait été élevée comme ça, on l'entend, mais elle ne peut pas passer son temps à souffrir au prétexte d'une éducation. Il lui appartient aussi d'élargir le champ de ses possibles si elle a envie d'être vu comme étant désiré et désirante et désirable et désirante. Mais ce n'est pas parce qu'on est éduqué d'une certaine manière qu'on ne peut pas bouger ses lignes pour autant. 

C'était important que l'on dénonce des choses qui n'étaient pas acceptables avec #MeToo, tout comme il était important que les hommes apprennent qu'on ne peut pas faire tout et n'importe quoi, mais aussi que les femmes comprennent bien qu'elles ont un droit de veto. Ceci étant dit, il appartient aux deux sexes de trouver leur liberté de mouvement. Il n'est pas question de castrer les hommes, ni que les femmes se retrouvent en position de juger le masculin.