LA QUESTION SEXO - Après 45 ans de vie commune, ma femme n'a plus de désir, que faire ?

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Catherine Blanc
Alors que sa femme n'a plus de libido, contrairement à lui, Patrick s'interroge sur ce désir différent dans son couple, après 45 ans de vie commune. La sexologue et psychanalyste à Paris Catherine Blanc lui répond sur Europe 1, lundi après-midi.

Patrick est en couple avec sa femme depuis 45 ans et se pose aujourd'hui une question : comment faire repartir le désir chez son épouse, alors que lui n'a justement pas arrêté de vouloir des relations sexuelles avec elle ? Le septuagénaire s'interroge sur ce décalage de libido, qu'il n'a pas envie de corriger en forçant le désir de sa partenaire. Sur Europe 1, lundi, la sexologue et psychanalyste à Paris Catherine Blanc lui répond dans l'émission Sans Rendez-vous avec Mélanie Gomez.

La question de Patrick, 73 ans

"J'ai la chance d'avoir encore ma femme que j'aime depuis 45 ans. Malheureusement, elle n'éprouve plus de désir sexuel alors que moi, si. Nous avons quasiment le même âge, à deux ans près. Je n'ai pas envie de la forcer, quels conseils me donneriez-vous ?"

La réponse de Catherine Blanc

"Ce n'est pas toujours la même libido, quand on vieillit. La libido évolue tout au long de notre vie. Ce n'est pas la même à 71 ans, qu'à 40 ans, 50 ans, etc. Effectivement, ce sont à chaque fois des temps de réadaptation : il y a eu le temps de la ménopause, avec des détériorations potentielles du corps, de la lubrification, de l'épaisseur de la peau et donc du vagin. Souvent, ça peut perturber la sexualité.

Il faut aussi faire avec son enveloppe corporelle, son regard sur soi-même. La sexualité invite à une érotisation, il faut donc faire avec une idée de soi et la réalité de soi. Parfois, ça coince un petit peu, ce qui peut entraîner une libido un peu défaillante.

Il y a aussi l'idée que l'autre, qui est l'autre du quotidien, est devenu notre meilleur ami. Potentiellement, on oublie de l'érotiser et on peut avoir le sentiment que la sexualité est un peu anecdotique. Ce n'est pas inéluctable, car les femmes sont dans le désir jusqu'à leur dernier souffle."

Souvent, on a l'image de la femme qui n'a plus envie, alors que l'homme est toujours vigoureux. Mais l'inverse peut aussi être vrai, non ?

"Merci ! Ras-le-bol d'imaginer que ce sont les femmes qui sont des tristes sires, et que les hommes sont toujours vigoureux. C'est parfois aussi compliqué physiologiquement pour l'homme. Mais sans être physiologiquement compliqué, ce peut être psychologiquement difficile d'investir à nouveau la sexualité.

On doit vérifier pour les hommes comme pour les femmes que ce n'est pas un signe caché de déprime ou de dépression. Dès lors qu'on est déprimé ou dépressif, de fait, le désir n'a pas lieu d'être. C'est ce qui est mis en premier en silence.

On peut être très joyeux, avoir plein d'autres choses et être plus encombré sur le sujet de la sexualité. D'ailleurs, ce qui est est intéressant, c'est que dans un couple, dès lors qu'il y en a qui est en difficulté 'officielle' de désir, l'autre se pense très désirant et dit 'je ne comprends pas, tu n'as pas de désir, comment ça se fait ?'. D'une certaine manière, la protection que représente l'autre dans son non-désir offre toute la latitude pour imaginer qu'on est soi-même plein de désir, alors que les choses sont plus complexes que ça.

Que doit faire Patrick ? Doit-il lui en parler ?

"S'en parler, c'est une bonne chose. Mais attention : il peut y avoir de la pudeur, surtout sur ces sujets. C'est assez compliqué de sortir de nos mécanismes d'échange. Pouvoir s'en parler, c'est aussi permettre l'échange autrement, c'est-à-dire que 'ce n'est peut-être pas la sexualité telle qu'on l'a connue qui t'intéresse, ou dont tu as envie, peut-être que tu aurais envie d'être abordée autrement'.

Une femme du même âge me disait qu'elle aimerait 'quelqu'un qui prenne son temps', parce que maintenant, elle sait que ça prendra plus de temps, pour la lubrification et l'excitation, par exemple. Il faut que le partenaire soit attentif à ces possibilités de changement de rythme."

Les aphrodisiaques sont-ils efficaces ? Le gingembre peut-il être utile ?

"Il faudrait sans doute manger des brouettes de gingembre pour que ça puisse avoir un effet ! Bien sûr, la médecine chinoise dira que le gingembre déclenche quelque chose. Ce que je veux dire, c'est que dès lors qu'on met une crème en se disant qu'on se fait du bien, qu'on prend quelque chose de poivré ou pimenté, avec une idée un peu sulfureuse, de fait, on se 'programme'.

À ce titre, je trouve que tout a sa place, y compris des choses qui n'auront pas l'effet d'une drogue. C'est heureux, parce que s'il suffisait de prendre une drogue pour que la sexualité soit au rendez-vous, on consommerait des choses qu'il ne faudrait pas prendre du tout et on se ferait du mal. On ne serait plus aux commandes de notre sexualité."